L’islam, la tolérance et le Maroc: interview avec Combo, le street artiste qui cartonne à Paris
Depuis quelques mois, le tag “CoeXisT”, formé des symboles des trois religions monothéistes, essaime les murs de la capitale française. Le street artiste Combo, d’origine marocaine et libanaise, s’est surtout fait connaître à Paris. Mais il a également couvert les murs de Tchernobyl, Hong Kong, Beyrouth, Tel Aviv ou Marrakech. Son objectif: prôner la tolérance et le respect des religions par l’art de rue pour atteindre le plus grand nombre, avec toujours une pointe d’humour et d’autodérision.Il répond à HuffPost Maroc :
« Je suis graffeur depuis l’âge de 16 ans. Par la suite, j’ai fait les Beaux-Arts, de la publicité puis du street art. Combo, ça veut dire l’enchaînement, la combinaison, le mélange, le métissage. J’ai toujours été comme ça, j’ai toujours mélangé plein de choses dans ma vie, dans mon parcours, dans mes peintures »….
« J’ai toujours tenu à défendre les autres, dans le sens où je trouvais moralement plus facile de défendre des causes qui ne sont pas les miennes: j’ai travaillé sur l’homosexualité, sur le féminisme, etc. Là, les derniers attentats m’ont poussé à travailler sur la problématique de l’islam en France. » (Source: HuffPost Maroc | 28.04.15/ Par Anaïs Lefébure )
Islam : la réforme salutaire
Les événements sanglants qui ont eu lieu à Paris au début de cette année en relation avec l´hebdomadaire Charlie Hebdo, ont montré, d´après un certain nombre de personnalités musulmanes, la nécessité de plus en plus pressante d´une réforme au sein de l´islam. Cet appel à la réforme a été renouvelé plusieurs fois ces derniers temps sur un arrière fond de crimes anti-chrétiens, revendiqués par Daech : l´assassinat de 148 étudiants kenyans à Garissa et les exécutions d´une vingtaine de coptes égyptiens, suivie de peu par l’exécution aussi barbare que la précédente d’un groupe d´éthiopiens orthodoxes. Tous ces intellectuels musulmans s´accordent pour dire que l´image de cet islam violent est l´œuvre de quelques fanatiques musulmans, qui n’ont aucune correspondance avec l´islam, religion de paix et de tolérance.
Cependant, pour ces mêmes intellectuels musulmans, le fait d´attribuer ce mal à des fanatiques, ne doit pas servir de prétexte pour dédouaner l´islam de toute faute. En effet, les djihadistes de l´Etat islamique revendiquent leur islamité et leur référence au texte coranique . Il faut un regard critique sur soi-même. Il ne s´agit pas de toucher aux textes révélés, mais de les situer dans leur contexte historique et culturel, pour les réinterpréter en fonction du temps présent. ´Comme le dit Abdennour Bidar: « Nous ne pouvons reprendre nos héritages tels quels, nous devons les retrouver en les régénérant, dans une fidélité infidèle ». C´est dans ce même esprit que vient de naître en France, sous l´impulsion de quelques intellectuels musulmans, la Fondation al Kawakibi, qui se donne dès le départ la tâche d´organiser en 2016 un Forum Mondial pour une réforme islamique. On retrouve le même phénomène en Belgique avec l´initiative de quelques jeunes musulmans belges qui veulent travailler à un islam conforme aux exigences sociales et culturelles de leur pays.
Il ne suffit pas de vouloir une réforme. D´après les réactions, le débat s´annonce âpre. ARCRE prend note de cette question avec intérêt. Mais il reconnaît aussi que la pertinence et l´étendue de la réforme de l´islam avec ses implications intellectuelles, sociales, culturelles, religieuses et politiques sont des questions qui regardent les musulmans eux-mêmes. On priera pour leur succès.
Arcre ne peut donc qu´encourager ce débat. De son succès dépend la paix et l´avenir du monde. Le monde a changé. L´isolement géographique et culturel des religions appartient à un passé révolu. Le sens de l´histoire ne se trouve ni dans l´imitation d´un passé obsolète ni dans l´ostracisme qui mène à la violence. La paix est à trouver dans un monde ouvert à toutes les croyances et convictions. C´est un projet basé sur la solidarité et la collaboration de tous, une humble démarche universelle ouverte à tous les hommes et femmes de ce monde, égaux et libres sans privilèges de race, orientation sexuelle ou religion. Elle demande l´estime, le respect et la tolérance. Il appartient aux hommes et aux femmes de ce monde de rendre explicite le dernier message de Dieu. EDITORIAL ARCRE.
