Pour les jihadistes, l’europe est “une cible à attaquer en priorité”, selon Gilles Kepel
Le spécialiste du monde arabe a estimé, jeudi sur France 2, que l’objectif des islamistes radicaux est de créer une guerre civile en France et en Europe. Au lendemain de l’annonce de l’arrestation d’un homme suspecté d’avoir planifié un attentat à Paris, la France fait de nouveau face à la menace jihadiste. Invité jeudi 23 avril des “4 Vérités” sur France 2, Gilles Kepel, politologue et spécialiste du monde arabe, estime que cette crainte est justifiée, tant la France et “l’Europe en général” sont devenues des cibles prioritaires pour l’islam radical.
Pour les jihadistes qui sévissent notamment aujourd’hui dans les rangs du groupe Etat islamique, “l’erreur de Ben Laden est d’avoir visé les Etats-Unis, trop puissants, trop loin, analyse le chercheur. Selon eux, c’est l’Europe qui est le ventre mou de l’Occident, qu’il faut attaquer en priorité, en multipliant ce type d’actions, avec pour objectif de dresser les individus les uns contre les autres.”
D’après Gilles Kepel, l’objectif est de “faire qu’un jour, il y ait des réactions contre une mosquée, et que, du coup, dans la vision paranoïaque des radicaux, les musulmans se rangent derrière les plus extrémistes et qu’on aboutisse à une situation de guerre civile”. (Source: France TV/VIDEO/23/04/2015 )
Gilles Kepel toujours... : « pour les salafistes radicaux, les chrétiens font partie des cibles légitimes »
En oblitérant la distinction traditionnelle entre « gens du Livre » et « impies », le salafisme radical fait des chrétiens les cibles naturelles. Ils mènent un djihad planétaire contre les ennemis de l’islam, explique Gilles Kepel, professeur des universités à Sciences-Po. Le journal la Croix l´a interviewé. Il dit notamment :
“Traditionnellement, la culture islamique réserve un statut particulier à ce qu’elle appelle « les gens du Livre », – les autres religions monothéistes –, dont les adeptes ne sont pas obligés de se convertir à l’islam, et qui se distinguent des « impies », ceux-ci ayant le choix entre la conversion et la mise à mort.
Le salafisme radical, qui aujourd’hui caractérise l’État islamique (Daech) et qui s’est répandu de façon beaucoup plus importante sous l’influence des pays du Golfe a, dans les faits, complètement oblitéré cette distinction. Il considère que tous ceux qui n’appartiennent pas au groupe des adeptes sont, soit des impies _des « koufar », comme on dit aujourd’hui dans les banlieues pour désigner des non musulmans_, soit des hérétiques, _c’est le cas des chiites_, soit des apostats, _c’est le cas des mauvais musulmans, ceux qui ne suivent pas les préceptes de Daech et consorts.
Tous sont justiciables de la mise à mort. Cette dérive s’est beaucoup accentuée ces dernières années. Au Kurdistan irakien, les chrétiens qui ont fui l’an dernier l’arrivée de Daech dans Mossoul et dans les petites villes environnantes racontent comment les militants islamistes radicaux leur imposaient une capitation (impôt), c’est-à-dire un statut de dhimmi (« protégés ») particulièrement discriminant, ou bien les terrorisaient, prenaient leurs biens et n’avaient aucun scrupule à les égorger comme impies.
La frontière doctrinale entre ce qui est « halal » (autorisé) et ce qui est « haram » (interdit) s’est aggravée. Dans la pensée salafiste radicalisée, la zone grise qui faisait que monde musulman avait des relations non conflictuelles avec son environnement s’est complètement estompée.
Au sein de la troisième génération djihadiste, théorisée par l’ingénieur syrien islamiste, formé en France, Abou Moussab Al-Souri, la désignation des cibles légitimes : les intellectuels considérés comme anti-islamistes, les juifs et les apostats –, rend finalement licite l’exécution de tout le monde, sauf les adeptes. (Source :la Croix : 23.04.15/ Propos recueillis par François d’Alançon)
Menace d´attentats : « ne pas céder aux sentiments de peur et de panique »
Dans une interview à Radio Vatican, suite au projet d’attentat contre une église à Villejuif (Val de Marne), mgr Michel Santier, évêque de Créteil, appelle à ne pas céder à la peur : En France, les chrétiens font face à la menace d’attentats. Après la révélation ce mercredi du projet d’attaque contre deux églises de Villejuif dans la banlieue sud de Paris, la communauté chrétienne s’inquiète de devenir la cible des islamistes.
