Le code de Nuremberg, un socle de principes bioéthiques

Explication

Publié en 1947, le code de Nuremberg fut un tournant dans la conception de la bioéthique médicale. Il reste un socle immuable, en dépit des avancées de la science.

  • Alice Le Dréau, 
Le code de Nuremberg, un socle de principes bioéthiques
 
Les accusés lors de leur comparution, le 21 novembre 1946 à Nuremberg.DPA/PICTURE ALLIANCE/LEEMAGE
       

Les fondements de l’éthique biomédicale contemporaine ont été forgés il y a plus de soixante-dix ans, à Nuremberg, au cours du procès dit « des médecins ». Le procès dura six mois, à partir de décembre 1946 soit quelques semaines après la fin du premier procès de Nuremberg qui avait jugé les principaux dignitaires du régime nazi.

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Sur les 23 accusés, la plupart sont des médecins réputés, chirurgiens ou bactériologistes, parfois chercheurs à l’université. Ils racontent leurs terrifiantes expérimentations dans les camps d’emprisonnement ou de concentration. Euthanasie de malades mentaux, tests de vaccins sur des détenus, inoculation de poisons ou de maladies infectieuses, stérilisation forcée, collection de squelettes de déportés… L’énumération des crimes, perpétrés avec l’aval des autorités, à l’aide de crédits publics et en collaboration étroite avec les plus grandes institutions de recherche d’Allemagne, est un choc.

Une prise de conscience des dérives de la science

« Depuis des siècles, de nombreuses expériences humaines avaient été réalisées sans le consentement des sujets, mais jamais elles n’avaient atteint un tel degré dans l’horreur », écrit Bruno Halioua, chercheur à l’Inserm, dans son livre Le Procès des médecins de Nuremberg (Érès, 2017). Loin de se repentir, les accusés justifient de s’être servis d’humains comme de moyens et défendent l’intérêt de leurs travaux. Pour le monde entier, c’est la prise de conscience, à l’époque moderne, des dangers des progrès d’une science sans conscience, des dérives possibles ainsi que de la nécessité de l’encadrer.

Le procès aboutit à l’énonciation de dix principes, rassemblés dans le code de Nuremberg et qui constituent le premier socle bioéthique moderne. Publié en 1947, il fixe le caractère licite des expériences médicales et met en place des limites destinées à protéger les sujets qui y participent.

Parmi ces dix principes figurent la nécessité du consentement « éclairé » de toute personne impliquée dans une recherche médicale, le caractère humanitaire de la recherche qui doit avoir pour but de guérir, traiter ou prévenir les maladies, ou encore la supériorité des bénéfices attendus par rapport aux risques courus. L’expérience doit ainsi être pratiquée de façon à éviter toute souffrance et tout dommage physique ou mental. Le sujet est par ailleurs libre d’interrompre l’expérience à tout moment.

Un texte à vocation universaliste

De même que le serment d’Hippocrate demeure, des siècles après sa rédaction, un phare pour les médecins, le code de Nuremberg, avec sa vocation universelle, reste aujourd’hui encore un point de référence pour les essais cliniques.

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Même si, depuis, d’autres textes fondamentaux sont venus gonfler le corpus bioéthique à mesure des évolutions de la science, comme la déclaration de Helsinki, en 1964, et la convention d’Oviedo, signée en 1997 par l’Union européenne. Cette dernière aborde par exemple, de manière spécifique, la génétique et la transplantation d’organes et de tissus.