Paléontologie : les australopithèques d’Afrique du Sud prennent un coup de vieux 

Récit 

Une étude parue lundi 27 juin dans la revue scientifique « Pnas » repousse d’au moins un million d’années les fossiles d’australopithèques découverts dans des grottes en Afrique du Sud. De quoi montrer une coexistence avec ceux d’Afrique de l’Est.

  • Audrey Dufour, 
Paléontologie : les australopithèques d’Afrique du Sud prennent un coup de vieux
 
Le crâne d’une australopithèque, découverte en 1947 sur le site de Sterkfontein, en Afrique du Sud.JASON L. HEATON/BIRMINGHAM-SOUTHERN COLLEGE

Un million d’années dans la vue ! Une coopération internationale a revu à la hausse l’âge d’Australopithecus africanus, une espèce d’australopithèque qui vivait en Afrique australe. Jusque-là, des analyses sédimentaires du site de fouilles de Sterkfontein, en Afrique du Sud, considéraient ce lointain cousin comme présent depuis une période de 2,1 à 2,6 millions d’années. La nouvelle estimation repousse cette fourchette entre 3,4 et 3,7 millions d’années.

La faute aux stalagmites, ou plutôt aux stalagmites « plates ». « Les sols de ces grottes ressemblent à des mille-feuilles », décrit Laurent Bruxelles, géoarchéologue de l’université Toulouse Jean-Jaurès et coauteur de l’étude parue dans Pnas lundi 27 juin. Les premières estimations avaient été réalisées en datant des calcaires déposés par ruissellement dans une couche sédimentaire où avaient été retrouvés des fossiles. La technique est classique. Mais, dans ce cas précis, la datation a été faussée par le ruissellement : les roches analysées se sont infiltrées bien après dans la couche géologique qui contient les fossiles.

Pour la nouvelle mesure, c’est donc le quartz qui a été passé à la moulinette, notamment des formes rares de certains éléments chimiques – l’aluminium et le béryllium. « Tant que les roches sont à la surface, ces isotopes vont être produits en raison des rayonnements cosmiques, explique Laurent Bruxelles. Puis, quand la roche est recouverte ou enterrée dans une grotte, ces isotopes vont peu à peu disparaître, avec un taux de décroissance connu. » À partir des isotopes restants, il est ainsi possible de savoir quand la roche a été enfouie et donc quand se sont fossilisés les os.

Une coexistence parallèle d’australopithèques

Cette nouvelle datation confirmerait que l’australopithèque sud-africain a vécu à la même époque que son voisin d’Afrique de l’Est Australopithecus afarensis. Et ne peut donc pas en être son descendant. Une vraie révolution, qui aurait enthousiasmé le paléoanthropologue Yves Coppens, mort la semaine dernière et codécouvreur en 1974 de Lucy, le plus connu des squelettes d’australopithèque afarensis.

« Cette actualisation montre une évolution synchrone, qui invite à réfléchir sur l’apparition des australopithèques à l’échelle de tout le continent africain en sortant du débat sur les différents berceaux de l’humanité », estime Laurent Bruxelles. Depuis quelques décennies, les paléoanthropologues ont abandonné l’idée d’une unique lignée humaine, pour parler plutôt d’un « buisson », plusieurs espèces cohabitant et évoluant parallèlement.