Partir en pèlerinage en islam

et chez les chrétiens

Samedi 12 novembre 2005

Monsieur Yamar Diarra

et le Père Noël Samaké



LE PÈLERINAGE MUSULMAN, CHEMINEMENT VERS ALLAH

Par Monsieur Yamar Diarra

Au nom d'Allah le Tout Miséricordieux ! Le Très Miséricordieux !



Louanges à Celui qui a dit de Son Prophète : « Et nous ne t'avons envoyé qu'en miséricorde pour les créatures » (21, 107) et Qui l'a ainsi exhorté : « Par la sagesse et la bonne exhortation appelle (les gens) au sentier de ton Seigneur. - Et discute avec eux de la meilleure façon. Car c'est ton Seigneur qui connaît le mieux qui s'égare de Son sentier, et c'est Lui qui connaît le mieux ceux qui sont bien guidés. » (16, 125). Que les salutations bénies d'Allah soient sur le Prophète Mohammed et sa famille, comme elles l'ont été sur Abraham et les siens. Le Prophète (bsAl) nous a appris, que l'homme n'atteint la vraie foi, que lorsqu'il souhaite pour son prochain ce qu'il souhaite pour lui-même. Aussi, dans l'optique de répandre la Miséricorde divine, dont il (bsAl) était porteur, le Prophète (bsAl) a enjoint aux membres de sa communauté : « Transmettez de ma part, ne serait-ce qu'un seul verset. » (Boukhari). C'est fort de ces considérations, que nous avons accepté avec joie cette conférence-débat, qui nous l'espérons, contribuera à élever davantage la Parole d'Allah.

Le thème qui nous a été soumis, à savoir : « Le Pèlerinage musulman : cheminement vers Allah », nous convenait parfaitement. Ce thème, tel qu'il est formulé, se trouve à double titre au cœur de l'islam.

Le Pèlerinage est en effet l'un des cinq piliers sur lesquels l'islam est fondé. Le présenter comme un cheminement vers Allah en donne une profonde compréhension islamique. En vérité, l'islam est cheminement vers Allah, et cela est confirmé par cette invocation coranique essentielle, que chaque croyant formule au moins dix sept fois à l'occasion de la célébration des cinq prières quotidiennes obligatoires : « Guide-nous dans le droit chemin - Le chemin de ceux que Tu as comblés de faveurs... » (1, 6-7)



I) Place du Pèlerinage dans l'islam

L'islam, qui est épanouissement vers Allah, se réalise à travers cinq cheminements fondamentaux :

  • Le cheminement vers Allah par l'attestation de foi.

  • Le cheminement vers Allah par l'accomplissement de la Prière rituelle.

  • Le cheminement vers Allah par l'Aumône légale.

  • Le cheminement vers Allah par le jeûne.

  • Le cheminement vers Allah par le Pèlerinage.

De ces cinq piliers, la présente réflexion s'intéresse au cheminement qu'est le Pèlerinage. Il y a lieu de remarquer que dans la mise en œuvre chronologique de l'islam, le Pèlerinage est généralement le dernier à être accompli : Il est de ce fait considéré comme une sorte de couronnement, de parachèvement, dans le cheminement du musulman vers Allah. Et c'est effectivement, lors du seul Pèlerinage du Prophète Muhammad (bsAl), que fut révélé le verset coranique suivant : « ... Aujourd'hui, J'ai parachevé pour vous votre religion, et accompli Mon bienfait sur vous. Et J'agrée l'islam comme religion pour vous... » (5, 3).



II) Le Pèlerinage musulman et Abraham (béni soit-il)

La dernière religion révélée, qu'est l'islam, se réclame des religions monothéistes révélées précédentes : « Dis : 'Quiconque est ennemi de Gabriel doit savoir que c'est lui qui, avec la permission d'Allah, a fait descendre sur ton cœur cette révélation, qui déclare véridiques les messages antérieurs, et qui sert aux croyants de guide et d'heureuse annonce. » (2, 97) et : « Il ne t'est dit que ce qui a été dit aux Messagers avant toi.... » (41,43). Plus précisément, l'islam, sous sa dernière forme, tient pour modèle axial le Prophète Abraham (bsAl) : « Puis Nous t'avons révélé : ‘Suis la religion d'Abraham, qui était voué exclusivement à Allah, et n'était point du nombre des associateurs'. » (16, 123) et « Qui donc aura en aversion la religion d'Abraham, sinon celui qui sème son âme dans la sottise ? Car très certainement, Nous l'avons choisi dans ce monde, et dans l'au-delà ; il est certes du nombre des gens de bien. » (2,130). Ce n'est donc pas étonnant que l'un des piliers de l'islam, qui veut dire soumission, soit axé autour d'Abraham, dont la vie entière fut un exemple de soumission confiante.

Le Pèlerinage musulman est cheminement, dans la mesure où on revit les épreuves vécues par Abraham (béni soit-il) dont la religion n'était autre que l'islam : « Dis : ‘Moi, mon Seigneur m'a guidé vers un chemin droit, une religion droite, la religion d'Abraham, le soumis exclusivement à Allah, et qui n'était point des associateurs' » (6, 161). C'est à travers les épreuves vécues par Abraham (béni soit-il), que le pèlerin va se réaliser : « [Et rappelle-toi,] quand ton Seigneur eut éprouvé Abraham par certains commandements, et qu'il les eut accomplis, le Seigneur lui dit : ‘Je vais faire de toi un exemple à suivre pour les gens'... » (2, 124). Le cheminement qu'est le pèlerinage exige que nous plongions dans l'univers d'obéissance, qu'a été la vie du pur monothéiste que fut Abraham.

Ce cheminement se caractérise par l'intention d'obéissance pieuse, en vue d'obtenir l'Agrément d'Allah, et d'éviter Son Courroux. Cette intention d'obéissance, basée sur un savoir authentique, est ce que l'on appelle en islam : « crainte d'Allah ou piété ». La piété est donc le viatique indispensable pour le Pèlerinage musulman. En effet, Allah a dit à ceux qui se décident à entreprendre le Pèlerinage : « Et prenez vos provisions ; mais vraiment, la meilleure des provisions est la piété. » (2, 197)

La soumission confiante d'Abraham était basée sur une connaissance véritable de son Seigneur : « Ainsi avons-Nous montré à Abraham le royaume des cieux et de la terre, afin qu'il fût de ceux qui croient avec conviction. » (6, 75). Nous allons illustrer la vie de soumission confiante d'Abraham à travers trois exemples.

Lorsque Abraham (béni soit-il) eut détruit les idoles de son peuple, ses membres dirent : « Brûlez-le. Secourez vos divinités si vous voulez faire quelque chose (pour elles). » (21, 68). Quand ils le catapultèrent en direction du gigantesque brasier, allumé à son intention, l'ange Gabriel (béni soit-il) se présenta à lui à plusieurs reprises, lors de sa chute vers le feu, afin de le sauver. Cependant, Abraham (béni soit-il) ne voulut qu'une aide venant directement d'Allah, et répondit aux sollicitations de l'ange Gabriel en lui disant : « Allah me suffit ! C'est en Lui que je place ma confiance. » C'est ainsi qu'Allah, pour cette confiance extrême, le sauva en ordonnant au feu : « Ô feu, sois pour Abraham une fraîcheur salutaire. » (21, 69).

Suite aux instructions d'Allah et afin de préserver l'harmonie familiale, Abraham (béni soit-il) devait installer une partie de sa famille, Hagar (Aas) et son fils Ismaël (béni soit-il), dans le désert et dans un endroit hostile à la vie. Sa confiance en Allah lui permit de se résoudre à le faire. Il s'adressa alors à Allah en ces termes : « Notre Seigneur ! J'ai installé une partie de ma progéniture dans une vallée sans verdure, auprès de Ta Maison sacrée, Notre Seigneur ! afin qu'ils pratiquent correctement la Salât. Fais donc, que les cœurs d'entre les Humains penchent vers eux ; et donne-leur leur lot de fruits : peut-être remercieront-ils. » (14, 37). Pour cette confiance en Lui, Allah fera de cet endroit hostile à la vie l'une des cités les plus célèbres du monde, et la plus visitée, du fait du Pèlerinage, dont il est le théâtre depuis des millénaires.

