Pascale LEROY-CASTILLO et Sylvaine GUINLE-LOIRET
Etre prisonnier civil
au camp de Garaison
(Hautes-Pyrénées
1914-1919
Editions Cairn
30 euros
Juin 2018
Pages : 239
Durant la Première Guerre mondiale, la France considéra les Allemands, les Austro-Hongrois, les Ottomans, les Bulgares présents sur son sol comme ennemis : ils furent concentrés dans des camps, dont celui de Garaison (Hautes-Pyrénées) , installé dans l'ancien couvent et établissement scolaire des Missionnaires de l'Immaculée Conception.
Il existe sur ce camp un fonds photographique tout à fait exceptionnel et très peu connu, que cet ouvrage présente en partie. Les clichés évoquent les conditions de vie au quotidien ; ils mettent en scène les internés eux-mêmes, souvent accompagnés d'une épouse, d'une compagne, d'enfants ou de parents : Garaison est un camp de familles. Un témoignage très émouvant est ainsi livré.
Des archivistes et des historiens travaillent ensemble et croisent leurs regards pour mettre en lumière l'histoire de ce lieu d'enfermement et tenter de cerner ce que la photographie peut apporter à la compréhension de cette histoire. Ils rendent ainsi hommage à ces femmes, à ces enfants, à ces hommes, dont la Guerre bouleverse la vie en raison de leur nationalité.
Novices Pères Blancs allemands internés en France. (texte de l'archiviste M. Afr)
Pendant la première guerre mondiale, le gouvernement français décida d'interner des civils originaires de nations ennemies (Allemands, Autrichiens, Hongrois et Ottomans). C'est ainsi que Kerlois (qui n'appartenait pas encore aux Pères Blancs) fut réquisitionné pour servir de lieu d'internement pour ces citoyens 'indésirables'. Un camp similaire fut installé dans les Hautes Pyrénées chez Missionnaires de l'Immaculée Conception de Lourdes (alias Pères de Garaison). Une trentaine de Missionnaires d'Afrique allemands y furent internés. C'était des novices frères qui avaient été arrêtés au Noviciat Saint-Joseph de Maison-Carrée et internés au Fort-l'Empereur d'Alger, puis à Berrouaghia avant d'être transférés à Garaison.
Les Rapports Annuels (1915 p 8) disent comment : " Les Novices de nationalité allemande, d'abord internés à Alger au Fort-l'Empereur, puis à Berrouaghia, ont été, le 31 mai 1916, transférés à Garaison dans les Hautes-Pyrénées. Là, ils ont une grande chapelle à leur entière disposition; ils peuvent y conserver le Très Saint Sacrement, et célébrer les offices presque comme à Sainte-Marie, disent-ils. Leur nombre, du reste, n'est plus le même qu'au départ du Noviciat, car plusieurs, durant leur séjour à Berrouaghia, ont renoncé à leur vocation et quitté le groupe dirige par le P. Pfeffermann. " Les archives des Pères de Garaison possèdent un fonds photographique important sur ce camp de civils.
Ces photos, avec un commentaire en français et en allemand, viennent d'être publiées par l'archiviste du diocèse de Tarbes et Lourdes. ( P. Leroy-Castillo & S. Guinle-Lorinet : Etre prisonnier civil au camp de Garaison (Hautes Pyrénées) 1914-1919. Ed Cairn.) Les pages 122-123 sont consacrées à ce groupe de confrères allemands.
Texte de la page 122 avec photos de la page 123
Une trentaine de Missionnaires d'Afrique, tous de nationalité allemande et en provenance de Maison-Carrée furent internés à Alger, au Fort-l'Empereur, puis à Berrouaghia. Ces " Pères Blancs " appartiennent à la congrégation fondée en 1868 par Charles Lavigerie pour évangéliser l'Afrique et refaire de l'Afrique Nord la terre chrétienne des premiers siècles de l'Eglise. Le 31 mai 1916, ils sont transférés au camp de Garaison. La plupart sont des novices d'une vingtaine d'années. Sur les fiches nominatives établies par l'administration, il est mentionné que chacun est " seul à la colonie ". Mais, placés sous la conduite de leur supérieur, le Père Leo Pfeffermann, le plus âgé d'entre eux, ils forment une véritable communauté ; ils peuvent disposer de la chapelle et se rendre à la bibliothèque, comme l'explique Frère Guillaume. Ici deux portent le fez, ce couvre-chef de laine si fréquent en Afrique du Nord ; tous trois posent dans l'habit qui leur vaut leur appellation habituelle. Il s'agit de Friedrich Schuch, 25 ans ; Ernst Friedrich Drissler, 39 ans ; Johann Michels, 26 ans. Ce dernier fut interné plus d'un an à Berrouaghia ; il sera à la fin de la guerre dirigé vers Viviers (Ardèche) avec le convoi du 5 novembre 1918. Selon un rapport du directeur du camp, daté du 15 novembre 1916, il n'a jamais donné lieu à reproche.
(Fonds des Pères de Garaison conservé aux archives diocésaines de Tarbes et Lourdes)
Noviciat Saint-Joseph (texte de l'archiviste M. Afr)
Parlons d'abord des absents, Novices et Postulants, que les événements retiennent loin de nous.
Dès les premiers mois, la guerre avait fait perdre au Noviciat des Coadjuteurs un sujet de choix, le cher Frère Martial, tué près d'Arras en octobre 1914. Durant cette seconde année, elle nous en a enlevé un second, non moins regretté, le bon Frère Daniel, tué le 25 septembre 1915 à l'attaque de Champagne. Nous comptons donc actuellement deux morts sur six mobilisés.
Les Novices de nationalité allemande, d'abord internés à Alger au Fort-l'Empereur, puis à Berrouaghia, ont été, le 31 mai 1916, transférés à Garaison dans les Hautes-Pyrénées. Là, ils ont une grande chapelle à leur entière disposition; ils peuvent y conserver le Très Saint Sacrement, et célébrer les offices presque comme à Sainte-Marie, disent-ils. Leur nombre, du reste, n'est plus le même qu'au départ du Noviciat, car plusieurs, durant leur séjour à Berrouaghia, ont renoncé à leur vocation et quitté le groupe dirige par le P. Pfeffermann.