Dalil Boubakeur : lettre ouverte aux français
Dalil Boubakeur est certainement un homme très emblématique de l’Islam et des Musulmans de (ou en) France. Il a, pour ainsi dire, pris la succession de son père Si Hamza Boubakeur comme Recteur de la Mosquée de Paris. Il fut par trois fois le président du CFCM ou (Conseil Français du Culte Musulman). Il est ainsi devenu un interlocuteur incontournable pour tous ceux qui s’intéressent à l’Islam. Ce livre est un moyen de le connaître un peu mieux, lui et ses frères et sœurs musulmans.
Il va aborder bien des sujets variés, souvent d’actualité et en corrélation avec la situation de la France et la présence des musulmans. Ses titres de chapitre nous en donnent déjà une idée. Dans bien des endroits affleure son souci de paix et d’harmonie entre les musulmans eux-mêmes et avec les autres français. Il n’évite pas les sujets difficiles comme la violence « inacceptable » (chapitre 7). Il y voit en elle « certains résidus d’animalité chez l’homme ». Des hommes qu’il caractérise aussi comme « les névrosés des temps modernes » (p.80-81). Il nous invite à une relecture historique, avec lui, de certains événements du passé interreligieux que ce soit la vie du prophète Muhammad (chap.15), l’histoire de Carthage et les Guerres Puniques (chap.10) ou encore ce qu’il appelle « Le Frisson de Poitiers » avec la fameuse victoire de Charles Martel (chap.13). Finalement, la fraternité entre les musulmans et avec les autres reste un de ses soucis permanents. Mentionnée au début et en fin de livre, il en fait le sujet de son chapitre 16.
Dalil Boubakeur n’est plus jeune. Il a vu bien des choses évoluer et cette évolution continue. Si les Musulmans traversent maintenant une épreuve (p.14), c’est néanmoins d’abord à eux de se transformer (p.213). Cela demande d’accepter une certaine variété en Islam, à la fois un en sa doctrine mais multiple en ses expériences (p.116). Fondamentalement, notre auteur reste donc optimiste quant au futur (p.224) car « un nouveau behaviourisme musulman, dans le cadre d’une théologie de la libération de l’individu se profile au terme de cette évolution. » (p.114)
Ce livre n’est qu’une longue « lettre ouverte aux Français ». D’accord ou pas d’accord avec l’auteur n’est pas un enjeu. Il faut accepter de le lire comme une lettre qui nous permettra de nous familiariser avec un des courants, peut-être majoritaire, de l’Islam qui se trouve parmi nous.
Gilles Mathorel
Dalil Boubakeur : Lettre ouverte aux Français. L’appel du Recteur de la Mosquée de Paris. Dalil Boubakeur : Kero 2015 – 279 pages – 17.90€
Religion et climat : un sommet des consciences prophétique ?
Une moniale bouddhiste qui invite toute l’assemblée –ministres y compris- à respirer pour se mettre au diapason de la nature; un hindou qui cite Gandhi pour appeler à convertir son attitude; des enfants qui portent une planète terre symbolique au patriarche Bartolomeos devant un Laurent Fabius légèrement déstabilisé… Une chose est sure: ceux qui ont eu la chance d’assister au sommet des Consciences pour le Climat, mardi 21 juillet, au Conseil Économique, social et environnemental, en sont sortis avec le sentiment d’avoir vécu un moment exceptionnel.
Exceptionnel d’abord, sur la forme.
C’est la première fois, dans la France laïque, que le rôle des religions et spiritualités se trouve ainsi reconnu, et même célébré: dans un lieu aussi éminemment républicain, voir des bouddhistes en robe, des hindous en sari, des chamanes indiens avec leur coiffe en plumes, un mollah en turban, un rabbin avec sa kippa et des prélats en soutane, appeler, au nom de leur foi, à un autre rapport à la nature, sous le parrainage du président de la République venu ouvrir ce sommet, constitue sans aucun doute une première.
De ce point de vue, la publication par le pape François d’une encyclique sur le climat, Laudato si, qui repose sur une forte expertise à la fois scientifique, économique et environnementaliste, a sans doute beaucoup fait pour rendre crédible, auprès des politiques, le discours religieux. (Source : La Croix/22.07.15/ Isabelle de Gaulmyn)
L’ "état islamique" : maladie de la jeunesse mondiale
« l’État islamique » est entré dans sa deuxième année et le monde entier, Est et Ouest, Nord et Sud, le considère comme une force déstabilisatrice, hors de tout contrôle, cent fois plus dangereuse que toutes celles qui ont pu exister.
