Du VIIème au XVème siècle

Islamisation de l'Afrique du Nord 

 
Salle de prière de la Grande Mosquée de KairouanTunisie,
l'une des plus anciennes mosquées d'Afrique.
 
 

À partir du viie siècle, les armées arabes conquièrent l'Afrique du Nord en profitant de leur victoire sur les Byzantins à la Bataille du Yarmouk. En 639Amru ben al-As entre en Égypte à la tête de 4 000 soldats. Quatre ans plus tard, en 643, il parvient en Libye, puis aux portes de Sbeïtla en 647. Après une brève interruption due à des querelles de successions, la conquête reprend en 665 sous Oqba Ibn Nafi Al Fihri, neveu d'Amru ben al-As. Il fonde Kairouan en 670 et en fait la capitale de l'Ifriqiya, ancienne province romaine d'Afrique fraîchement islamisée52 ; c'est la même année (670) qu'est fondée la Grande Mosquée de Kairouan, l'une des plus anciennes mosquées d'Afrique53. La ville de Tunis est également fondée pour supplanter Carthage, reprenant une pratique de remplacement des centres de pouvoir anciens par des centres de pouvoir islamiques commune au reste du califat (comme ce fut le cas à Bagdad qui remplaça Ctésiphon, à Fustat pour remplacer Alexandrie ou encore à Damas pour supplanter Antioche). De là, il rejoint les côtes de l'Afrique de l'Ouest mais se heurte sur la route du retour à une forte résistance berbère emmenée par Koceila. Ce dernier parvient à prendre Kairouan et, après sa mort, les Arabes ne peuvent s'installer dans l'ouest de l'Algérie qu'en s'alliant aux Berbères.

Le Maghreb reste cependant rétif à la domination islamique malgré une conversion rapide des populations sous l'influence notamment d'Idris Ier et du royaume idrisside, ce qui profite aux courants rivaux du sunnisme contrôlé par le calife. Ainsi, les Ifrenides kharidjites prennent le pouvoir au Maghreb et s'allient aux Omeyyades de Cordoue contre les dynasties rivales se réclamant du calife abbasside. Ce courant resta longtemps implanté dans la région, comme ce fut le cas dans d'autres marges du califat (en Afghanistan par exemple). Il faudra attendre l'arrivée au pouvoir des Almoravides au xe siècle pour que le sunnisme s'impose définitivement dans la région, bien que marqué par des pratiques hétérodoxes comme le rôle particulièrement important donné aux marabouts, qui servent à la fois de saints et de prosélytes auprès de la population.

Les chrétiens d'Égypte, comme dans d'autres régions conquises par le califat, ont été au début confirmés dans leurs postes administratifs, à l'instar des zoroastriens de Perse. Mais, l'instabilité grandissant après la chute des Omeyyades, ce statut particulier a été peu à peu remis en cause. Ils ont alors eu le choix entre la conversion et le statut de dhimmi moyennant un impôt sur la terre, la Djizîa. La plupart choisit la seconde option et réussit à conserver d'importantes responsabilités administratives jusqu'au viiie siècle, où les coptes perdent petit à petit leur pouvoir. Ce mouvement s'accélère avec la prise de pouvoir d'Ahmad Ibn Touloun et la période d'Anarchie de Samarra qui entraîne un bouleversement des rapports de force sociaux, au profit des autorités militaires souvent d'origine turque, ainsi qu'une réforme administrative mettant fin aux anciens privilèges en même temps que l'autorité du calife Abbasside est remise en question. L'arabe devient peu après langue officielle et le copte est relégué au rang de langue liturgique. Au xive siècle, les chrétiens ne comptent plus que pour 10 % de la population égyptienne, et ont quasiment disparu du reste du continent, Éthiopie et Nubie mises à part.

