Algérie-France : où en est le rapport d’Abdelmadjid Chikhi sur la période coloniale ?
Plus d’un an après la nomination du chargé des mémoires algérien, toujours aucun rapport sur le bureau d’Abdelmadjid Tebboune.
« Dommage, c’est tout ce que je peux dire ! » Lors d’une conférence en juillet dernier sur les coulisses de son rapport sur la réconciliation des mémoires entre la France et l’Algérie, l’historien français Benjamin Stora a confirmé l’absence de relations avec son confrère Abdelmadjid Chikhi et a regretté le silence de ce dernier.
Chargé en juillet 2020 par Emmanuel Macron de « dresser un état des lieux juste et précis » sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie, Benjamin Stora a rendu ses travaux en janvier 2021. Nommé à la même période par Abdelmadjid Tebboune au poste de conseiller chargé des archives et de la mémoire, et censé entreprendre une mission du même type, Abdelmadjid Chikhi n’a en revanche pas remis de rapport au président algérien pour le moment.
« Je ne sais pas ce qu’il se passe »
En octobre 2020, Abdelmadjid Chikhi avait indiqué à l’agence de presse officielle APS que le travail bilatéral sur la restitution des archives algériennes transférées en France « n’[avait] pas encore débuté du fait de la propagation de la pandémie Covid-19 » mais avait réaffirmé la volonté politique de faire avancer ce dossier de part et d’autre de la Méditerranée. Mais dix mois plus tard, « je ne sais pas du tout ce qu’il se passe du côté algérien, affirme Benjamin Stora, contacté par Jeune Afrique. Je suis les déclarations dans la presse. »
https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">IL AVAIT DÉFRAYÉ LA CHRONIQUE EN AFFIRMANT QUE LES TROUPES COLONIALES FRANÇAISES AVAIENT EXTERMINÉ LES ALGÉRIENS LETTRÉS
Selon une source élyséenne, le suivi de la mise en œuvre des préconisations du rapport Stora se fait « en lien étroit avec l’ambassade de France à Alger et son service culturel ». Certains dossiers, comme celui de l’ouverture des archives sur la guerre d’Algérie ou celui de la restitution des restes humains, sont gérés par des commissions d’experts des deux pays. Une réunion du groupe de travail chargé du dossier des essais nucléaires – qu’Emmanuel Macron a remis sous les projecteurs en déclarant que la France avait une dette envers la Polynésie – a d’ailleurs eu lieu les 19 et 20 mai derniers, sans toutefois que la teneur de leurs échanges et l’identité des experts rassemblés ne soient communiqués.
Certaines autres préconisations ne nécessitent en revanche pas de coopération avec l’Algérie, notamment la création d’un musée de l’histoire de la France et de l’Algérie, pour lequel la ville de Montpellier s’est proposée.
Rapport « franco-français »
Alors que l’année 2022 marquera les soixante ans des accords d’Évian qui mirent fin à la guerre d’indépendance algérienne, les questions de mémoire entre Paris et Alger sont toujours aussi sensibles. Différentes déclarations d’Abdelmadjid Chikhi le montrent bien. Celui qui avait défrayé la chronique en mars dernier en affirmant que les troupes coloniales françaises avaient exterminé les Algériens lettrés a qualifié le rapport Stora de « franco-français ». Il a aussi déclaré que « la France coloniale a œuvré pour répandre l’analphabétisme en Algérie ».
Réputé intransigeant, Abdelmadjid Chichi réclame la restitution de toutes les « archives nationales détenues par la France ». En octobre 2020, interrogée par le site d’information français Mediapart, Karima Dirèche, directrice de recherches au CNRS, voyait sa nomination comme une démonstration du manque de volonté de l’Algérie d’ouvrir les archives. « Il est le prototype de l’apparatchik, la caricature de l’oligarque qui n’a aucune envie de débattre de l’état historiographique avec les Français », estimait cette spécialiste du Maghreb.
« Nous souhaitons que les deux historiens accomplissent leur travail dans la vérité, la sérénité et l’apaisement », avait pourtant déclaré le président Tebboune à la télévision algérienne le 19 juillet 2020, au moment de la nomination de son conseiller.