Cette nouvelle génération de jihadistes – ses dirigeants ont la quarantaine, et ses troupes sont composées de trentenaires et de plus jeunes encore – s’est donné deux atouts négligés par ses prédécesseurs :
La maîtrise d’internet, qui en fait l’organisation jihadiste utilisant le plus largement et le mieux la Toile, les réseaux sociaux et le numérique comme moyens de communication mondiale et de diffusion de son idéologie, et même comme arme pour faire la guerre cybernétique à ses ennemis.
La fascination qu’elle exerce sur une fraction des jeunes du monde entier. Plusieurs dizaines de milliers d’entre eux ont rejoint ses rangs, se sont convertis à son idéologie et exercent en son sein de hautes fonctions.
« L’État islamique » n’est plus seulement une secte islamiste et une maladie de l’islam ; il est en passe de devenir une maladie de la jeunesse mondiale. (Source: Jeune Afrique/23.07.15/Béchir Ben Yahmed)
La guerre contre le djihad : initiatives pacifiques
Une soixante de personnalités de la société civile, des religieux, universitaires et politiques se sont retrouvés cette semaine à Barcelone pour réfléchir aux moyens de combattre pacifiquement le jihadisme, notamment sur internet.
La rencontre, organisée jusqu’à vendredi par l’Union pour la Méditerranée, rassemblant 43 pays de la région avait pour objectif de permettre aux différents acteurs impliqués de partager leurs expériences. Comment freiner la radicalisation ayant mené aux attentats qui frappent régulièrement les deux rives de la Méditerranée, de la France à la Tunisie en passant par l’Égypte, les massacres de minorités religieuses et les enlèvements d’occidentaux en Syrie et en Irak, où l’on estime que 25 à 31.000 étrangers prennent part au jihad du groupe Etat Islamique ?
La radicalisation passant essentiellement par les réseaux sociaux, la réponse est là, aussi: “Nous devons utiliser internet beaucoup plus, nous saisir de ces médias pour atteindre davantage les jeunes et les femmes”, leurs mères, a expliqué, en marge de cette réunion, Elisabeth Guigou, présidente de la Fondation Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures.
En France, où 90% de la radicalisation se trame sur la toile, le gouvernement a lancé un site, “stop-djihadisme.gouv.fr”, destiné à contrer la propagande djihadiste, en la décryptant et en expliquant notamment les “techniques de manipulation mentale” utilisées. (La Libre Belgique/25.07.15)
« Le contenu des archives coloniales doit être démythifié »
Maître de conférences en bibliothéconomie et sciences documentaires à l’université d’Alger 2 (Bouzaréah), Mehenni Akbal a consacré plusieurs livres à Mouloud Feraoun. Faisant référence à des textes inédits, Akbal, marqué par l’approche médiologique de Régis Debray, fera connaître des facettes méconnues de l’auteur du Fils du pauvre. Engageant un travail biobibliographique méritoire, le chercheur a consacré un essai à Henri Sanson, jésuite qui a étudié les sociétés de l’islam et particulièrement l’Algérie, sa terre d’adoption. Infatigable défricheur, Akbal vient également de publier aux éditions Hibr un essai fort intéressant sur les archives algériennes.(….)
Concernant… Le dialogue islamo-chrétien, entretenu par les hommes évoqués plus haut, s’est essoufflé à cause, entre autres, des troubles dans les pays arabes. Par contre, un dialogue islamo-islamique s’impose vu les déchirures que connaît cette aire géographique. Les hommes de l’Eglise, qui vivent surtout dans ces pays, peuvent-ils y contribuer ?
Le dialogue islamo-chrétien ? Le dialogue interreligieux ? Beaucoup de spécialistes de haut rang n’y croient même pas. Ils le considèrent comme relevant de l’utopique et du chimérique. La pratique est très ancienne. Elle a revêtu plusieurs formes. Elle a même été réglementée et institutionnalisée. Je crois que l’âge d’or du dialogue interreligieux reste les civilisations abbaside et andalouse.
Pour ma part, je nourris une grande prédilection pour schématiser le dialogue interreligieux dans des cercles concentriques en distinguant trois niveaux. Au plus haut niveau, le dialogue intellectuel pris en charge par des penseurs éclairés et libres qui disposent de la hauteur de vue, des qualifications et de l’expérience requises. Le deuxième niveau, c’est le dialogue praticien animé par des personnes mandatées et œuvrant dans le cadre d’institutions scientifiques, religieuses et/ou culturelles. (Source : El Watan :25.07.15/ Nadir Iddir)