DIOCESE DE LAGHOUAT - GHARDAIA .
BILLET MENSUEL Mars 2013
Frères très chers,
Pour nous, chrétiens, la période du Carême rappelle inévitablement le désert : c’est là que Jésus y a affronté les forces du Mal. Mais le désert évoque bien d’autres aspects. Pour certains, il est un lieu d’évasion dans une région où lumière et ombre se croisent à l’état nu. Pour d’autres, c’est un espace de solitude qui permet recul et intériorisation. Pour d’autres encore, le parcourir, y voyager, y travailler, voir même y vivre sont leur condition ordinaire
Mais le désert, dans sa dure actualité, peut être aussi une rude épreuve, et c’est cela que je voudrais surtout évoquer. Aujourd’hui encore, faut-il le rappeler, beaucoup de migrants venus des pays subsahariens en tentent la traversée pour réaliser le rêve d’une vie meilleure qui se noie dans la désillusion. Je vous en parlais dans un billet récent. Ils sont encore plus nombreux actuellement en raison de la guerre ou des conflits qui sévissent dans les pays voisins. De plus en plus, nous voyons maintenant affluer des femmes et de tout jeunes enfants contraints de mendier dans les rues de plusieurs villes du Sahara. Ils sont surtout originaires du Niger, ayant souvent transité par la Lybie. Entassés dans des lieux publics, ils bénéficient de la solidarité et de la charité de bienfaiteurs locaux, mais ils sont bien loin de vivre dans des conditions décentes. Quel sera leur avenir ?
D’autres encore se trouvent toujours emmurés dans une interminable attente, peu à peu recouverts par les sables de l’oubli. Dans l’extrême sud-ouest du désert algérien, vous le savez, c’est le cas de plusieurs milliers de réfugiés sahraouis qui ont dû fuir leur terre occupée par le pays voisin. Ils sont toujours privés du droit de prendre en main leur propre destin comme l’ont prescrit les conventions internationales. Et cela dure depuis près de 40 ans ! Faut-il le répéter ?
Cela veut dire que, depuis cette fuite au désert, des générations n’ont connu ni liberté ni droit à leur terre. Ils vivent refoulés dans l’extrême sud de l’Algérie qui a bien voulu les accueillir. Les voici figés dans une attente interminable que les grands de ce monde consentent enfin à ce que leur droit soit reconnu. Ces « prisonniers du désert » ne vivent que grâce à la solidarité internationale, le Programme Alimentaire Mondial, que la récession économique amenuise d’année en année. Quelques ONG viennent y apporter une aide humanitaire supplémentaire pour leur permettre de ne pas mourir et les tirer de l’oubli. Leur pays d’accueil offre ce qui lui est possible d’offrir. Mais l’application de leurs droits fondamentaux reste en suspens…
Que dire de l’injustice qui pèse sur ceux qui, sur la terre qui est la leur, osent redresser la tête? Des instances internationales ont dénoncé récemment le procès injuste et les conditions d’incarcération qu’ils ont connus. Ils ont été récemment sanctionnés par des peines sans mesure au regard de leur légitime revendication.
Que faire et que dire pour que le droit de tous ces « prisonniers du désert » soit reconnu et que soient appliquées les conventions internationales dûment réitérées ?
Ces propos, je les exprime et au nom de ma foi et au nom de mes convictions humaines les plus profondes, que ce temps de Carême vient réveiller. Ils sont comme l’écho en moi de ce passage du Prophète Isaïe, entendue au début de ce temps liturgique :
« Ne savez-vous pas quel est le jeûne qui me plaît ? Rompre les chaînes injustes, délier les liens du joug ; renvoyer libres les opprimés, briser tous les jougs ; partager ton pain avec l’affamé, héberger les pauvres sans abri, vêtir celui que tu vois nu et ne pas te dérober devant ta propre chair. Alors ta lumière poindra comme l’aurore… » (Isaïe 58, 6-8).
Et si cette lumière était l’annonce de l’entrée dans la Terre promise de ceux qui en son exclus ?
+ Claude, votre frère évêque