Défi de l’intégration de l’islam et menace terroriste
Globalement, on peut dire que, dans l’Union européenne, c’est la France qui défend la conception de l’intégration la plus laïciste, ceci en raison de la nature même de République française, fondée sur un laïcisme qui a été porté à son comble sous la III ème République et qui a laissé des traces profondes aujourd’hui, même si des sociologues-anthropologues et démographes Michel Wieviorka et Emmanuel Todd comme nombre d’associations islamiques (Frères musulmans, etc) ou anti-racistes (MRAP, etc), relayés par des courants de la gauche préconisent “des adaptations institutionnelles” ou “aménagements” de la laïcité rigoriste, jugée inadaptée à l’islam. Ces courants de pensée qualifiés de “communautaristes” voient dans la défense rigoureuse de la laïcité républicaine une atteinte aux identités et coutumes donc aux “droits à la différence” des communautés musulmanes d’origine majoritairement extra-européenne. Les communautaristes prennnent souvent en exemple la Grande-Bretagne, qui, à la différence de la France, différencie les notions de citoyenneté et de nationalité, qui sont confondues chez nous, et qui reconnaît les communautés (Comunalism et Race Acts) au nom d’une vision bien plus multiculturaliste de la nation conçue comme une juxtaposition de communautés considérées comme des corps intermédiaires avec qui l’on doit traiter et trouver des terrains d’entente.
En Europe, la France n’est pas la seule à connaître des difficultés d’intégration des minorités musulmane et à faire face à des menaces terroristes. Mais tous les pays n’abordent pas ces problèmes de la même manière.
Les islamistes vantent ainsi la “tolérance” britannique en matière de port du foulard dans les lieux publics, les administrations, les entreprises, etc. L’Union européenne elle-même s’oppose au modèle français très minoritaire, depuis l’introduction obligatoire, dans les législations nationales, des différentes directives sur la non-discrimination et le respect des droits identitaires et cultuels des minorités. (Source: Atlantico/11.05.15/)
Des laïques aux djihadistes, quelles relations entre islam et politique
« Faith, freedom and Foreign policy » – « Foi, liberté et politique étrangère »- , c’est le titre d’un essai collectif récemment publié par un organisme basé à Washington, la Transatlantic Academy. Financée par des fondations européennes et américaines, notamment le German Marshall Fund, celle-ci promeut une vision libérale du monde.
Elle vient de réunir neuf contributions dissertant sur le rôle des religions dans les relations internationales. La Transatlantic Academy s’intéresse notamment au fossé qui sépare l’Europe sécularisée et la très croyante Amérique, mais aussi à la façon dont les deux rives de l’Atlantique font face à l’extrémisme religieux.
Jeudi 7 mai, quatre auteurs étaient de passage à Paris pour faire connaitre leurs travaux, rencontrant notamment des diplomates du ministère des affaires étrangères. Parmi eux, Mustafa Akyol, éditorialiste au quotidien turc Hurriyet Daily News, spécialiste de l’islam politique et auteur régulier dans les revues politiques américaines.
Son sujet pour la Transatlantic Academy s’intitule « Islam and the liberal order ». Il y propose un classement en cinq catégories de la façon dont les musulmans du monde entier se situent par rapport au système libéral et à ses valeurs. Il conclut avec six suggestions à destination des leaders politiques et faiseurs d’opinion. Des points qu’il a résumés lors d’un déjeuner qui s’est déroulé dans un restaurant situé à trois pas de l’Assemblée nationale. (Source: la Croix/12.05.15/Mustafa Akyol, éditorialiste turc)
Conseil des conférences épiscopales d´Europe : « la fatigue et la joie » du dialogue islamo-chrétien
Réunis à l’initiative du CCEE, le Conseil des conférences épiscopales d’Europe, les évêques et délégués pour les rapports avec les musulmans en Europe se sont réunis à l’abbaye de Saint-Maurice en Suisse, du 13 au 15 mai, pour évoquer la question délicate du dialogue avec l’islam dans le contexte de guerres multiples au Moyen-Orient et de risque terroriste.
En cette année du 50e anniversaire de Nostra Aetate, la Déclaration du Concile Vatican II sur les rapports entre l’Eglise et les autres religions, ils se sont déclarés « plus que jamais convaincus que le dialogue interreligieux et, dans notre cas, le dialogue entre chrétiens et musulmans, n’est pas seulement nécessaire pour construire la paix, mais c’est un impératif de notre foi »,
Durant les trois journées de travail, les responsables pour le dialogue avec les communautés musulmanes du continent ont abordé le thème de l’origine et des causes du phénomène de radicalisation de certaines communautés musulmanes en Europe. Ils ont également présenté un certain nombre d’expériences de dialogue en cours, notamment en Espagne, en Suisse, en Allemagne, en France et en Bosnie-Herzégovine, pays qui sera visité par le Pape François le 6 juin prochain, 20 ans après la fin de la guerre.
Parmi les experts qui ont participé à cette réunion figuraient Olivier Roy, de l’Institut Universitaire Européen de Florence, et Omero Marongiu-Perria, sociologue des religions lui-même de confession musulmane, et membre du CISMOC, le Centre Interdisciplinaire d’études de l’Islam dans le Monde Contemporain rattaché à l’université de Louvain, Belgique.