C'est cette même confiance dans les prescriptions d'Allah qui fit qu'Abraham (béni soit-il) accepta de sacrifier son fils unique, Ismaël, lorsque Allah le lui demanda : « Puis, quand celui-ci fut en âge de l'accompagner, [Abraham] dit : ‘Ô mon fils, je me vois en songe en train de t'immoler. Vois donc ce que tu en penses.' (Ismaël) dit ‘Ô mon cher père, fais ce qui t'es commandé : tu me trouveras, s'il plaît à Allah, du nombre des endurants.' - Puis quand tous deux se furent soumis (à l'ordre d'Allah), et qu'il l'eut jeté sur le front, - voilà que Nous l'appelâmes ‘Abraham !' - Tu as confirmé la vision. C'est ainsi que Nous récompensons les bienfaisants. - C'était là certes, l'épreuve manifeste. - Et Nous le rançonnâmes d'une immolation généreuse. - Et Nous perpétuâmes son renom dans la postérité. - ‘Paix sur Abraham'. » (37,102-109). Pour cette attitude de soumission totale à Allah, due à sa connaissance approfondie de Son Seigneur, le Très Haut parla d'Abraham (béni soit-il) en ces termes : « Qui est meilleur en religion que celui qui soumet à Allah son être, tout en en se conformant à la Loi révélée et en suivant la religion d'Abraham, homme de droiture ? Et Allah avait pris Abraham pour ami privilégié. » (4, 125).

Le Pèlerinage musulman est donc le cheminement vers Allah, à travers certaines des épreuves vécues par l'ami intime d'Allah, Abraham (béni soit-il), et par sa famille. Ainsi, le Pèlerinage musulman est un héritage d'Abraham (béni soit-il), comme le confirme cet hadith du Prophète (bsAl) : « Accomplissez votre pèlerinage de la manière dont je l'accomplis. Informez-vous bien de votre pèlerinage, c'est un héritage qui vous est dévolu de votre père Abraham. » (Tirmidhi)



III) Institution du Pèlerinage en islam

1) Institution du lieu : la Kaaba

Le lieu choisi pour abriter le Pèlerinage musulman est un espace extrêmement sacré, du fait de la présence de la Kaaba, don du Tout Miséricordieux : « La première Maison, qui ait été édifiée pour les gens, c'est bien celle de Bakka (la Mecque) bénie, et une bonne direction pour l'univers. - Là sont des signes évidents, parmi lesquels l'endroit où Abraham s'est tenu debout ; et quiconque y entre est en sécurité. » (3, 96-97). Ce passage coranique fait ressortir que la Kaaba est le premier édifice sur terre consacré à l'adoration d'Allah ; qu'elle est bénie et est une direction pour l'ensemble de l'univers. La Kaaba a été reconstruite par Abraham et Ismaël (bénis soient-ils), sur les instructions du Très Haut : « Et quand Nous indiquâmes pour Abraham le lieu de la Maison (la Kaaba)... » (22, 26) et « Et quand Abraham et Ismaël élevaient les assises de la Maison : ‘Ô notre Seigneur, accepte ceci de notre part ! Car c'est Toi l'Audient, l'Omniscient. Notre Seigneur ! Fais de nous Tes Soumis, et de notre descendance une communauté soumise à Toi. » (2, 127-128).

Une fois la Kaaba reconstruite, il sera demandé à Abraham (béni soit-il) d'en faire un lieu de culte exclusivement monothéiste : « Ne M'associe rien ; et purifie Ma Maison pour ceux qui tournent autour ; pour ceux qui s'y tiennent debout et pour ceux qui s'y inclinent et se prosternent. » (22, 26). A cet effet, Allah va inspirer à Abraham et à Ismaël (bénis soient-ils), sur leur demande, les rites qui permettront de vivifier la Kaaba, et d'en faire le sanctuaire monothéiste le plus visité : « Et montre-nous nos rites, et accepte de nous le repentir. Car c'est Toi, certes, l'Accueillant au repentir, le Miséricordieux. » (2, 128). Ces rites furent exécutés avec succès par Abraham (béni soit-il) qui, de ce fait, allait devenir le modèle du parfait monothéiste, que les générations futures se devaient de prendre en exemple : « [Et rappelle-toi,] quand ton Seigneur eut éprouvé Abraham par certains commandements, et qu'il les eut accomplis, le Seigneur lui dit : ‘Je vais faire de toi un exemple à suivre pour les gens'... » (2, 124). Abraham (béni soit-il) fut alors convié à appeler les gens pour effectuer le pèlerinage, en suivant son exemple : « Et fais aux gens une annonce pour le Hajj (pèlerinage à la Mecque). Ils viendront vers toi, à pieds et aussi sur toute monture, venant de tout chemin éloigné, - pour participer aux avantages qui leur ont été accordés, et pour invoquer le nom d'Allah aux jours fixés... » (22, 27-28). La Kaaba fut instituée lieu de visite : « [Et rappelle-toi,] quand Nous fîmes de la Maison un lieu de visite et un lieu d'asile pour les gens. - Adoptez donc pour lieu de prière ce lieu où Abraham se tint debout... » (2, 125)

Par ailleurs, la Kaaba a été établie comme lieu d'orientation pour la Prière rituelle des musulmans ; elle est l'acte d'adoration par excellence en islam : « A chacun une orientation vers laquelle il se tourne... - Et d'où que tu sortes, tourne ton visage vers la Mosquée sacrée. Oui, voilà bien la vérité venant de ton Seigneur. Et Allah n'est pas inattentif à ce que vous faites. - Et d'où que tu sortes, tourne ton visage vers la Mosquée sacrée. Et où que vous soyez, tournez-y vos visages... » (2, 148-150). La Kaaba symbolise donc la présence divine, vers laquelle tout orant doit se tourner. La Kaaba est, de ce fait, le pôle spirituel du monde musulman ; centre sacré vers lequel convergent chaque jour des millions d'intentions pieuses.



2) Institution de la période

« Le pèlerinage a lieu dans des mois connus. Si l'on se décide à l'accomplir, alors point de rapport sexuel, point de perversité, point de dispute pendant le pèlerinage. Et le bien que vous faites, Allah le sait. Et prenez vos provisions ; mais vraiment la meilleure des provisions est la piété. Et redoutez-Moi, Ô doués d'intelligence ! » (2, 197) ... « Et par les dix nuits !... - N'est-ce pas là un serment pour un doué d'intelligence ? » (89, 2et 5)

Le mois du Pèlerinage est le 12ème du calendrier lunaire : ce mois est l'un des quatre mois sacrés en islam. Les rites du Pèlerinage ont lieu durant les dix premiers jours qui sont la décade la plus sacrée de ce mois sacré. Evoquant l'importance de ces dix jours, le Prophète (bsAl) a dit : « Il n'est pas de jour où les œuvres pies soient plus agréables à Allah qu'en ces jours-là ». Quelqu'un demanda : « Pas même le combat pour la cause d'Allah ? » Il répondit : « Pas même le combat pour la cause d'Allah ; à moins que quelqu'un n'y consacre sa personne et ses biens, et qu'il n'en revienne pas. » (Bukhari). Cette période doublement sacrée est celle où Allah a accompli Ses Bienfaits sur nombre de Ses grands serviteurs. En effet, ce sont ces dix nuits, qu'Allah ajouta aux trente, qu'Il avait initialement fixées pour Son rendez-vous avec Moïse (béni soit-il), sur le mont Sinaï. Ces dix nuits furent celles qui complétèrent la retraite de Moïse (béni soit-il) en la compagnie de son Seigneur à quarante nuits : « Et Nous donnâmes à Moïse rendez-vous pendant trente nuits ; et Nous les complétâmes par dix, de sorte que le temps fixé par son Seigneur se termina au bout de quarante nuits... » (7, 142). C'est lors de cette retraite que la Thora fut donnée à Moïse (béni soit-il). C'est pendant cette même période, notamment le jour de Arafat, que le verset coranique suivant fut révélé au Prophète (bsdl) : «... Aujourd'hui, J'ai parachevé pour vous votre religion, et accompli Mon bienfait sur vous. Et J'agrée l'islam comme religion pour vous... » (5, 3). Après ce verset coranique, il n'eut plus de révélation sur le licite et l'illicite, la Charria ou Miséricorde d'Allah envers les créatures. Charria qui devait servir de lampe éclairante pour leur guidance jusqu'à la fin des temps de cette vie terrestre. La charria était donc parachevée.