Pendant cinq siècles, plusieurs dynasties puissantes se succèdent donc en Afrique du Nord, qui est la première région à s'affranchir formellement de la tutelle du Califat abbasside avec la dynastie des Rostémides en Ifriqiya, après l'Émirat de Cordoue omeyyade. Cette instabilité ralentit les progrès de l'islam sunnite dans la région, qui a même reculé à certaines époques. Ainsi, en 910, la famille des Fatimides prend le pouvoir à Kairouan et s'étend tant vers l'ouest que vers l'est, reprenant l'Égypte des mains des Turcs dans lesquelles elle était tombée entre-temps et fondant la ville du Caire (al-Qadirah, la victorieuse) à la place de l'ancienne capitale Fustat. Le Califat fatimide ainsi fondé favorisa l'expansion du chiisme dans la région, qui fut dès lors partagée en deux religieusement entre le Maghreb sunnite et l'Égypte chiite. De sévères famines entre 1062 et 1073 amorcent son déclin et Saladin renverse le royaume en 1171. La dynastie Ayyoubide qu'il dirige mettra par la suite en œuvre un vaste programme de conversion des populations chiites conquises, avec la fondation de l'université al-Azhar pour former les imams nécessaires à l'enracinement du sunnisme en Égypte. La conversion de l'Afrique du Nord à l'Islam sunnite a donc été un processus long et chaotique, qui prit plus de cinq siècles.

Commerce transsaharien[modifier | modifier le code]

Le commerce entre les pays méditerranéens et l'Afrique de l'Ouest à travers le Sahara a pris son essor à partir du viie siècle54 et a connu son apogée du xiiie siècle jusqu'à la fin du xvie siècle. Les principaux produits fournis par l'Afrique sub-saharienne étaient l'or, le sel, les esclaves et l'ivoire. Ce commerce a joué un rôle central dans la diffusion de l'islam en Afrique subsaharienne54. Ce commerce présentait la caractéristique de s'organiser autour d'oasis plus ou moins indépendantes des grandes puissances situées de part et d'autre du désert et reliées entre elles par des caravaniers.

Ce commerce a longtemps avantagé économiquement ce qui est aujourd'hui le Maroc par rapport au reste du Maghreb, ce qui rendait son contrôle ou du moins sa protection vital pour les dynasties qui s'y succédèrent. Ainsi, la ville de Marrakech a été fondée par les Almoravides pour devenir leur capitale grâce à sa position de confluent des principales routes d'Afrique occidentale. De même, Ibn Toumert bénéficia la position forte de son village natal Tinmel pour perturber ce commerce et le détourner à son compte, ce qui eut pour effet d'affaiblir les Almoravides établis à Marrakech et de précipiter leur chute au profit des Almohades.

 

Afrique de l’Ouest

Les sociétés installées en Afrique de l'Ouest sont d'origines très diverses. Au sud, du Sénégal au golfe de Guinée, la forêt équatoriale est colonisée par des populations parlant des langues nigéro-congolaises, à l'instar de la totalité des langues parlées au sud d'une ligne reliant le nord du Sénégal au sud de la Somalie. Plus au nord, les régions de savane voient s'installer de petits groupes parlant des langues nilo-sahariennes, probablement en quête de terres plus fertiles face à l'avancée du désert. Ces groupes se dispersent le long du Moyen-Niger et sur les rives méridionales du lac Tchad, près de plaines inondables propices à l'agriculture.

À partir du ixe siècle, plusieurs États dynastiques se succèdent le long de la savane subsaharienne, de la côte Atlantique au centre du Soudan, dont les plus puissants sont l'empire du Ghana, le royaume de Gao et le royaume du Kanem-Bornou. Le Ghana commence à décliner au xie siècle et l'empire du Mali lui succède deux siècles plus tard. Son mansa, ou roi le plus connu est Kanga Moussa, grâce au récit qui a subsisté de son pèlerinage à la Mecque, qu'il aurait entrepris avec une suite de 60 000 hommes et en causant une dévaluation de l'or qui dura dix ans à cause de ses multiples dons effectués en chemin. Il est ainsi considéré comme l'homme le plus riche de l'histoire par rapport à la richesse de son époque par des chercheurs modernes55. Au xve siècle, alors que le Mali commence lui-même à perdre des territoires, le chef songhaï Sonni Ali Ber échappe à l'autorité de son suzerain et fonde l'empire songhaï, au centre du Niger actuel, à partir de ce qui n'était qu'un royaume vassal du Mali.

