Les premiers siècles

Naissance et essor

Les premiers indices connus de la présence de l'Église en Algérie remontent à la fin du II° siècle. Ils sont essentiellement constitués par les témoignages des martyrs. C'est l'époque où les Saintes Perpétue et Félicité furent martyrisées à Carthage en 203.

D'ailleurs, à la même époque, un libyen, Victor I° était pape (189-199) de l'Eglise catholique à Rome. A cette même époque, c'est un autre maghrébin, Septime Sévère, qui dirigeait l'Empire romain. A noter que le Maghreb donnera encore par la suite deux autres papes à l'Eglise, les saints Miltiade (311-314) et Gelase I° (492-496).

Tertullien (fin du II° siècle) est le grand témoin de l'essor du christianisme au Maghreb. Il est le premier auteur chrétien, qui a exprimé en latin le dogme chrétien. Le premier concile maghrébin qui se tint à Carthage en 215 comptait 70 évêques. En 255, un deuxième concile en comptait 90. Par la suite il y en eut plusieurs centaines. Les évêchés de l'époque avaient plus la dimension de paroisses que les diocèses actuels. Néanmoins, ils manifestent l'extension prise par la foi chrétienne en cette région. Parmi les plus illustres évèques, il faut mentionner particulièrement Saint Cyprien, évêque de Carthage (mort en 258).


Une grande figure : Saint Augustin

 

Saint Augustin

 

Saint Augustin né à Taghaste (l'actuelle Souk Ahras, en Algérie, près de la frontière tunisienne) en 354. Sous l'influence de sa mère Sainte Monique, après une vie passablement dissolue, il se convertit à la foi chrétienne en 387 et devint par la suite évêque d'Hippone (actuelle Annaba) de 397 à 430. Il a laissé une œuvre écrite considérable de sermons, de commentaires de l'Ecriture et de méditations. De lui, le Cardinal Newman a écrit qu'il a formé l'intelligence de l'Europe.

A cette époque, l'Empire romain se disloque. Les barbares Vandales, passent d'Espagne, au Maghreb après avoir traversé l'Europe. Leur domination durera de 428 à 534. Ils mettent à sac de nombreuses villes et persécutent l'Eglise catholique. Près de 5.000 clercs ou laïcs catholiques sont persécutés, déportés et certains, dont plusieurs évêques, martyrisés. Au VI° siècle, l'empire romain d'Orient, dit byzantin, ayant Constantinople comme capitale, réinvestit une partie du Maghreb, notamment les régions côtières. L'Eglise catholique récupère une partie de ses biens et de son influence. Mais l'autorité de l'empereur de Byzance, contestée, se disloque progressivement.

Arrivée de l'Islam et disparition progressive

C'est alors, en 647, que surviennent les premières expéditions arabo-musulmanes. Il faudra huit à neuf campagnes successives pour que leur autorité s'impose sur l'ensemble de la région. Du VII° au XII° siècle, la présence chrétienne va disparaître progressivement. En 1076 le roi musulman de Bougie écrit au Pape Grégoire VII pour lui demander d'ordonner un évêque pour la communauté chrétienne de cette ville. Le Pape lui répond en une lettre considérée comme le plus ancien témoignage du dialogue islamo-chrétien en Occident. Parmi les causes de la disparition du christianisme autochtone, on doit noter le caractère latin de la vie ecclésiale, l'émigration, et sans doute l'absence de moines, contrairement à ce qui s'est passé au Proche-Orient.

Du XII° au XIX° siècle, l'Eglise en Algérie a perdu tout caractère autochtone. Elle ne subsiste que par la présence de chrétiens étrangers: commerçants venus d’Europe, consuls et personnel des "comptoirs" marchands établis dans le pays sur la base de traités passés avec les souverains locaux. Ces comptoirs ont généralement leur église ou leur chapelle avec des prêtres desservants. En 1646, des Lazaristes sont envoyés par Saint Vincent de Paul pour assister spirituellement cette population disparate. Pour les faire accepter, un accord est passé qui leur donne le titre de chapelains des consuls. Par la suite ils deviennent eux-mêmes consuls, ce qui leur vaut d'être mêlés à des différends politiques.