3) Institution de l'accomplissement du Pèlerinage

Le Saint Coran institue le Pèlerinage comme une obligation religieuse dans les passages suivants : « Et c'est un devoir envers Allah, pour les gens qui ont les moyens, d'aller faire le pèlerinage de la Maison. Et quiconque ne croit pas... Allah Se passe largement des mondes. » (3, 97) et : « Et Accomplissez pour Allah le pèlerinage et l'Umra. » (2, 196).

Le Prophète (bsAl) nous a dit aussi : «L'islam est fondé sur cinq éléments : l'attestation qu'il n'y a de divinité qu'Allah et que Mohammed est Son Envoyé ; l'accomplissement de la Salât, l'acquittement de l'aumône légale, du pèlerinage et du jeûne du mois de Ramadan. » (Boukhari et Moslem). Il a également dit : « Le pèlerinage est prescrit pour une fois dans la vie. Qui l'accomplit plus d'une fois aura fait un acte surérogatoire. » (Abou Daoud et Ahmed).



IV) Les fondements du Pèlerinage

Les fondements du Pèlerinage musulman sont au nombre de 4 :

  1. L'intention de sacralisation (Ihram)

  2. Les tournées autour de la Kaaba (Tawaf)

  3. La course entre Saffa et Marwa

  4. Arafat



1) l'Ihram, ou l'intention de sacralisation

C'est l'intention d'accomplir le Pèlerinage, tout en quittant ses habits habituels, et en prononçant la « Talbia ». Les actes obligatoires sont :

  1. Commencer l'Ihram à partir du lieu fixé par la loi

  2. Se vêtir de l'habit de l'Ihram (2 pièces d'étoffe blanche)

  3. Prononcer la Talbia au moment de l'Ihram et à l'endroit fixé. La formule de la Talbia est : « Me voici Seigneur, me voici, me voici - Tu n'as aucun associé. Me voici ! - À Toi la louange, la Grâce et la Souveraineté - Tu n'as aucun associé »

En islam, les actes ne valent que par l'intention qui les motive. Le Pèlerinage, comme tout acte d'adoration visant l'agrément d'Allah, doit être précédé d'une intention sincère, c'est-à-dire vouée exclusivement à Allah. Comme nous l'avons dit, l'Ihram, c'est l'intention d'accomplir le Pèlerinage à partir d'un lieu fixé, en portant des habits particuliers, et en prononçant la Talbia. La sacralisation du pèlerin est une nécessité absolue, du fait d'abord qu'il va se présenter à Allah dans une enceinte sacrée, et pendant une période hautement sacrée. L'état spirituel du pèlerin doit être la crainte révérencielle d'Allah et, à cet effet, le Très Haut a dit : « Et prenez vos provisions ; mais vraiment la meilleure des provisions est la piété. » (2, 197) et : « Ô enfants d'Adam ! Nous avons fait descendre sur vous un vêtement pour cacher vos nudités, ainsi que des parures. - Mais le vêtement de la piété voilà qui est meilleur. » (7, 26).

En vérité, l'habit de l'Ihram, constitué de deux pièces d'étoffe non cousues, est l'un des vêtements de la piété, de l'humilité. Il est véritablement celui qui sied au pèlerin, conscient qu'il se rend auprès du Seigneur et Maître des Univers qui a dit : « Ô hommes, vous êtes les indigents ayant besoin d'Allah, et c'est Allah, Lui qui se dispense de tout, et Il est Le Digne de louange» (35,15). Les fastes de ce bas monde ne sont d'aucune utilité auprès d'Allah, et chaque fois que nous nous présentons à Allah, et surtout dans une circonstance aussi exceptionnelle que le Pèlerinage, nous devons être imprégnés du sens profond des paroles divines suivantes, fort justement attribuées à Abraham (béni soit-il) : « Le jour où ni les biens, ni les enfants ne seront d'aucune utilité, - sauf celui qui vient à Allah avec un cœur sain. » (26, 88-89). Il s'agit donc d'arriver dans l'enceinte sacrée, durant la période sacrée, avec un cœur sain, pour se présenter à Son Seigneur (prononciation de la Talbia). Délaisser les parures de ce bas monde, ou les réduire au strict minimum, ne pourra qu'aider le cœur à l'humilité apte à le conduire à la piété. Aussi le port des vêtements de sacralisation vise à faire porter au pèlerin le « vêtement de la piété ». Tout pèlerin est rendu anonyme par les habits de l'Ihram, et seule la piété le distinguera dans cette foule immense, venue de tous les horizons. La sacralisation par le vêtement est l'une des plus belles illustrations du verset fondamental suivant : « Ô hommes ! Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble (le plus estimé) d'entre vous auprès d'Allah est le plus pieux. Allah est certes Omniscient et Grand Connaisseur. » (49,13).

La sacralisation est un prélude aux critères de valeur qui seront prévalents au Jour de la Rétribution. C'est dans cet état d'esprit, humilité et piété, que le pèlerin va pénétrer dans l'enceinte sacrée de la Mecque, convaincu d'être en train de répondre, par la Talbia, à l'appel intemporel lancé par Abraham (béni soit-il), suivant l'injonction divine : « Et fais aux gens une annonce pour le Hajj (pèlerinage à la Mecque). Ils viendront vers toi, à pieds et aussi sur toute monture, venant de tout chemin éloigné » (22, 27). Le pèlerin, à l'abord de l'enceinte sacré, doit se rappeler cette invocation d'Abraham (béni soit-il) : « Ô Seigneur, fais de cette cité un lieu de sécurité, et fais attribution des fruits à ceux qui, parmi ses habitants, auront cru en Allah et au Jour dernier. » (2, 126). L'enceinte sacrée est sécurité, comme Allah le confirme dans le passage coranique : « Par le figuier et l'olivier ! - Et par le Mont Sinaï - Et par cette Cité sûre ! » (95, 1-3).

Conformément à la demande d'Abraham (béni soit-il), la Mecque a toujours été une ville sécurisée, dans un environnement où les razzias sont l'usage : « Et (rappelle-toi) quand Abraham dit : ‘Ô mon Seigneur, fais de cette cité un lieu sûr et préserve-moi, ainsi que mes enfants, de l'adoration des idoles. » (14, 35). Aussi bien sous la gestion des polythéistes que celle des monothéistes, la Mecque est demeurée un endroit sécurisé, à cause du caractère sacré de la Kaaba qu'elle abrite, Kaaba qui était, avant l'avènement de l'islam, sous sa dernière forme, le lieu de pèlerinage des polythéistes ayant déformé le culte pur d'Abraham (béni soit-il). Le pèlerin doit être conscient de la sécurité qui règne dans l'enceinte sacrée de la Kaaba et, pendant son séjour, il doit contribuer au renforcement de cette sécurité par son comportement et ses nombreuses invocations. En outre, le pèlerin doit être convaincu que la sécurité la meilleure est celle procurée par la réalisation de l'Unicité Divine, dont le pèlerinage à l'antique Maison d'Allah, la Kaaba, demeure une des occasions privilégiées de sa réalisation.



2) Le Tawaf ou la circumambulation

Le Tawaf consiste à :

  1. Formuler l'intention du Tawaf avant de l'accomplir.

  2. Être en état de pureté et de propreté.

  3. Se couvrir la nudité.

  4. Accomplir le Tawaf à l'intérieur de la Mosquée, même loin de la Kaaba.

  5. Faire sept tours de la Kaaba ; chaque tour commence et finit à la Pierre noire.

  6. Avoir la Kaaba à sa gauche en tournant.

  7. Faire les tournées sans interruption, sauf en cas de nécessité. Autrement, le Tawaf est déclaré nul, et il doit être recommencé de nouveau.

