Le pape dénonce la persécution des chrétiens « dans l’indifférence »
Après l’horreur du massacre de Garissa au Kenya, la dénonciation de la violence djihadiste a pris le pas sur les thèmes de paix et de justice d’ordinaire évoqués lors des célébrations de Pâques. Le pape François a dénoncé samedi 4 avril au soir, lors de la longue Veillée pascale, qui célèbre, selon la croyance chrétienne, la résurrection de Jésus, « le silence complice » et « l’indifférence » devant la « furie djihadiste » qui frappe les chrétiens.
Il a fermement condamné la « brutalité insensée » du massacre des Chabab contre les étudiants de Garissa qui a fait au moins 148 morts jeudi. « Tous les responsables doivent redoubler leurs efforts afin de mettre un terme à une telle violence », a demandé dès vendredi le chef de l’église catholique. Equipés d’explosifs et d’armes à feu, les assaillants se sont lancés jeudi à l’aube à l’assaut du campus universitaire situé à près de 200 kilomètres de la frontière somalienne, tuant d’abord sans discernement avant d’épargner les étudiants musulmans et de prendre de nombreux chrétiens en otages, en fonction de leurs vêtements.
Au Vatican, on s’irrite du fait que la multiplication des persécutions de chrétiens — par des individus ou des groupes islamistes — de l’Irak au Kenya en passant par la Libye, le Pakistan ou le Nigeria, ne soit pas plus dénoncée, y compris par les autorités occidentales et musulmanes. « Aujourd’hui nous voyons nos frères persécutés, décapités et crucifiés pour leur foi en Toi, sous nos yeux ou souvent avec notre silence complice », a accusé le pape François d’une voix sombre à la fin du Chemin de Croix vendredi soir au Colisée, s’adressant au Christ. (Source : Le Monde avec AFP | 05.04.2015)
Le Conseil de Sécurité et les chrétiens d’orient, par Joseph Maïla
Joseph Maïla, professeur de géopolitique à l’ESSEC, ancien directeur de la Prospective au Ministère des Affaires étrangères, revient sur le geste de la France qui a saisi le Conseil de sécurité de l’ONU sur la question des chrétiens d’Orient. En réunissant le Conseil de sécurité pour discuter de la question des chrétiens et des autres minorités d’Orientmenacées par les menées de l’État Islamique et ses méthodes, la France s’honore d’attirer l’attention sur ce qui restera de par ses conséquences au plan civilisationnel comme l’une des grandes tragédies du siècle commençant. Certes, ce n’est pas la première fois que la France convoque l’instance onusienne dans l’affaire des chrétiens et des minorités religieuses d’Orient. En 2010, à la suite de l’attaque de la Cathédrale syriaque de Bagdad, mais plus récemment encore au milieu de l’été dernier au moment où l’État islamique menait ses expéditions meurtrières dans le nord-est irakien, la France avait été l’aiguillon de la communauté internationale à la recherche d’une réaction concertée contre des exactions d’une violence proprement inouïe. La diplomatie française remet donc le métier sur l’ouvrage. À plus d’un titre.(…)
L’heure n’est plus, en effet, au rappel de la tradition ni aux références à l’histoire. Jusque-là, lorsque les chrétiens d’Orient étaient dans la tourmente, les pressions diplomatiques, les dispositifs humanitaires et le rappel des droits de l’Homme constituaient la panoplie des réponses. Ces moyens ne suffisent plus du fait de l’éclatement du contexte géopolitique. Que ce soit en Syrie ou en Irak, les structures de l’État ont éclaté. Des parties du territoire obéissent à des commandements épars, miliciens ou en voie de l’être. Comment dans ce cas faire recours auprès d’autorités constituées ou demander le secours à des autorités de fait, sachant que dans tous les cas le contrôle effectif du territoire est devenu chose aléatoire. Les guerres civiles et l’éclatement des territoires ont rendu vaine la référence étatique. Mettre en avant, dans ce cas-là, la liberté de conviction n’a même plus lieu d’être. En réalité, le pas franchi par la décomposition des pouvoirs, le nettoyage ethnique et religieux, les meurtres, les massacres et les persécutions, mettent les communautés chrétiennes pour la première fois depuis le génocide arménien et les crimes commis contre les assyro-chaldéens dans une situation de déréliction absolue. Il y va tout à la fois de crimes de masse, de crimes contre l’humanité et d’abandon de peuples livrés à une vindicte obscurantiste autant qu’aveugle qui achève en venant à bout de communautés à la présence bimillénaire à modifier en profondeur le tissu sociétal et la configuration pluraliste d’ensemble de peuples et de civilisations qui ont fait le Proche-Orient ancien et moderne.
C’est dire l’importance du coup porté à la présence chrétienne en Orient et l’ébranlement brutal de ses fondations. Conforter cette présence et la proclamer constitutive du tissu social plural du Proche-Orient, stopper l’hémorragie actuelle que ses communautés connaissent en donnant aux déplacés les moyens de subsister dans leur pays, leur assurer des moyens de se défendre quand il le faut et s’atteler d’ores et déjà à jeter le projet d’un plan de reconstruction des villes et villages dévastés et d’un retour des populations qui en furent chassées seraient autant de signes d’un traitement de fond par le Conseil de sécurité d’une question devenue, du fait de sa gravité, essentielle à la paix et à la sécurité internationale. (Source: la Croix/27.03.15/ Joseph Maïla)
Le patriarche Sako lance un appel pour les chrétiens d’orient à l´ONU
Le vendredi 27 mars, la France a convoqué une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU qu’elle préside sur la question des chrétiens d’Orient. Intervenu à cette occasion, le patriarche Louis Sako a lancé un appel pour que la communauté internationale soutienne la libération de Mossoul et de la plaine de Ninive, en Irak, et qu’elle pousse les états du Moyen-Orient à des réformes profondes afin d’accorder une pleine citoyenneté aux non-musulmans qui vivent sur leur sol.
Devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, le patriarche Louis Sako, dont le siège est à Bagdad, a d’abord a fait un état des lieux accablant de la situation des chrétiens au Moyen-Orient et plus particulièrement en Irak.
« Comme vous le savez, nous commémorons cette année le centenaire des massacres de chrétiens de l’Empire Ottoman. Aujourd’hui, cent ans après ce drame, nous vivons une situation tragique similaire, ce qui a poussé des milliers de chrétiens à émigrer, et c’est une grande perte pour tous, a-t-il expliqué. Pour parler franchement, le soi-disant printemps arabe s’est soldé pour nous de manière négative. »
Concernant l’Irak, il a appelé la communauté internationale à soutenir les armées irakiennes et kurdes pour leur permettre de reprendre rapidement la ville de Mossoul aux mains de l’Etat islamique depuis juin 2014, ainsi que les villages de la plaine de Ninive où habitaient chrétiens, yézidis et shabaks, eux aussi envahis.
« Je lance un appel solennel à leur fournir une protection internationale avec une zone sécurisée, tout en proclamant hautement le droit à la propriété en faveur des familles déplacées pour qu’elles puissent retourner dans leurs villages et leurs maisons, et reprendre une vie normale. Il faut aussi que le gouvernement central indemnise toutes ces familles pour les dommages et les préjudices subis. ». ( …) Mgr Louis Raphaël Sako a proposé un processus en quatre points. (Source : La Vie/ 28.03.15/Laurence Desjoyaux)