Dans ce climat fébrile qui ravive les inquiétudes, Monseigneur Michel Santier , évêque du diocèse de Créteil appelle cependant à ne pas céder à la peur. Dans son entretien, il a affirmé notamment UE Il a dit notamment « qu’il ne faut pas céder à la peur et à la panique. Céder à la peur, c’est donner raison à ceux qui préméditent de tels actes ignobles. Tuer quelqu’un parce qu’il est chrétien ou parce qu’il a une conviction croyante est inadmissible. Alors, le seul rempart que nous pouvons donner, c’est le signe que donne le Pape François, c’est-à-dire le signe de la fraternité entre les différentes confessions chrétiennes et les différentes communautés croyantes. C’est le rempart de l’amour, de la miséricorde et de la fraternité qui protégera le mieux, qui empêchera que ce climat de haine, de violence se propage. La peur est mauvaise conseillère et parmi les jeunes, surtout les jeunes étrangers, des jeunes musulmans, au risque de voir chez eux une menace partout. Déjà, ce n’est pas facile pour des jeunes de vivre dans les périphéries des grandes villes comme le Pape le souligne. Ce n’est pas facile de trouver aujourd’hui son identité. Mais ce que je veux voir dans cet évènement, c’est que peut-être qu’en France, on tienne compte davantage de la participation des catholiques qui participent vraiment au dialogue et à la fraternité dans la société. Et à cause de la laïcité, on voudrait que ce témoignage ne soit pas visible mais quand on regarde bien sur le terrain, les catholiques et les autres chrétiens participent vraiment à ce climat de dialogue, de fraternité, du vivre-ensemble. On voit bien ce qui s’est passé le 11 janvier, il y aussi en France -et les catholiques y participent vraiment -ce désir de ce qui est important pour nous chrétiens dans l’Évangile, que la fraternité soit plus forte que la haine et la violence. » (Source : Radio Vaticana/22.04.15)
Menaces contre les églises, choisir le bon combat
Après la mise au jour de projets d’attentats contre des églises en région parisienne, les chrétiens habitant en France ont découvert qu’ils étaient eux aussi visés par les terroristes islamistes. Les responsables politiques et ecclésiaux n’ont pas manqué de relever la force symbolique d’une attaque visant des lieux de culte chrétien, comme si un nouveau pas avait été franchi….
Comment réagir ? D’abord en ne cédant pas à la peur et en faisant en sorte que les églises restent « des lieux ouverts, des lieux d’accueil, conforme à l’esprit même de la religion catholique », selon le souhait de la conférence des évêques de France.
Ensuite, en refusant le soi-disant « conflit de civilisations » dans lequel les islamistes voudraient nous entraîner : en s’attaquant à des symboles de la religion majoritaire, ils cherchent à attiser un sentiment de rejet envers l’islam, qui rendrait plus difficile la vie quotidienne des musulmans, jusqu’à pousser certains à considérer qu’il est légitime de combattre ceux qui se posent en ennemis de l’islam.
Ce combat que les islamistes voudraient nous imposer n’est pas le nôtre. Le nôtre consiste à défendre des valeurs comme le respect du pluralisme et la laïcité, qui sont au fondement de notre vie sociale. Un combat qui passe d’abord par le refus de la « stigmatisation croissante et banalisée des musulmans et de leur religion » et par la poursuite d’un dialogue exigeant avec l’islam, comme le rappelait cette semaine le cardinal Tauran, président du conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. (Source: la Croix 23/4/15 /EDITORIAL Dominique Greiner)
Après-Charlie, les actes islamophobes explosent de 500 % en 2015
« Jamais depuis la mise en place de l’Observatoire national de lutte contre l’islamophobie en 2011, (…) les actes antimusulmans n’ont connu une telle implosion. » Après les attentats de Paris, le bilan dressé par l’instance affiliée au Conseil français du culte musulman (CFCM) est lourd. Les actes islamophobes ont augmenté de 500 % entre le premier trimestre 2014 et celui de 2015, passant de 37 à 222 actes en un an. Les actes et les menaces recensés ont même implosé de 1 171 % entre janvier 2014 et janvier 2015, durant lequel 178 actes islamophobes (44 actions et 134 menaces) ont été déplorées. « Le nombre d’actes commis uniquement en janvier 2015 à savoir 178, dépasse largement les actes commis durant toute l’année 2014, à savoir 133 », rappelle l’Observatoire, qui avait dressé un bilan similaire dès janvier. Leur nombre ont chuté le mois suivant mais l’augmentation constatée est de 80 % par rapport à février 2014 (18 actes, +80 %). En mars, 26 actes – dont une agression violente contre une femme enceinte à Toulouse- ont été recensés contre 13 en mars 2014 (+100 %). (Source: Saphir News/Rédigé par Hanan Ben Rhouma | Jeudi 16 Avril 2015)
Chrétiens et musulmans : un dialogue possible ?
Le Forum Renaissance organise, le mardi prochain 5 mai, une conférence à deux voix sur une question qui préoccupe à beaucoup: est- il possible le dialogue islamo-chrétien ? A vrai dire, les théologies chrétiennes et musulmanes, dans lesquelles s’incarne la foi aussi bien des chrétiens que des musulmans, sont incompatibles dans leurs affirmations centrales : Jésus unique sauveur – Mohammed ultime prophète.
Reconnaissant cette différence, sans chercher à la gommer, Hicham Abdel Gawad, professeur de religion, et Emilio Platti, dominicain, islamologue, professeur émérite à la KUL et à l’UCL nous éclaireront dans cette démarche qui, dans les circonstances actuelles de nos relations mutuelles, semble de plus en plus nécessaire de faire. Les Associations ESPACES, EL KALIMA ET ARCRE ont collaboré ensemble dans l´organisation de cette conférence.
Date: 5 mai 2015
Heure: 20.15
Adresse : Avenue de la Renaissance, 49/ 1000 Bruxelles/ www.dominicains.be
Info : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. & 02 743 09 60