« Petit pays », une adaptation brutale et efficace du best-seller de Gaël Faye

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Mis à jour le 27 août 2020 à 10h27
Petit pays

Il ne faut pas se fier à la bande-annonce, assez doucereuse pour appâter le grand public. « Petit pays », le film, fait l’effet d’une claque.

Le réalisateur français Éric Barbier avait déjà signé en 2017 une adaptation, celle de La Promesse de l’aube, le chef-d’œuvre de Romain Gary, dont il avait su garder le souffle épique. Une histoire d’enfance et de sortie de l’enfance sur fond de conflit international…

En s’attaquant au best-seller de Gaël Faye, il conserve encore une fois la force et l’intelligence du récit. À l’image du roman, le film n’est jamais didactique et se présente d’abord comme un aller simple pour l’enfance, le chapardage de mangues, les petits déjeuners ensoleillés en famille, avant de laisser se profiler l’ombre terrifiante de la guerre.

Huis clos familial

Subtilement, par petites touches impressionnistes, le long-métrage restitue l’époque, le début des années 1990, et le lieu, le quartier résidentiel de Kinanira, à Bujumbura (même s’il a été tourné à Kigali et à Gisenyi).

Des expressions populaires, quelques mots de kinyarwanda, les hits de l’époque (Ancien Combattant, de Zao, qui faisait toujours vibrer les bals), la voix, à la radio, du journaliste de RFI Jean Hélène (assassiné en 2003 à Abidjan)… Si le film se contentait de cela, de faire revenir ce passé burundais qui a déserté les mémoires, ce serait déjà beaucoup.

Mais en resserrant l’action et en se centrant sur les événements des années 1990, il donne aussi à voir une version bien plus brutale du roman. Il y a d’abord un huis clos familial, de plus en plus étouffant, décrivant le quotidien d’une famille mixte (père expatrié français et mère d’origine rwandaise) qui se fissure inexorablement. Ce cocon, déjà gâté par la séparation des parents, va voler en éclats avec l’irruption de la guerre.

Réalité sanglante

Et c’est peut-être là, lors de restitutions particulièrement violentes d’intimidations et de lynchages, que le long-métrage surprend le plus. Délaissant une réalisation assez classique, Éric Barbier filme caméra à l’épaule, bousculé par les milices, nous plongeant au cœur de l’horreur et du tumulte tandis qu’une bande-son assourdissante ajoute à la confusion. Et il continue de nous montrer cette réalité sanglante à travers les yeux d’ado du héros, créant un effet de contraste saisissant.

L’adaptation est d’autant plus efficace qu’elle est servie par des acteurs irréprochables, en très grande majorité castés dans la région. Le Français Jean-Paul Rouve, qui joue le père, surprend (en bien) dans ce registre dramatique. Le jeune Djibril Vancoppenolle (Gabriel) étonne par sa justesse. Mais c’est Isabelle Kabano, née à Bujumbura et jouant ici la mère du héros basculant peu à peu dans la folie, qui livre la prestation la plus poignante.

On sort du film avec l’envie de se replonger dans le livre… ce qui est toujours bon signe.