1 MARIAGE DES COUPLES ISLAMO-CHRÉTIENS AU MALI Conférence au Centre Foi et Rencontre, Samedi 1 avril 2006 On sait qu’ici au Mali, compte tenu du brassage des populations et de la forte majorité musulmane, de telles unions se multiplient. Il est de notre devoir de conseiller, accompagner et surtout, de préparer très soigneusement le mariage. Si la partie non baptisée l’accepte, cette préparation doit prendre du temps, peut être même plusieurs mois. Une telle union présente tellement de difficultés au quotidien, qu’il est nécessaire de la préparer avec tout le soin possible. Disons d’abord que l’islam autorise un musulman à épouser une femme juive ou chrétienne, mais pas une femme venant du milieu traditionnel. C’est formellement interdit. Par contre, pour le mariage à l’église, si la partie musulmane l’accepte, et sous certaines conditions, l’évêque accorde une dispense. Le mariage est alors béni par un prêtre, en présence ou non, de la communauté chrétienne. L’évêque peut aussi permettre qu’aucune célébration n’ait lieu. La dispense est accordée pour permettre à la partie catholique de contracter ce mariage. Mariage non sacramentel Il est bon de nous rappeler en quoi le sacrement de mariage diffère des six autres sacrements. Il a ceci de particulier, que ce sont les époux qui se donnent le sacrement, quand ils échangent leur consentement ; ils en sont les ministres. Le prêtre, comme témoin au nom de l’Église, reçoit ces consentements et bénit la nouvelle union. Ainsi, il ne peut y avoir « sacrement de mariage » qu’entre deux baptisés, puisqu’ils y tiennent le rôle de ministres. C’est pourquoi le mariage entre un baptisé et un non baptisé ne peut en aucun cas être sacramentel. Les époux sont accueillis et bénis, mais leur union, aussi respectable soit-elle, n’a pas de valeur sacramentelle. On parle alors de mariage avec disparité de culte, et l’on n’emploie pas le terme de sacrement. Par ignorance, ou oubli tout simplement, nous employons souvent des termes qui ne conviennent pas, quand nous parlons du mariage : après ce que nous venons de dire, nous ne parlerons donc pas de sacrement de mariage, quand il s’agit d’un couple islamo-chrétien. Entre baptisés, il ne peut pas y avoir de divorce, puisque leur union sacramentelle est indissoluble. Dans certains cas, tout à fait particuliers, l’Église pourra prononcer une reconnaissance en nullité. L’Église reconnaît alors qu’il n’y a jamais eu de liens. Dans ce cas, l’Église ne rompt pas un lien, puisque ce dernier n’a jamais existé. L’Église ne prononce cette reconnaissance en nullité, qu’après une longue et minutieuse enquête. Entre un baptisé et un non baptisé, il n’y aura pas non plus de divorce. On proposera une séparation avec maintien ou non du lien. Là encore, l’Église ne le propose que rarement, et après une enquête très soigneuse. Nous reviendrons là-dessus plus loin. L’histoire du mariage chrétien Un survol historique, avec les risques de simplification que dit le mot « survol », est indispensable. Seule l’histoire permet de comprendre à la fois la richesse et les limites d’une institution à une époque donnée. Le mariage n’a été officiellement reconnu comme l’un des sept sacrements, qu’au deuxième concile de Lyon, en 1274. Durant les premiers siècles de notre ère, les chrétiens « se marient comme tout le monde ». Le mariage est une fête - et une décision familiale, publique, mais sans autre personnage « officiel », que le notaire. Il est très intéressant de noter que la première intervention des évêques dans le mariage concerne « ceux qui n’ont pas de père », c’est-à-dire les esclaves et les orphelins. Le mariage étant « décision de Père », l’évêque leur tient lieu de père. C’est à partir du Xe siècle, que se précise l’intervention de l’Église dans la célébration même du mariage. De la bénédiction du lit nuptial, on passe à la bénédiction donnée au portail de l’église, puis à la « messe de mariage » dans l’église. L’Église, peu à peu, prend en charge le mariage lui-même, et par ses registres de baptême et de mariage, elle devient peu à peu le seul Officier d’État-civil. C’est seulement au milieu du XVIe siècle (Concile de Trente) que sera définie la forme publique du mariage sacramentel, c’est-à-dire la célébration devant deux témoins, et en présence d’un prêtre. Le 11 novembre 1563, le concile de Trente se prononce sur l’institution divine et le caractère sacramentel du mariage. Jusqu’à cette date, l’Église continuait de considérer comme valides les mariages célébrés devant un notaire ou en famille, sans aucune présence de ministre ordonné. La séparation des époux