Parallèlement, à partir du xie siècle, des villes haoussas, en particulier Kano au nord de l'actuel Nigeria, se développent grâce à la pratique du commerce et de l'industrie, jusqu'à former des cités-États. Elles restent en bordure des principaux empires soudaniques jusqu'au xve siècle, versant des tributs à l'empire Songhaï à l'ouest et au royaume du Kanem-Bornou à l'est.

La progression de l'Islam vers le sud est interrompue par la forêt tropicale qui traverse le continent au niveau du 10e parallèle nord. Ils n'atteignirent jamais la côte de Guinée et les royaumes qui s'y développèrent restèrent hors de toute influence islamique. Ife, la plus ancienne des cités-États yoruba connues, est gouvernée par un prêtre-roi désigné par le titre d'oni. Centre culturel et religieux de l'actuel sud du Nigeria dès le viiie siècle, Ife exporta son système gouvernemental vers la ville d'Oyo, qui étend petit à petit son pouvoir sur la région environnante jusqu'à éclipser sa cité-mère et prospérer au sein de son propre État à partir du xve siècle, constituant le royaume d'Oyo.

Les yorubas s'installent également à l'est d'Ife, en région de culture edo, au xiiie siècle, pour y fonder le royaume du Benin. Deux cents ans plus tard, ce dernier est devenu une importante puissance commerciale, isolant Ife de la côte et de ses ports. À son apogée, entre le xvie siècle et le xviie siècle, le royaume avait annexé une partie du territoire des yorubas et des igbos.

 

Afrique de l'Est

La région de la Corne de l'Afrique est marquée tout au long du Moyen Âge par l'expansion de l'islam. Très tôt, au début du viie siècle, alors que Mahomet était en conflit à La Mecque avec la tribu des Quraïchites, certains de ses disciples cherchèrent refuge dans le royaume d'Aksum, au nord de l'Éthiopie, comme Jaafar ibn Abi Talib, et ils furent protégés par l'Empereur d'Aksoum Ashama ibn Abjar. Les relations entre les deux entités étaient donc bonnes au départ, mais à la disparition d'Aksum vers 990 plusieurs populations côtières étaient déjà converties, ce qui engendrera quelques siècles plus tard le début de conflits entre les royaumes musulmans de la côte, comme le sultanat du Choa ou le sultanat d'Ifat, et le royaume d'Abyssinie de l'autre. Le Moyen Âge éthiopien commence avec l'effondrement d'Aksum durant le xe siècle, et une période de trois siècles de laquelle peu de choses subsistent. Vers 1140, les Zagwés du Lasta arrivent au pouvoir. Ils dominent initialement la partie septentrionale de leur province mais à partir du début du xiiie siècle, ils étendent leur contrôle sur le Tigray, le Bégemeder et l'actuel Wello. Il s'agit du début d'une résurgence de l'empire éthiopien avec cette fois le christianisme copte comme marqueur national, l'Église servant de soutien à la dynastie des Zagwés. Ainsi, des églises taillées dans la roche sont édifiées à Lalibela par Gebre Mesqel Lalibela, qui avait décidé de faire de cette ville la capitale de son empire.

Les Zagwés sont renversés à la fin du xiiie siècle par la dynastie salomonide, fondée par Yekouno Amlak. Cette dynastie, qui se réclame de la lignée des rois d'Aksoum, entreprendra pendant trois siècles la restauration progressive de l'hégémonie éthiopienne sur la région. Durant son règne, les motifs religieux servent de motifs, pour les dirigeants des deux religions, pour des guerres destinées à assurer leur prestige et leur domination. Ainsi, Amda Seyon Ier menacera le sultan mamelouk d'Égypte Nâsir Muhammad ben Qalâ'ûn de détourner le cours de Nil et d'autres représailles après que ce dernier eut repris les persécutions contre les coptes d'Égypte, ce qui mènera à de multiples guerres contre les sultanats côtiers tels que le Sultanat d'Ifat, le Hadiya, le Daouaro et les Agao qu'il remportera. Les règnes de ses successeurs, parmi lesquels ceux de David Ier d'Éthiopie (dont l'ambassade en Europe et à Rome donnera naissance au mythe du Royaume du prêtre Jean) et de Yeshaq Ier d'Éthiopie (qui tentera sans succès d'établir une coalition avec Alphonse V d'Aragon et Jean Ier de Berry), seront marqués par des guerres perpétuelles contre les voisins de l'Éthiopie, qu'ils soient païens ou musulmans mais aussi un renforcement progressif du royaume. La conversion des populations est un des recours les plus viables pour stabiliser les territoires conquis. Ainsi, Zara Yaqob, à la fin du Moyen Âge, convertit les habitants du Damot et du Godjam et participe aux débats théologiques.