Mais il faut aussi mentionner le nombre important de captifs kidnappés en mer par les corsaires dont, parmi eux, quelques prêtres. Certains instituts sont fondés alors qui se mettent en devoir de leur venir en aide et, si possible, de négocier leur libération: Trinitaires espagnols, dominicains et franciscains, puis mercédaires pour la "rédemption des captifs". C'est aussi la période des essais de dialogue religieux qu’a illustré le théologien philosophe catalan, Raymond Lulle, mort à Tunis en 1316. Une autre catégorie de chrétiens est encore présente: celle de mercenaires accompagnés de leurs familles, recrutés par les émirs du Maghreb. Ils jouissaient de certains privilèges y compris pour la pratique de leur foi.

 

 La période coloniale

L'arrivée des Français en 1830 et l'instauration du régime colonial amène en Algérie bon nombre de civils à des titres divers; la colonisation armée fait place à la colonisation de peuplement. Les aumôniers militaires ne suffisent plus. En 1838 un évêché est installé à Alger, dont le premier titulaire est Mgr Dupuch. La conquête militaire n'est pas encore terminée. Des relations s'établissent entre l'Emir Abdelkader (héros national de la résistence à l’invasion française) et un représentant de l'évêque pour négocier des échanges de prisonniers.

En 1846, un nouvel évêque est nommé, Mgr Pavy. Il amorce l'édification de la basilique de Notre Dame d'Afrique. De nouvelles paroisses sont créées, ainsi qu'un petit et un grand séminaire. Une correspondance entre l'Evêque et l'Emir Abdelkader en exil est l'occasion pour ce dernier d'exprimer sa déférence et l'humanisme qui l'a inspiré dans la protection qu'il a assurée aux Chrétiens de Syrie persécutés par les Druzes.

Le cardinal Lavigerie

En 1867 Monseigneur Lavigerie est nommé au siège d'Alger. Il y vient avec l'ambition d'être l'évêque de tous. Peu après il perçoit la nécessité de créer un institut d'hommes, puis de femmes: celui des Missionnaires d'Afrique (Pères Blancs) et celui des Sœurs Missionnaires de N-D d'Afrique (Sœurs Blanches). Son intention est d'étendre l'action caritative de l'Eglise au delà des paroisses et même des limites de son diocèse, notamment en Afrique noire à partir de 1875.

Déjà en 1866 avaient été érigés le diocèse d'Oran et celui de Constantine-Hippone. Après l'épreuve des mesures anticléricales de 1901-1905, ces diocèses sont surtout préoccupés de leur survie. Le souci principal est d'organiser et d'animer la vie des paroisses et des œuvres chrétiennes. L'ouverture de l'Eglise au delà des communautés chrétiennes est assurée, pense-t-on communément, par les activités éducatives et sociales des Pères Blancs et des Sœurs Blanches “spécialistes des musulmans”. C'est durant cette période pourtant que se situe l'aventure spirituelle du Père Charles de Foucauld qui l'amène à vivre en ermite à Beni-Abbes et à Tamanrasset, au Hoggar. Son idéal de "Frère universel" a marqué la spiritualité de l'Eglise, il a suscité la fondation d'instituts des "Petits Frères" et "Petites Sœurs", voués au partage de vie avec les plus pauvres à travers le monde.

Il faudra attendre 1945 avec la révolte dite "de Sétif" pour jeter le doute sur la légitimité de l’état colonial. L'idée et les mouvements nationalistes prennent corps et réclament progressivement l'indépendance. En novembre 1954 est déclenchée la guerre de libération.

Charles de Foucauld

Histoire contemporaine

Un pasteur engagé : Monseigneur Duval

En 1954, Monseigneur Léon-Etienne Duval est nommé archevêque d'Alger, peu de temps avant le déclenchement de la révolution. Dès son installation il rappelle les exigences de la justice, de la morale et des droits des plus pauvres. Ces paroles ont un écho profond dans la population algérienne.

Dans le contexte de violence qui s'étend dans le pays, deux mois et demi après le debut de la guerre il condamne la torture et la vengeance, il prêche la charité fraternelle dont les exigences ne sont pas compatibles avec les injustices économiques et sociales. Priorité est à donner aux plus pauvres. Par ailleurs, il affirme que "l'Église ne doit être inféodée à aucune cause temporelle".

C'est alors, pour la population d’originne européenne, la confusion et la souffrance d'un exode précipité durant les derniers mois qui précèdent la proclamation de l'indépendance, le 5 juillet 1962. l'Église est écartelée entre cette hémorragie douloureuse de ses paroissiens et la nécessité de rester fidèle à la nouvelle nation qu'est devenue l'Algérie indépendante.