On le commence en disant : « Au Nom d'Allah. Allah est plus grand. Seigneur ! Je me présente ayant foi en Toi et en la véracité de Ton livre, fidèle à mon engagement, et me conformant à la tradition de Ton Prophète Muhammad ». Pendant la circumambulation, il convient d'invoquer Allah autant que possible. Après avoir fait les sept tours rituels du Tawaf, il faut accomplir deux unités de prière à l'endroit dénommé « la Station d'Abraham », conformément à cette injonction du Tout Miséricordieux : « Adoptez donc pour lieu de prière ce lieu où Abraham se tint debout... » (2, 125).

Le Tawaf est mentionné dans maints passages du Saint Coran dont cette injonction du Très Haut à l'adresse d'Abraham (béni soit-il) : « Ne M'associe rien ; et purifie Ma Maison pour ceux qui tournent autour, pour ceux qui s'y tiennent debout, et pour ceux qui s'y inclinent et se prosternent. » (22, 26) Ainsi que cette exhortation à l'intention d'Abraham et d'Ismaël (bénis soient-ils) : « Et Nous confiâmes à Abraham et à Ismaël ceci : ‘Purifiez Ma Maison pour ceux qui tournent autour, y font retraite pieuse, s'y inclinent et s'y prosternent. » (2,125). Evoquant le Tawaf, le Prophète (bsAl) a dit : « Le Tawaf est comme la Salât (prière canonique). La seule différence qui la distingue d'elle, c'est que vous pouvez parler en l'accomplissant. Quand vous parlez, ne dites que du bien. » (Tirmidhi). Se rendre auprès de la Maison d'Allah, la Kaaba, c'est se rendre auprès de Son Propriétaire ; honorer une maison, c'est honorer son propriétaire. Les pèlerins sont donc les hôtes du Tout Miséricordieux Qui a dit à son ami Abraham (béni soit-il) : « Purifie Ma Maison pour ceux qui tournent autour. ». Les tournées rituelles que font les pèlerins autour de la Kaaba, haut lieu de la Présence Divine, nous rappellent les tournées effectuées par les Anges supérieurs autour du Trône d'Allah, lieu de Présence divine par excellence : « Et tu verras les Anges faisant cercle autour du Trône, célébrant les louanges de leur Seigneur et le Glorifiant. » (39, 75) et « Ceux (les anges) qui portent le Trône et ceux qui l'entourent célèbrent les louanges de leur Seigneur, croient en lui et implorent le pardon pour ceux qui croient... » (40, 7)

Les pèlerins qui tournent autour de la Kaaba célèbrent également les louanges de leur Seigneur et Le glorifient ; ils implorent aussi Son pardon pour eux-mêmes, ainsi que pour tous les croyants. Le Prophète (bsAl) a dit que « Le Tawaf est comme la Salât » ; or la Salât est aussi glorification et célébration des louanges du Tout Miséricordieux. Comparer les pèlerins tournant autour de la Kaaba aux Anges tournant autour du Trône divin est parfaitement logique. Pèlerins et anges tournent autour de la Présence Divine ; d'une part autour de la Maison d'Allah, la Kaaba, et d'autre part autour du Trône d'Allah. Pèlerins et anges célèbrent les louanges d'Allah, Le glorifient, et demandent pardon pour les croyants.

En définitive, le Tawaf, qui consiste à tourner autour de la Maison d'Allah, la Kaaba, consiste à vaquer auprès de Son Propriétaire, Allah. La vie du croyant, au-delà du pèlerinage, doit être un Tawaf permanent autour d'Allah, qui doit être son référentiel en tout. Aussi, lorsque le Tawaf s'instaure dans notre quotidien, nous réalisons alors le contenu de ce verset fondamental : « Dis : ‘En vérité, ma Salât, mes actes de dévotion, ma vie et ma mort appartiennent à Allah, Seigneur de l'Univers. » (6, 162). La vie est elle-même un pèlerinage. L'existence du croyant doit être un Tawaf autour d'Allah ; en un mot la vie d'un croyant doit tourner autour d'Allah.

3) La course entre Saffa et Marwah ou le Sa'y

Le Sa'y est un trajet de va-et-vient entre Safa et Marwah ; il doit être accompli comme suit :

  1. Formuler l'intention d'accomplir le Sa'y avec dévotion et soumission.

  2. Il doit être accompli à la suite du Tawaf et non avant lui.

  3. Le Sa'y ne doit pas être interrompu, mais un arrêt momentané, par nécessité, n'est pas préjudiciable.

  4. Faire le parcours sept fois. Diminuer le Sa'y d'une étape, ou d'une partie d'étape, l'annule. Le Sa'y exige sept étapes complètes.

  5. Il faut accomplir le Sa'y, après un Tawaf satisfaisant obligatoire ou surérogatoire. Il est néanmoins préférable de l'accomplir après un Tawaf obligatoire, tel le Tawaf de l'arrivée ou le Tawaf dit de Déferlement.

Pendant le Sa'y, il faut multiplier les invocations. En effet, le Prophète (bsAl) a dit : « Le rite de lancement de cailloux et le Sa'y ne sont institués que pour l'invocation d'Allah » (Tirmidhi). À chaque arrêt sur le monticule de Safa et sur celui de Marwah, il convient de dire : « Allah est plus grand ! (3fois). Il n'y a de divinité qu'Allah, sans associé ! À Lui la Souveraineté, la Louange et la toute Puissance. Il n'est de Divinité que Lui ! Il a accompli Sa Promesse, secouru Son serviteur et vaincu seul les Coalisés. »

Allah a dit dans Son glorieux Livre : « As Safa et Al Marwah sont vraiment parmi les lieux sacrés d'Allah. Donc, quiconque fait le pèlerinage à la Maison, ou fait l'Umra, ne commet pas de péchés en faisant le va-et-vient entre ces deux monts. Et quiconque fait de son propre gré une bonne œuvre, alors Allah est Reconnaissant, Omniscient. » (2, 158). Le Prophète a également dit : « Accomplissez la course entre Safa et Marwah, Allah vous les prescrit. » (Ibn Maja, Ahmed et Chafaï).

Les courses entre Safa et Marwah sont la reconstitution des va-et-vient effectués par Hagar (Aas) à la recherche de l'eau, pour elle et son enfant, Ismaël (béni soit-il), alors bébé. Nous avons cité plus haut, parmi les épreuves vécues par Abraham (béni soit-il), celle relative à l'installation d'une partie de sa famille dans un lieu désertique. Ecoutons à ce propos le hadith suivant : « Puis il (Abraham) reprit le chemin du retour. La mère d'Ismaël le suivit et lui dit : ‘Ô Abraham ! Où vas-tu ainsi en nous laissant dans cette vallée où il n'y a pas âme qui vive ni rien d'autre ?' Elle le lui répéta plusieurs fois sans qu'il ne se tournât vers elle. Elle lui dit finalement : « Est-ce Allah qui t'ordonne d'agir ainsi ?' Il dit :'Oui'. Elle dit : ‘Dans ce cas, Allah ne nous abandonnera pas à nous-mêmes', et elle retourna à sa place.» (Boukhari). Après avoir placé sa confiance en Allah, lorsque son eau finit, Hagar (Aas) va entreprendre des efforts dans le but de s'en procurer.