On a déjà insisté sur le caractère indissoluble du mariage sacramentel entre deux baptisés. Si l’on évoque une dissolution du lien, cela ne peut se faire qu’après reconnaissance en nullité. Pour ce qui concerne les couples islamo-chrétiens, cette dissolution peut être prononcée (après enquête bien entendu) en faveur de la foi. La concession de la grâce de la dissolution, en faveur de la foi Quand la foi de la partie catholique est gravement en danger, cette séparation peut s’avérer nécessaire. C’est notamment le cas quand la partie catholique n’a plus la liberté de pratiquer sa propre religion. La pression peut être telle qu’on peut aussi la pousser à abandonner sa foi. À l’article du Code, concernant cette dissolution, on lit : « Pour la concession de la grâce de la dissolution du lien, il est requis, au moment de la concession, qu’il n’y ait aucune possibilité de restauration de la communauté de vie conjugale ; que la partie demandeuse n’ait pas été cause coupable du naufrage de la communauté conjugale ; et que la partie avec laquelle un nouveau mariage est à contracter, n’ait pas provoqué, par sa faute, la séparation des conjoints. En outre, il faut qu’il soit devenu absolument impossible de restaurer la vie conjugale, par suite d’une discorde radicale et irrémédiable. On exige de plus, pour l’octroi de la dissolution du lien, que la partie suppliante ne soit pas elle-même, responsable de l’échec de l’union. » Étant donné la gravité de la situation (danger pour la foi), la procédure est relativement rapide dans ce cas. Il s’agit, pour l’Église, de défendre ses enfants. La séparation avec maintien du lien Au Canon 1151, on lit que le premier effet qui découle du mariage, est le droit et l’obligation, pour les conjoints, de conserver la vie commune, à moins d’en être excusé par une cause légitime. Cette vie commune conjugale embrasse le droit et l’obligation d’habiter sous le même toit, dans la même maison. De là vient que la séparation peut être totale ou partielle, temporaire, perpétuelle ou pour un temps déterminé. Les causes de la séparation sont multiples. Citons en particulier : L’adultère, accompli, prouvé et moralement certain (c.1132). Quand l’un des conjoints met en grave danger l’âme ou le corps de l’autre, ou des enfants ; ou encore, si d’une autre manière, il rend la vie conjugale trop dure. C’est notamment le cas, quand l’époux introduit une deuxième épouse au foyer. L’épouse innocente a alors le droit de rompre la vie conjugale, à moins qu’elle-même ne soit la cause de cette situation de crise. Si le pardon est conseillé, il ne peut évidemment pas être exigé. Quand il rend la vie conjugale impossible, le conjoint donne à l’autre partie un motif légitime de se séparer. Cette séparation sera effective en vertu d’un décret de l’Ordinaire du lieu. Et s’il y a risque à trop attendre le décret, la partie lésée peut, de sa propre autorité, décider la séparation. (c.1153). Dans la plupart des cas, en dehors de l’urgence à cause d’un réel danger, la partie lésée doit normalement déférer la cause de séparation à l’évêque du domicile. C’est lui qui statuera, soit par un décret administratif, soit par une sentence de son tribunal. Il s’agit bien d’une séparation. Le lien conjugal n’est pas rompu par cette procédure (c.1692-1696), qui n’entraîne pas non plus, la dissolution automatique du lien. En conclusion Le mariage entre un baptisé et un non baptisé est reconnu par l’Église. Elle accorde pour cela les dispenses qui conviennent. Si la forme de célébration ne convient pas à la partie non baptisée, des aménagements peuvent être apportés. On peut bénir ce lien, par exemple, en dehors de l’église proprement dite. Dans certaines conditions aussi, le droit canon le prévoit, si la partie non baptisée s’y oppose fermement, on peut ne pas organiser de célébration du tout. De toutes les façons, l’Église invite la communauté à veiller sur les couples, où baptisé et non baptisé cohabitent. Ici et là, certaines structures existent pour leur permettre de se retrouver, et de partager leur situation. Par exemple, à Bamako, une association est née pour leur permettre de se retrouver régulièrement. Ils passent une après-midi de dimanche ensemble, échangent, prient, organisent des rencontres (récollection de carême par exemple) ou invitent un conférencier pour aborder les questions qui sont les leurs.
De grandes encycliques de papes, ont parlé de la famille et du mariage. Le Pape Jean-Paul II a terminé son exhortation sur la famille (Familiaris consortio) en 1981, par cette belle prière : O Dieu, de qui vient toute paternité |