Le GRIC a été fondLe Père André Ferréé dans le sillage du Concile Vatican II qui a, vous le savez, officialisé dans l’Eglise catholique une vision des autres religions qui était jusqu’alors loin d’être celle de la majorité. Il est difficile aux jeunes générations d'imaginer la nouveauté que représentait alors la Déclaration Nostra Aetate, notamment ce passage : Même si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le Concile les exhorte tous à oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté. C’était la reconnaissance, par l’ensemble des évêques catholiques, d’un regard positif et ouvert sur les croyants des autres traditions religieuses, et notamment de l’Islam. C’était aussi une sorte de ratification officielle des efforts de ceux qui, déjà bien avant le Concile, essayaient de nouer des liens d’amitié, de compréhension et de collaboration avec leurs voisins musulmans.

D’autre part, l’évolution du monde à l’époque du Concile favorisait la création de nouveaux types de relations entre les peuples, les Etats et les religions. Un fait significatif : entre l’annonce du Concile faite par le pape Jean XXIII (1959) et la conclusion de Vatican II (1963), tous les anciens pays colonisés, notamment en Afrique, ont accédé à l’indépendance. En ce qui concerne les relations islamo-chrétiennes, pendant les années 1970 plusieurs colloques ont été organisés : Cordoue et Tunis (1974), Tripoli (1976), de nouveau Cordoue (1977). Mais ce genre de rencontres, malgré l’intérêt qu’il présentait, montra très vite ses limites. Les interventions des conférenciers se situaient souvent au plan purement académique, certaines étaient même franchement apologétiques ou polémiques. Quant aux séances de discussion, elles aboutissaient à des monologues successifs plutôt qu’à un véritable dialogue. Ces résultats décevants amenèrent certains des participants, musulmans et chrétiens, à envisager une autre forme de rencontre.

Ce petit groupe, animé du côté chrétien par notre confrère Robert Caspar (décédé en 2007) et, du côté musulman, par un universitaire tunisien, Abdelmajid Charfi, prépara une première rencontre à laquelle participèrent une quinzaine de musulmans et de chrétiens. Elle se tint à l’abbaye de Sénanque, en France, et elle aboutit à la rédaction d’une Charte fondamentale, mise au point l’année suivante sous le titre : Orientations pour un dialogue en vérité. Sans tarder, les participants se fixèrent un premier sujet de recherche : l’Ecriture révélée en islam et dans le christianisme. Le climat de confiance mutuelle et d’ouverture qui avait marqué ces journées permettait d’aborder ce très délicat sujet. Plusieurs années furent nécessaires pour rédiger un texte commun acceptable par tous. Il prit la forme d’un livre intitulé Ces Ecritures qui nous questionnent, qui sera plus tard traduit en arabe.

Mais, pour saisir le but et la méthode du GRIC, revenons à sa Charte fondamentale. Elle est divisée en six points.

1. « Fidélité à notre foi et ouverture à l’autre ». Trois affirmations importantes :

- « Nous pensons que, d’une part, notre certitude de foi implique nécessairement une recherche sans fin de la vérité, avec l’aide et la lumière de Dieu, et que, d’autre part, d’autres approches de la vérité… sont légitimes et peuvent être fécondes pour nous ».

- « Chacun de nous reste fermement attaché à l’essentiel de sa foi et à la vision du monde qu’elle implique, et c’est dans cette lumière que nous voulons situer la religion des autres ».

- « C’est pourquoi nous récusons toute forme de syncrétisme qui tendrait à occulter les différences essentielles entre nos religions… Notre but est de situer ces différences à leur vraie place… Convaincus que les convergences entre nos visions de foi sont plus nombreuses et plus importantes qu’on ne croit généralement, nous pensons que les mettre en valeur, c’est aussi mettre en lumière les divergences réellement fondamentales ».

2. Le deuxième point traite de la « représentativité » des membres du GRIC. Les personnes qui adhèrent au groupe le font à titre personnel et privé. Aucune n’est mandatée par une hiérarchie ou une quelconque autorité. Les nouveaux membres sont cooptés par le groupe, les critères exigés étant la compétence technique, une connaissance suffisante de la tradition religieuse de l’autre et la volonté de travailler ensemble, dans un climat d’amitié, de liberté et de franchise.