Sa confiance en Allah, soutenue par ses efforts, sera récompensée par l'éruption miraculeuse de la source d'eau Zem-Zem, eau bénie, qui est encore bue de nos jours. Le pèlerin qui fait les parcours entre Safa et Marwha est aussi en quête. Il recherche la vie spirituelle, dont l'un des symboles en islam reste l'eau, qui représente la Miséricorde divine. Les parcours entre Safa et Marwah doivent d'une part enseigner au pèlerin à s'en remettre toujours à Allah, comme l'a fait Hagar (Aas), même si la situation semble sans issue ; et d'autre part, que la remise confiante en Allah appelle à l'action et non à la résignation. C'est donc la confiance en Allah, conjuguée avec l'action, qui permet d'atteindre le succès. Un autre enseignement des parcours entre Safa et Marwah est que la recherche de la vie spirituelle exige que l'on s'en remette à Allah, et que l'on se mette en quête. L'acquisition de la vie spirituelle, sa préservation et son amélioration, ne peuvent se faire sans efforts soutenus. Lorsque nous plaçons totalement notre confiance en Allah, et que nous faisons les efforts sincères pour accéder à la vraie vie évoquée dans le verset suivant : « Ô vous qui croyez ! Répondez à Allah et au Messager, lorsqu'il vous appelle à ce qui donne la (vraie) vie... » (8,24), il est alors possible qu'Allah fasse jaillir dans nos cœurs des sources comparables à celle de Zem-Zem, source bénie et intarissable.



4) Arafat

Les actes obligatoires de Arafat sont les suivants :

  1. Se trouver à Arafat un moment de l'après-midi du 9ème jour du mois du Pèlerinage.

  2. En quittant Arafat, passer la nuit du 10ème jour à Mozadlifa.

  3. Jeter les cailloux (jamarates) à Akaba le jour du sacrifice, 10ème jour du mois.

  4. Se raser ou se couper les cheveux après le jet des cailloux à Akaba.

  5. Passer trois nuits à Mina : celles des 11, 12 et 13ème jours du mois du Pèlerinage (quand on est indisposé ou empêché, on est autorisé à passer deux nuits seulement : celles des 11 et 12ème jours)

  6. Jeter successivement les trois cailloux les après-midi des jours de « Tackrik », c'est-à-dire les 11, 12 et 13ème jours du mois du Pèlerinage



4a) La station au Mont Arafat

« Puis, quand vous déferlez depuis Arafat, invoquez Allah, à Muzdalifa. Et invoquez-Le comme Il vous a montré la bonne voie... ». (2, 198)

C'est à Arafat que fut révélé ce verset coranique fondamental : «... Aujourd'hui, J'ai parachevé pour vous votre religion, et accompli Mon bienfait sur vous. Et J'agrée l'islam comme religion pour vous... » (5,3). Arafat, dont Le Prophète (bsAl) a dit : « Le pèlerinage, c'est Arafat. » (Ahmed et Tirmidhi) Arafat est le mont où se rendent les pèlerins pour invoquer Allah avec ferveur pendant des heures ; c'est vraiment la station primordiale de l'invocation lors du Pèlerinage, dont toutes les étapes sont aussi invocation. Arafat est uniquement invocation ; et c'est à l'occasion du jour de Arafat qu'Allah le Très Haut descend du ciel dans ce bas monde, à l'intention des pèlerins. Et le Prophète (bsAl) nous apprend : « Il n'est de jour, où Allah affranchisse davantage de serviteurs du feu, que le jour de Arafat » (Muslim).

Le Prophète (bsAl) a dit : l'invocation est l'essence de l'adoration. Arafat est donc la station de la pure adoration. C'est par l'invocation que le croyant se familiarise avec Son Seigneur ; c'est le chemin des intimes du Très Haut : « Et quand Mes serviteurs t'interrogent sur Moi... alors Je suis tout proche : Je réponds à l'appel de celui qui Me prie quand il Me prie. » (2, 186). Arafat est la station de la connaissance d'Allah, par l'invocation qui rapproche d'Allah. Chaque pèlerin qui se trouve à Arafat a demandé à Allah, au moins dix-sept fois chaque jour, depuis qu'il est pubère : « Guide-nous dans le droit chemin - Le chemin de ceux que Tu as comblés de faveurs ... » (1, 6-7). Or donc, le voici sur le lieu même où cette invocation essentielle a été exaucée, pour l'ensemble des croyants, par le Tout Miséricordieux : « Aujourd'hui, J'ai parachevé pour vous votre religion, et accompli Mon bienfait sur vous. Et J'agrée l'islam comme religion pour vous... » (5, 3).



4b) Les rites du sacrifice et de la lapidation

Le sacrifice d'un animal, le 10ème jour du mois du Pèlerinage, a un but hautement symbolique. Allah a dit à propos des bêtes sacrifiées : « Ni leurs chairs ni leurs sangs n'atteindront Allah ; mais ce qui L'atteint de votre part c'est la piété. » (22, 37). Le but du sacrifice est donc d'éprouver la piété du pèlerin, de voir jusqu'où peut aller sa volonté d'obéissance éclairée à Allah, en vue d'obtenir Sa Satisfaction, et d'éviter Son Courroux. Dans cette optique, on ne peut trouver d'épreuve plus difficile que celle imposée par Allah à Abraham et à Ismaël (bénis soient-ils), quand Il demanda au premier d'immoler le second, qui n'est autre que son fils unique. Évoquant cette épreuve, Allah nous dit : « C'était là, certes, l'épreuve manifeste. » (37, 106). Epreuve surmontée avec succès par Abraham et Ismaël (bénis soient-ils), à cause de leur totale confiance en Allah, et en leur grande et profonde connaissance de leur Créateur.

En effet, en croyants convaincus, ils savaient qu'Allah, le Tout Miséricordieux, ne prescrit que le bien à l'intention des croyants, quelles que soient les apparences de ces prescriptions. Par ailleurs, ils savaient qu'obéir à Celui qui a créé la vie humaine et l'a rendue sacrée, alors qu'Il aurait pu ne pas la rendre sacrée, était plus important que l'objet du sacrifice, la vie humaine. Ici est donnée une grande leçon dans le cheminement vers Allah : savoir qu'obéir à Allah importe plus que l'objet visé par l'obéissance. C'est cette sagesse, conjuguée avec une totale confiance en Allah, qui permit à Abraham (béni soit-il) de surmonter cette épreuve, ô combien bouleversante.

Par le rite du sacrifice, chaque pèlerin se montre disposé à sacrifier ce qu'il a de plus cher, fut-ce sa vie, pour la Face Sublime d'Allah. Et cela conformément à ce verset coranique, dont la beauté et la profondeur sont insondables : « Certes Allah a acheté des croyants, leurs personnes et leurs biens, en échange du Paradis. Ils combattent dans le sentier d'Allah : ils tuent, et ils se font tuer. C'est une promesse authentique, qu'Il a prise sur Lui-même dans la Thora, l'Évangile et le Coran. Et qui est plus fidèle à son engagement qu'Allah ? Réjouissez-vous donc de l'échange que vous avez fait : et c'est là le très grand succès. » (9,111). Or le croyant, le pèlerin, doit savoir qu'il est appelé à une application quotidienne de ce noble verset : cette application sublime de tous les instants est la lutte contre ses propres passions. C'est ainsi que le Prophète (bsAl) a qualifié la lutte armée contre les ennemis d'Allah de petite Jihad, et la lutte contre nos passions, de grande Jihad.

Le rite de la lapidation de Satan est l'imitation d'Abraham (béni soit-il) qui jetait des cailloux à Satan chaque fois que ce dernier essayait d'interférer dans les ordres du Tout Miséricordieux, dans l'accomplissement de son pèlerinage. Le rite de la lapidation est aussi l'expression du combat intérieur que tout croyant doit mener. Lorsque le pèlerin jette des cailloux sur les stèles symbolisant Satan, il imite en fait l'attitude d'Abraham (béni soit-il), face à Satan, qui voulait le détourner des ordres d'Allah. Chaque jet de caillou symbolise le rejet d'une suggestion satanique. Le rite de la lapidation, d'une part, doit faire prendre conscience au pèlerin que sur le chemin de l'obéissance à Allah, il devra faire face en permanence à Satan ; et, d'autre part, il doit lui apprendre à faire échec, en s'inspirant de l'exemple d'Abraham (béni soit-il), aux suggestions de Satan, ennemi déclaré de l'homme. La réalité du rite de la lapidation est le combat intérieur, que tout croyant doit mener dans le chemin de l'obéissance totale à Allah. Il s'agit de renoncer à ses passions pour Son Seigneur : « Et pour celui qui aura redouté de comparaître devant son Seigneur, et préservé son âme de la passion, - le Paradis sera son refuge. » (79, 40-41).