 

Monseigneur Duval

 

A noter que les orientations pastorales de Mgr Duval sont soutenues par le Saint Siège. Quelques temps après l'indépendance, il est nommé cardinal. Le Cardinal Duval aura eu le mérite dans des circonstances difficiles et douloureuses de faire passer l'Église d'Algérie du statut de structure de la colonisation à celui d'Eglise reconnue officiellement au sein d'un pays dont l'islam est religion d'État. En 1964 il obtient la nationalité algérienne.

En 1964, les Eglises d'Algérie, du Maroc, de Tunisie et de Libye sont constituées en Conférence Episcopale Régionale du Nord de l'Afrique (CERNA). En 1988, le cardinal Duval se retire et Monseigneur Henri Teissier lui succède à la tête du diocèse d'Alger jusqu’en 2009. Le P. Pierre Claverie (dominicain) est nommé évêque pour le remplacer à Oran.


Une communauté souffrante et solidaire

 

Monseigneur Pierre Claverie évêque d'Oran

 

De 1990 à 1996, le pays connaît de nouveaux soulèvements internes. La population est prise entre le pouvoir et la contestation islamiste. On compte plus de 100.000 personnes tuées ou disparues. Parmi elles, l'Église paye un lourd tribut: 19 religieux, religieuses, prêtres et l'évêque d'Oran, Mgr Claverie, sont assassinés ; parmi eux quatre Pères Blancs et les sept moines du monastère de Tibhirine. « L’Eglise n’a pas été visée, mais elle n’a pas été épargnée » affirmait un responsable catholique.

Depuis l'indépendance la communauté chrétienne d'Algérie, réduite en nombre, s'était grandement diversifiée avec la présence de coopérants techniques venus de toutes les régions du monde. Depuis que le terrorisme des années 90 a sévi dans le pays, leur présence s'était notablement réduite. Mais à partir des années 2010, la bonne santé de la macro-économie algérienne fait que des nombreuses entreprises étrangères s’installent dans le pays avec leurs techniciens, experts et parfois aussi leurs familles. Parmi eux des chrétiens pratiquants, heureux de retrouver en Algérie des communautés petites mais chaleureuses… à l’image de celles des premiers siècles !

Mais en même une nouvelle population d'étrangers est apparue : celle de nombreux Africains clandestins venant, à travers le désert, dans l'espoir de pouvoir passer en Europe. Certains s’installent durablement dans le pays.

Mais aussi avec des caractéristiques très différentes, des étudiants (boursiers pour la plupart) des pays sub-sahariens envoyés dans les universités algériennes par leurs états dans le cadre des accords de coopération. Ces étudiants constituent souvent, aujourd'hui, le groupe le plus nombreux au sein de la communauté catholique : ils apportent un dynamisme, une foi communicative, un attachement à Jésus qui ne laisse personne indifférent !

L'Église a affirmé sa solidarité de destin avec le peuple algérien. "Une Église dont tous les membres font de la rencontre avec l'autre, le cœur de leur fidélité à Jésus et à son Évangile. Une Église de la rencontre par-delà les frontières…"(Mgr Teissier) ; "La mission de l'Église: discerner et susciter des frères" (ibid.).

Aujourd´hui les quatre diocèses ont à leur tête un évêque différent de celui qui avait « traversé la décennie sanglante » (années 1990-2000). Des nouvelles formes de vie chrétienne sont apparues et les permanents viennent d’une grande diversité de pays. Les communautés sont grandement dynamisées par la présence des jeunes venus d’Afrique Noire pour étudier. On offre des nouveaux services : aumônerie de prisons, des étudiants, sessions pour couples, formation à l’accompagnement, un revue commune aux quatre diocèses, un site web en plusieurs langues, des temps de pèlerinage, des nouvelles activités orientées au dialogue islamo-chrétien… Nous sommes une communauté chrétienne petite mais sans complexes ! Les Pères Blancs nous sommes 18, plus 6 séminaristes-stagiaires.

 Nous savons que nous sommes porteurs d’une vocation de rencontre et d’amitié avec les musulmans que l’Église Universelle nous confie.

Nous souhaitons la proposer à d’autres pour partager notre foi. « Je veux vivre et donner envie de vivre » est la devise de Mgr. Jean-Paul Vesco, l’évêque d’Oran (ordonné en 2012).

C'est comme en écho, l'appel en rêve du Macédonien à Saint Paul (Ac 16,9). "Viens chez nous…nous avons besoin de toi".