Les travaux ont été guidés par l’archevêque de Bordeaux, le Cardinal Jean-Pierre Ricard, et accompagnés par le Cardinal Jean-Louis Tauran, Président du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux. Mgr Diego Causero, nonce apostolique en Suisse, a également pris part à la rencontre.
Message adopté par les participants :
« Cette année, alors que nous célébrons le cinquantième anniversaire de Nostra Aetate, nous sommes plus que jamais convaincus que le dialogue interreligieux et, dans notre cas, le dialogue entre chrétiens et musulmans, n’est pas seulement nécessaire pour construire la paix, mais c’est un impératif de notre foi.
L’Islam est une religion riche et diversifiée dans sa tradition, avec plusieurs courants de pensée.
Cependant, comme toutes les religions, il se trouve à aborder les défis de la radicalisation dans le contexte contemporain. Pour dépasser la radicalisation, nous avons besoin de la liberté de religion et de son principe fondamental: la liberté de conscience. L’éducation religieuse joue un rôle important dans le renforcement de l’identité religieuse, dans le respect le plus total des convictions religieuses des autres. Cela aide également à construire la solidarité avec les personnes marginalisées, persécutées, et avec les victimes de la radicalisation, indépendamment de leur credo.
Le fruit de notre réflexion sur ces défis consiste à renouveler et approfondir notre engagement à l’égard du dialogue du point de vue religieux, culturel et social. Nous souhaitons renouveler notre engagement pour une rencontre dynamique avec les musulmans, aussi bien en matière intellectuelle-académique qu’en matière de vie quotidienne.
Cela exige un examen personnel approfondi et une réflexion théologique sur notre foi et sur la pratique chrétienne, notamment à la lumière des défis posés par la sécularisation et par les mouvements populistes aussi bien pour le Christianisme que pour l’Islam.
Un dialogue authentique exige que nos communautés chrétiennes continuent d’être les témoins vivants de la Parole de Dieu, communautés de prière et d’accueil de « l’autre » qui vit parmi nous.
Le Jubilé de la Miséricorde nous offre une opportunité unique de montrer qu’il est possible de vivre ensemble et de partager des aspirations communes. La Misericorde ne domine pas. La Miséricorde fait «place » à la diversité et à l’acceptation de l’autre. » (Source: Radio Vaticana/15.05.15)
Le dialogue interreligieux au Pakistan
Du Pakistan et de la place que réserve ce pays très majoritairement musulman aux minorités religieuses, l’écho médiatique ne renvoie qu’une image très négative : exactions commises au nom de la loi contre le blasphème, discriminations de toutes sortes et arbitraire le plus injuste. Sans rien n’éluder de cette réalité, … le présent et passionnant article invite à aller plus loin à la découverte, non pas tant de l’islam, que des musulmans du Pakistan et de la place que les chrétiens peuvent y avoir. * Spiritain irlandais, John O’Brien arrive au Pakistan en 1977. Retourné ensuite au pays pour enseigner la théologie, il retrouve après environ dix ans le groupe spiritain du Pakistan. Jusqu’à aujourd’hui, il participe à un ministère comprenant des activités pastorales auprès de populations marginalisées, le dialogue interreligieux, des projets éducatifs et de développement. Parmi ses publications : The Unconquered People (Oxford University Press, 2012).
Dans cet article sur la présence des spiritains au Pakistan, je me propose tout d’abord d’esquisser le caractère dialogique de cette présence à l’islam, à l’hindouisme et à certaines formes de catholicisme par trop acculturées. Dans un deuxième temps, je proposerai un cadre théologique permettant de comprendre la nature constitutive du dialogue dans le témoignage rendu à l’Evangile. Puis j’indiquerai comment, pour la personne humaine, et à plus forte raison pour le témoin de l’Evangile, le chemin vers une authentique appropriation de soi-même dans l’agir chrétien est essentiellement dialogique.
Pour notre communauté spiritaine, le fait de vivre en République islamique du Pakistan tout en nous efforçant, même sans grand succès, d’y témoigner de la mémoire subversive de Jésus de Nazareth, nous engage dans un dialogue interreligieux à multiples strates : dialogue avec les musulmans plutôt que simplement avec l’islam, avec les hindous des groupes tribaux plutôt que simplement avec l’hindouisme, avec les chrétiens des classes opprimées plutôt que simplement avec le catholicisme romain officiel. Et, peut-être le plus révélateur, c’est aussi un dialogue qui se tient en chacun de nous-mêmes : dialogue intérieur du cœur et de l’esprit en chemin vers une conception et une expérience de Dieu plus satisfaisantes. Le dialogue avec la religion telle qu’elle est vécue par des gens opprimés, pour la plupart aux prises avec la pauvreté et le conflit, est autre chose qu’un dialogue entre deux systèmes religieux théoriques. Il prend toujours place dans un contexte sociopolitique donné ; pour les chrétiens, cette mise en contexte est modelée par une option préférentielle pour les pauvres.(Source : Eglises d´Asie/07.05.15/07/05/2015 – par le P. John O’Brien, CSSP)