La lapidation étant le dernier rite du pèlerinage à Mina, il permet au pèlerin de se débarrasser de toute présence de Satan, afin qu'il sorte de son pèlerinage purifié, aussi pur que le jour où sa mère lui a donné naissance, lorsque le pèlerinage est accompli de façon satisfaisante.

4c) Le sermon d'adieu du Prophète

Le long sermon prononcé à Arafat par le Prophète (bsAl) lors de son seul et unique pèlerinage est appelé « Le sermon d'adieu ». Bien qu'il ne soit pas un élément du Pèlerinage, il importe d'en dire un mot, vu son importance, et du fait qu'il est intervenu lors du point culminant du Pèlerinage à Arafat. Nous voulons nous arrêter sur un seul point de ce discours relatif à la fraternité islamique.

Le Messager d'Allah (bsAl), reprenant le jour du sacrifice une partie de son sermon prononcé à Arafat, a dit : « Le temps a désormais accompli sa révolution et est revenu à son état le jour où Allah créa les cieux et la terre. L'année comprend douze mois dont quatre sont sacrés (Dhoul Qa'da, Dhoul Hijja, et Mouharram ainsi que Rajab de la tribu de Mondar). Rajab se situe entre les mois de Jammâda et Sha'ban. En quel mois sommes-nous ? » Nous dîmes : « Allah et Son Messager le savent mieux que nous. » Il se tut, si bien que nous pensâmes qu'il allait lui donner une autre nom que le sien. Puis il dit : « N'est-ce pas Dhoul Hijja ? » Nous dîmes : « Si ». Il dit : « En quel pays sommes-nous ? » Nous dîmes : « Allah et Son Messager le savent mieux que nous. » Il se tut, si bien que nous pensâmes qu'il allait lui donner un autre nom que le sien. » Il dit : « N'est-ce pas dans la cité sainte (la Mecque) ? » Nous dîmes : « Si ». Il dit : En quel jour sommes-nous ? » Nous dîmes : « Allah et Son Messager le savent mieux que nous ». Il se tut, si bien que nous pensâmes qu'il allait lui donner un autre nom que le sien. Il dit : « N'est-ce pas le jour du sacrifice ? » Nous dîmes : « Si ». Il dit : « Votre sang, vos biens et votre réputation (honneur) vous sont aussi sacrés, comme est sacré ce jour-ci, dans votre cité-ci, en votre mois-ci. Vous rencontrerez votre Seigneur qui vous demandera compte de vos œuvres. Attention ! Ne redevenez pas mécréants après moi, frappant vos cous les uns les autres. Attention ! Que les présents fassent parvenir aux absents ! Il se peut que celui à qui on le fera parvenir le retienne mieux que certains de ceux qui l'ont entendu ». Puis il dit : « Attention ! Ai-je bien transmis ? » Nous dîmes : « Oui ». Il dit : « Seigneur Allah, sois-en témoin ». » (URA).

Allah, Gloire et Pureté à Lui, a choisi le Jour du sacrifice, et un auditoire cosmopolite, où le seul trait distinctif est la piété, pour rappeler aux croyants, par l'intermédiaire du Prophète (bsAl), les liens de solidarité qui les unissent. La triple comparaison du sang, des biens et de l'honneur du croyant, avec le Jour du sacrifice, la cité sacrée de la Mecque, et le mois sacré du Pèlerinage, rend le croyant entièrement sacré. Il appartient donc à tout croyant d'avoir autant de considération envers son coreligionnaire qu'il en a pour le Jour du sacrifice, pour la cité sacrée de la Mecque et pour le mois sacré du Pèlerinage. Aussi, chaque croyant doit défendre le sang, les biens et l'honneur de tout autre croyant, comme il défendrait l'intégrité de la Mecque, du mois du Pèlerinage et du Jour du sacrifice. Peut-il exister une solidarité meilleure et plus sublime que celle-là ?

Le Pèlerinage est donc aussi l'expression de la solidarité humaine qui est sublimée par l'apport de la foi. Le Pèlerinage est l'unique occasion où se retrouve l'ensemble des musulmans du monde entier, de toutes races, de toutes classes sociales, sans distinction de sexe, formant une seule famille où seule la piété prévaut. Le Pèlerinage musulman fait écho à ce verset capital du Saint Coran : « Ô hommes ! Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble (le plus estimé) d'entre vous auprès d'Allah, est le plus pieux. Allah est certes Omniscient et Grand Connaisseur. » (49,13)



V) Conclusion

Allah a dit : « La première Maison qui ait été édifiée pour les gens, c'est bien celle de Bakka (la Mecque) bénie, et une bonne direction pour l'univers. - Là sont des signes évidents, parmi lesquels l'endroit où Abraham s'est tenu debout ; et quiconque y entre est en sécurité. Et c'est un devoir envers Allah pour les gens qui ont les moyens d'aller faire le pèlerinage de la Maison. Et quiconque ne croit pas... Allah Se passe largement des mondes. » (3, 96-97). Ces versets nous montrent que le Pèlerinage musulman permet à celui qui l'accomplit de remonter aux sources de la Religion universelle qu'est la soumission. Il s'agit en effet de visiter « la première Maison qui ait été édifiée pour les gens » afin qu'ils adorent exclusivement Allah. Lors de cette visite, le pèlerin découvrira l'environnement physique, et l'ambiance spirituelle de certains évènements historiques essentielles de la Vie religieuse. L'impact sur le cœur est son épanouissement par une intensification de la foi. En effet, la rencontre avec les grands moments historiques, sur le site-même où ils se sont déroulés, ravive la flamme de la foi. Savoir que l'on est en train d'emprunter le même chemin que les plus grands élus d'Allah entraîne l'extase des cœurs. Le Pèlerinage musulman est le parcours intemporel du monothéiste, à la recherche de l'Agrément Divin. Le Prophète (bsAl) a dit : « Celui qui fait le pèlerinage sans commettre ni immoralité, ni dévergondage, retourne (chez lui) aussi pur que le jour où sa mère l'a mis au monde. »

La vie quotidienne est faite de hauts et de bas ; nos nombreux péchés ont tendance à nous éloigner de la nature primordiale de l'homme, qui est l'adoration exclusive d'Allah : « Dirige tout ton être vers la religion exclusivement (pour Allah), telle est la nature qu'Allah a originellement donnée aux hommes - pas de changement à la création d'Allah. - Voilà la religion de droiture ; mais la plupart des gens ne savent pas. » (30,30). Le Pèlerinage, quand il est accompli avec la piété nécessaire, est un des chemins privilégiés pour retrouver cette nature primordiale dans laquelle chaque être vient au monde. L'érudit Abou Bakr Djaber Al-Djazaïri (Aas) a dit : « Le Pèlerinage est une obligation à tout musulman capable de l'accomplir une fois dans sa vie. Il vise à purifier l'âme des souillures des péchés, pour devenir digne de la grâce divine sur terre et dans l'au-delà. »

Pour conclure : Chaque pèlerin doit avoir conscience que son pèlerinage doit contribuer à la vivification de l'Antique Maison d'Allah, la Kaaba. Chaque pèlerin a le devoir d'accomplir les rites dans ce sens, imprégné de la crainte révérencielle de son Seigneur, qui l'a honoré en lui permettant de visiter Sa Maison, et de suivre les traces des illustres hôtes de la Mosquée sacrée, dont Abraham (béni soit-il). Ce dernier a dit à propos de toute personne qui suit ses traces : « Qui est meilleur en religion que celui qui soumet à Allah son être, tout en en se conformant à la Loi révélée et en suivant la religion d'Abraham, homme de droiture ? Et Allah avait pris Abraham pour ami privilégié ». (4, 125).

Louanges à Allah, Maître de l'Univers !