3. Le troisième point invite à « accepter le regard critique des autres ». L’amitié vraie exclut toute arrière pensée, toute hypocrisie et duplicité ; elle suppose une franchise aussi grande que possible. « Chacun de nous doit être prêt à accepter la position de chacun des autres, telle qu’il la présente après mûre réflexion, quitte à lui demander d’en préciser les raisons et à la soumettre à la critique ».

4. « Nous ne sommes pas les propriétaires des bases de notre foi ». En conséquence, « nous admettons d’autres lectures que la nôtre de l’histoire fondatrice de notre foi et de notre Ecriture ».

5. « Notre fraternité dans la foi ». « Nous avons à surmonter les oppositions politico-religieuses qui ont conduit nos religions à s’affronter… Nous avons à nous retrouver ensemble, entre croyants, pour aborder ensemble, en croyants, les défis du monde contemporain ».

6. Le sixième et dernier point envisage la possibilité d’ouvrir le dialogue aux fidèles d’autres religions, en particulier le judaïsme. De fait, l’un ou l’autre croyant juif a déjà participé aux travaux du GRIC.

Le GRIC a obtenu la reconnaissance légale en France (et récemment en Tunisie), comme association à but non lucratif. Pour cela, il a dû élire un Bureau directeur (avec président, secrétaire général et trésorier) ; il doit tenir chaque année une assemblée générale avec des délégués des sections locales, et publier un rapport sur ses activités. L’originalité du GRIC, c’est d’avoir deux co-présidents, un musulman et un chrétien. Actuellement, c’est une musulmane et un chrétien. Le Groupe est constitué de sections locales (Tunisie, Maroc, Liban, France), dont la composition respecte, autant que possible, la parité musulmans/chrétiens.

Chaque section peut recruter par cooptation de nouveaux adhérents. Ils sont présentés par l’un ou l’autre membre de la section et, après avoir pris connaissance de la Charte et l’avoir acceptée, ils mettent leur compétence au service du groupe.

La fréquence des séances de travail est fixée par chacune des sections, en fonction de la disponibilité des membres. Ceux-ci, en majorité des universitaires, ont quelquefois de la difficulté à concilier leur engagement au GRIC (rédaction et révision de textes, assiduité aux réunions) avec les exigences de leur profession. La section de Tunis a opté pour une rencontre mensuelle.

L’assemblée générale fixe un thème de recherche dont l’étude peut s’étendre sur deux ou trois années.Ce thème est travaillé par les sections locales, qui rendent compte de leurs travaux au cours de l’assemblée annuelle. Jusqu’à une date récente, chaque thème aboutissait à la publication d’un ouvrage. Après le volume sur les Ecritures (1987), ont paru successivement Foi et Justice (1993), Pluralisme et laïcité (1996), Péché et responsabili éthique (2000), Les identités en devenir (2003). Ces publications exigeaient beaucoup de temps et de travail, et elles n’avaient pas nécessairement beaucoup de lecteurs. Aussi avons-nous opté pour des textes plus courts : par exemple, Croire au lendemain d’un changement de siècle, publié dans Islamochristiana en 2002. D’autres textes, en français ou en arabe, paraissent régulièrement sur notre site. Ceux qui portent le label GRIC ont été auparavant présentés, discutés et éventuelle- ment modifiés au sein de la section. Cette phase d’élaboration requiert un climat de confiance mutuelle, d’ouverture et de franchise, afin que chacun et chacune puisse présenter en toute liberté son point de vue. Celui-ci, même à l’intérieur d’une même foi, ne fait pas nécessairement l’unanimité. Les discussions sont parfois passionnées et… passionnantes !

 

Nous avons bien conscience d’apporter une contribution très modeste au dialogue islamo-chrétien ; nous savons aussi (et nous nous en réjouissons) qu’il existe d’autres types de rencontre, tout aussi valables que le nôtre. Mais je pense traduire la conviction de nous tous, en affirmant que cette recherche commune, réalisée par des croyants appartenant à des traditions différentes permet à chacun d'approfondir et de préciser les bases de sa propre foi..


André Ferré, PB



Vous trouverez d’autres informations sur le GRIC et sur ses activités, en consultant notre site : www.gric-international.org