En Nubie, la situation fut bien plus stable, et propice aux échanges commerciaux. La région est d'abord divisée entre AlodieMakurie et Nobatie. Cependant, le royaume de Makurie s'étend au viie siècle en annexant le royaume voisin de Nobatie à peu près à l'époque de l'invasion arabe ou sous le règne de Merkurios. Les premiers siècles du Moyen Âge sont en outre marqués par l'arrivée au pouvoir de musulmans en Égypte, qui domineront de façon épisodique la région. Les principautés de Makurie et d'Alodie avaient d'abord infligé une défaite cuisante lors du siège de Dongola aux troupes arabes menées par le général Abd Allâh ibn Saad ibn Sarh56, grâce à la supériorité de leurs archers. À la suite de cette bataille, un traité appelé Baqt est signé entre les deux parties. En l'échange d'une coopération commerciale et judiciaire avec les fugitifs, ainsi que de l'envoi régulier d'esclaves par les Nubiens, la paix fut globalement maintenue entre les différentes parties jusqu'au xiiie siècle. La seule exception fut lorsque la Makurie avait essayé de replacer les Fatimides sur le trône en Égypte peu après la conquête de Saladin en 1171, mais l'expédition est battue et Qasr Ibrim occupée. La Makourie déclina à partir de ce moment-là, et sombra peu à peu dans l'anarchie, en particulier après l'arrivée de Baybars et des Mamelouks au pouvoir en Égypte, qui relança la tentative de conquête par l'Égypte de la région. Des tribus arabes s'implantèrent dans la région, et celle des Awlad kenz prit le contrôle de la région couverte par la Makurie en 1412, qui s'islamisa progressivement sous leur influence jusqu'à la fondation du royaume puis Sultanat de Sennar, qui reconquit la Nubie en 1504 avant de se convertir à l'islam en 1523. Ce royaume se maintint dans la région, en dépit des convoitises ottomanes et éthiopiennes, jusqu'au xixe siècle.

Plus au Sud, la côte allant du Sud de la Somalie à Sofala est colonisée progressivement par des commerçants Arabes et Persans, en particulier par les Shirazi à Kilwa notamment. Ces élites marchandes exercent une forte influence sur les peuples bantous de la côte, donnant progressivement naissance à la culture swahilie dans les régions dominées. L'ensemble de la côte est ainsi convertie à l'islam d'ici au xiiie siècle, en grande partie parce que les musulmans échappaient à l'esclavage tandis que les kufra (infidèles) de l'intérieur des terres étaient régulièrement réduits en esclavage. La région prospère grâce au commerce oriental, et entretient de bonnes relations avec la Chine des Ming. Il s'agit d'une civilisation urbaine, et en grande partie insulaire, centrée autour des archipels de Kilwa, de Zanzibar et de Lamu et des villes côtières de MélindeMombasa ou Pate. Cependant, Kilwa prend rapidement l'ascendant et soumet les autres cités de la région, prospérant grâce aux commerces d’ivoire d’éléphants et d’hippopotames, de cornes de rhinocéros, de cuivre, d'écailles de tortue, de perles et grâce à l’or en provenance des mines de Sofala, dans l’actuel Mozambique. La région est visitée par Zheng He lors de ses voyages en Afrique en 1417-1419 et en 1431-1433, et il parvient jusqu'à Mélinde.