Monsieur Yamar Diarra







LE PÈLERINAGE POUR LES CHRÉTIENS

Par le Père Noël Samaké

Introduction

Pratiqué dans la plupart des religions, le pèlerinage est une coutume largement antérieure à la rédaction de la Bible. C'est un voyage des croyants vers un lieu consacré par une manifestation divine ou par l'activité d'un maître religieux, pour y présenter leurs prières dans un contexte particulièrement favorable. D'habitude, la visite du lieu saint, qui en est le terme, est préparée par des rites de purification, et elle s'accomplit dans une assemblée qui manifeste aux fidèles la communauté religieuse à laquelle ils appartiennent. Le pèlerinage est ainsi une recherche de Dieu et une rencontre avec Lui dans un cadre cultuel. Les origines du pèlerinage chrétien se trouvent dans l'Ancien Testament et le Nouveau Testament.



LE PÈLERINAGE DANS LA BIBLE

1.1. Le pèlerinage dans l'Ancien Testament

On constate en Israël l'existence de nombreux centres de pèlerinage, des lieux sacrés liés à l'histoire sainte, où le peuple vient chercher Dieu.

Dans l'Ancien Testament, c'est en (Gn 35,1-7) qu'on lit : « Dieu dit à Jacob débout ! Monte à Béthel et fixe-toi là-bas. Tu feras un autel au Dieu qui t'est apparu, lorsque tu fuyais la présence de ton frère Esaü... » : un texte qui nous parle de pèlerinage proprement dit.

Présentant les théophanies accordées à Abraham à Sichem en (Gn 12, 6s), le texte dit : « Yahvé apparut à Abraham et dit : C'est à ta postérité que je donnerai ce pays... » Plus tard, à Mambré en (Gn 18,1), les envoyés demandent : « Où est ta femme Sara ? ... Je viendrai vers toi l'an prochain ; alors, ta femme Sara aura un fils » ; enfin, une autre théophanie est accordée à Isaac, à Bersabé, en (Gn 26,24). Les narrateurs cherchent à légitimer, par l'usage des pères, l'adoration dans des sanctuaires cananéens. Ils expliquent les caractéristiques de ces sanctuaires : leurs autels (Gn 12, 7s ; 13,4 ; 26,25) ; leurs stèles (Gn 28,18)... « Levé de bon matin, Jacob prit la pierre qui lui avait servi de chevet ; il la dressa comme une stèle et répandit de l'huile sur son sommet. À ce lieu, il donna le nom de Béthel » ; leurs arbres sacrés (Gn 12,6) ; ils fondent les rites qu'y accompliront les pèlerins ultérieurs : L'invocation du nom de Yahvé sous divers titres (Gn 12,8, 13,4 et 21 ; 33,20) ; les onctions d'huile (Gn 28,28 ; 35,14) ; les purifications (Gn 35,2ss) ; la dîme (Gn 14,20 ; 28,22).

On constate par la suite la longue persistance des assemblées religieuses, et donc des pèlerinages, à des sanctuaires d'importance diverse : Sichem, (Jos, 24 25, Jg 9,6, 1R 12,1-9 et 1S 10,3) y montent des pèlerins...

Mais à partir de l'introduction de l'arche par David à Jérusalem (2S 6) et de la construction du temple de Salomon (1 R 5-8), les pèlerinages à Jérusalem prennent une importance prédominante (1R 12,27) « Si ce peuple continue à monter au Temple de Jérusalem pour offrir des sacrifices, le cœur du peuple reviendra à son Seigneur. »

Depuis longtemps, les codes antiques de L'Alliance Yahviste (Ex 34,18-23), ou Eloïste (Ex 23 14-17) prescrivent à toute la population mâle de se présenter trois fois par an devant le Seigneur Yahvé. Cette prescription doit être accomplie, dans divers sanctuaires du pays, à l'occasion des fêtes.

Le pèlerinage cherche à rassembler le peuple devant son Dieu et à le préserver des contaminations idolâtriques locales. Au retour de l'exil, le Temple de Jérusalem est désormais le sanctuaire unique. C'est là que, pour les grandes fêtes de l'année, les pèlerins viennent de toute la Palestine, et aussi de la dispersion qui commence à s'étendre. Les Psaumes 120 et 134 expriment la prière et le sentiment des pèlerins, leur attachement à la maison du Seigneur et à la cité sainte ; leur foi, leur adoration, et leur joie de réaliser, dans l'assemblée liturgique, la communion profonde du peuple.



1.2. Le pèlerinage dans le Nouveau Testament

Au premier abord, le Nouveau Testament n'apporte sur ce point aucune nouveauté : Jésus monte à Jérusalem avec ses parents, quand il a douze ans, pour obéir à la Loi (Lc 2,41s) : « Ses parents se rendaient chaque année à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Et lorsqu'il eut 12 ans, ils y montèrent, comme c'était la coutume, pour la fête ». Tout au long de sa mission, il y monte encore pour les diverses fêtes (Jn 2,13) « La Pâque des Juifs était proche et Jésus monta à Jérusalem. » (Jn 7,14) « On était au milieu de la fête, lorsque Jésus monta au Temple pour enseigner. » (Jn 12,12) « Le lendemain, la foule nombreuse, venue pour la fête, apprit que Jésus venait à Jérusalem. »

Paul lui-même, plus de vingt cinq ans après la croix, tint à faire le pèlerinage de la Pentecôte (Ac 20,16), « Paul se hâtait, afin d'être, si possible, le jour de la Pentecôte à Jérusalem. » (Ac 24,11) « Il n' y a pas plus de 12 jours que je suis monté en pèlerinage à Jérusalem »

Mais Jésus annonce la ruine du Temple (Mc 13,22) et le refus d'Israël consomme la rupture entre l'Église et le Judaïsme. Plus encore, la résurrection de Jésus centre désormais le culte de ses fidèles sur sa personne glorifiée, nouveau Temple, et non plus sur quelque lieu de la terre (Jn 2,19-21) : « Jésus leur dit : détruisez ce Temple et en trois jours je le relèverai » (Jn 4, 21-23). « Jésus lui dit : crois-moi, femme, l'heure vient où ce n'est ni sur cette montagne, ni à Jérusalem que vous adorerez le Père... » Dieu est Esprit et ceux qui adorent, c'est dans l'esprit et la vérité qu'ils doivent adorer » (Jn 4,24). Dès lors, c'est la vie-même du peuple de Dieu qui se présente comme le véritable pèlerinage eschatologique (He 13,14). « Nous n'avons pas ici-bas de cité permanente ; mais nous recherchons celle de l'avenir. » Ce pèlerinage est aussi un exode, conduit par le Seigneur Jésus (Ac 5,31) : « C'est lui que Dieu a exalté par sa droite, le faisant chef et sauveur. » (He 2,10) ; il a pour terme des réalités spirituelles, la montagne de Sion, la Jérusalem céleste, l'assemblée des premiers-nés qui sont inscrits dans les cieux (He 12,22 ss) et un Temple qui est le Seigneur, le Dieu Maître de tout... ainsi que l'Agneau (Ap 21, 22-26).



LE PÈLERINAGE, UNE DÉMARCHE SPIRITUELLE !

Mais l'Église est trop attachée à l'histoire pour refuser toute valeur aux pèlerinages, vers les lieux de la vie terrestre du Christ, ou vers ceux de ses manifestations dans la vie des saints. Elle voit dans ces rassemblements, sur les lieux de l'action du Christ, une occasion pour les fidèles de communier dans la foi et la prière. Elle cherche surtout à leur y rappeler qu'ils sont en marche vers leur Seigneur, et sous sa conduite. Les grands lieux de pèlerinages, aujourd'hui, sont les suivants : Jérusalem (sur les traces de Jésus), Rome, et les lieux d'apparition de la Vierge Marie à Lourdes, Fatima...

En effet, le mot pèlerinage est un mot masculin. Il vient du latin peregrinus qui signifie « étranger », « voyageur ».

Mais il ne s'agit pas de n'importe quel voyage. Il s'agit d'un voyage qu'un fidèle fait à un lieu saint, pour des motifs religieux et dans un esprit de dévotion et de conversion.

Le pèlerinage chrétien est une expression privilégiée du dynamisme de la foi. Au cours des siècles, les chrétiens ont fait route vers Jérusalem, Compostelle, Rome, Lourdes...

L'acte pèlerin exprime en plénitude le besoin et le courage humain de se décentrer, de s'arracher aux coquilles qui emprisonnent, de prendre de la distance avec soi-même Mais il exprime plus encore le fait de tracer la route, non seulement d'une libération, mais d'un accomplissement. C'est le véritable sens du voyage pèlerinage, symbole de notre existence humaine temporelle.

Il ne s'agit pas de se mobiliser pour tourner en rond, pour une errance sans but.

Le pèlerinage nous éduque à notre vocation de croyants, voyageurs en quête d'une terre nouvelle Cette marche nous force à une mutation de vie positive ; elle est une rencontre avec des frères humains différents, en âge, en sexe, en situation sociale ; mais unis dans une même dynamique de chemin. Le chemin, parcouru physiquement, devient alors chemin de sublimation intérieure. C'est ainsi que le pèlerinage chrétien est toujours, d'une certaine manière, même si on n'en a pas pleinement conscience, l'image des efforts et des démarches qui expriment la finalité spirituelle des expériences de vie : quitter l'esclavage du péché pour naître à une délivrance.

Cette marche, en foule fraternelle, est par là même une ouverture à l'au-delà, une vraie recherche de l'infini, où le terme du voyage symbolise la fin du temps consacré à la démarche.

Il s'agit d'un temps consacré à la démarche d'approfondissement de la foi, d'un temps de prière plus suivie, d'un temps d'effort et de pénitence.

Dans la démarche de pèlerin, une seule chose doit hanter le chrétien : le salut de tous les hommes ; et que le lieu du pèlerinage soit le point de départ pour une longue route, jusqu'aux extrémités de la terre.

C'est à travers ces deux pôles de la vie que nous devons trouver sens à nos pèlerinages.

Partir pour fuir le quotidien n'est pas un pèlerinage chrétien. Nous faisons le pèlerinage à la suite Jésus ; ou mieux, à l'image de Jésus, pèlerin de Dieu, envoyé du Père. Son message est de dire et faire ce que le Père lui indique (Jn 8,29) « Celui qui m'a envoyé est avec moi. »

Dire à qui ? Avant tout à ses compatriotes Juifs, mais aussi à des non juifs, soldats romains, samaritains, païens, bref au monde entier !

Depuis le départ de Nazareth, Jésus ne cesse de parcourir la Palestine. Pèlerin de Dieu, messager du Père, il veut que son message atteigne le plus de monde possible. Lorsqu'on veut le retenir à Capharnaüm, où tout le monde le cherche, il répond, après avoir longuement prié : « Allons ailleurs, dans les bourgs voisins, afin que j'y prêche aussi, car c'est pour cela que je suis sorti » (Lc 1,38)... sorti de la maison de Simon ; surtout sorti du Père. Il s'en explique devant Pilate. Celui-ci lui demande : « Donc tu es roi ? Il répond : tu le dis ! Je suis roi. Et je ne suis venu dans le monde que pour rendre témoignage à la vérité » (Jn 18,37). Ainsi, pour lui, la manifestation la plus forte de son pouvoir consiste à dire, au long de son pèlerinage, sur les chemins, sur les places, au bord du lac, dans les villages, dans les synagogue, la vérité qu'il a entendue de Dieu (Jn8,40). Vérité sur Dieu, sur l'homme, sur leurs relations.

L'enjeu du pèlerinage chrétien est ici : si le pèlerinage est une dévotion, il est aussi et surtout un apostolat !

Ce n'est pas parce que nous aurons « pèleriné » durement que nous allons gagner le ciel. Dieu ne nous doit pas le salut parce que nous l'aurions payé. Le pèlerinage doit changer notre regard définitivement sur le prochain, et faire de nous des apôtres, c'est-à-dire porter le souci des autres plus haut que le souci de l'amour de soi. C'est aussi aider ceux que nous rencontrons au cours de notre pèlerinage à trouver ou retrouver le sens de leur vie.

Certes, quand on regarde dans la foi chrétienne le contenu des pèlerinages, on s'aperçoit qu'il est aussi « Ad sancta », c'est-à-dire « vers les choses saintes ». Quelles sont ces choses saintes ? Ce sont les reliques. Le pèlerin va d'église en église, parce quelles sont riches en reliques. Aller vers ces reliques, c'est aller vers une présence. On s'en va en pèlerinage pour être présent à quelqu'un, pour bénéficier de sa bénédiction.

En plus de son caractère apostolique, le thème de dépouillement est extrêmement important dans le pèlerinage. Il s'agit de se défaire de ce qui nous lie : tout ce qui nous attache, tout ce qui nous entrave, et qui est contraire à la vocation de l'homme. Tout laisser et partir. Le dépouillement appartient au pèlerinage. C'est une présence à soi, ou se dépouiller pour être présent à l'autre. C'est donc le contraire d'un déplacement. Car on ne va pas en pèlerinage avec ses problèmes, qui restent les mêmes où qu'on soit. Il s'agit de partir pour se retrouver. Partir pour se défaire de ce qui empêche d'être réellement soi-même.

Dans un pèlerinage chrétien, ce qui fait le lien entre présence et absence, est évidemment le thème de la pauvreté... de la pauvreté jusqu'à en souffrir.



LE PÈLERINAGE DE KITA

C'est le Frère Issac, de l'équipe des missionnaires fondateurs, très habile de ses doigts, qui modela, avec la terre du marigot de Bangasi, une statue de la Vierge Marie. Il l'a cuite comme on le fait pour les canaris. Depuis 60 ans, la statue trône au centre de la cour de la paroisse de Kita. En 1955, Monseigneur Courtois, alors évêque de Kayes, envisage un pèlerinage, un peu sur le modèle de celui du Sénégal, à Poponguine. La statue quitte alors la cour de la paroisse pour l'intérieur de l'église de Kita. Pendant une dizaine d'années s'organise un pèlerinage paroissial qui connaît un grand succès. Au retour du concile Vatican II, les évêques maliens décident de faire de Kita le lieu d'un pèlerinage national, et que la statue, vénérée en ce lieu, porte le nom de Notre Dame du Mali. Le premier pèlerinage est organisé en 1966. La date du deuxième dimanche de Pâques est choisie pour diverses raisons : facilité de déplacement pour le monde paysan, temps fort liturgique...

Depuis les fêtes du centenaire, en souvenir de la fondation de l'Eglise du Mali, la date du pèlerinage est fixée au week-end le plus proche du 20 novembre.



CONCLUSION

Le thème m'a conduit à décrire différents aspects du pèlerinage. Ce thème est celui qu'on appelle depuis le Moyen Âge, la « sequela Christi », c'est-à-dire : la suite du Christ !

Celui qui a le mieux résumé cet aspect, c'est saint Jérôme ; et son expression va traverser les siècles. Il a écrit cette belle phrase : « pèleriner », c'est « suivre nu le Christ nu ! ». Cette phrase se retrouve sous la plume de presque tous les auteurs spirituels qui ont parlé de pèlerinage, jusqu'à la fin du Moyen Âge.

Tout cela pour dire que le véritable dépouillement ne peut être envisagé que sous le thème d'un pèlerinage. Le pèlerinage constitue, pour le chrétien, le moment où il se dépouille des fausses images de Dieu. Il se dépouille d'attachements à ses habitudes, ou à des rites qui ne sont pas essentiels. C'est véritablement l'expérience de cette nudité, dont parle saint Jérôme. Plus tard, saint Jean de la Croix parlera du rien, du vide qui est indispensable pour rencontrer Dieu. La suite du Christ, l'Évangile en parle clairement : « Si quelqu'un m'aime, qu'il vienne à ma suite. » La suite du Christ est la définition même du pèlerinage. Ceci m'amène à dire que toute l'histoire d'une vie croyante est un pèlerinage.



Père Noël Samaké.

Centre Foi et Rencontre - BP 298 BAMAKO (Mali) Tél. : 229 68 42
Le Centre se trouve dans la cour de l'ex-séminaire Pie XII à Hamdallaye.
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