11-Novembre : les soldats africains « morts pour la France » incarnent le combat pour l’égalité

Comme chaque année, l’association internationale Mémoires & Partages organise une cérémonie d’hommage aux troupes coloniales enterrées dans les cimetières de Bordeaux.

Mis à jour le 11 novembre 2022 à 17:22
 
Karfa Diallo
 

Par Karfa Diallo

Conseiller régional Nouvelle-Aquitaine, fondateur-directeur de l'association Mémoires et Partages.

 

 soldats

 

Des tirailleurs sénégalais lors de la Premier guerre mondiale. © MP/Portfolio/Leemage via AFP

 

En cet anniversaire d’armistice où l’héritage des 300 000 soldats des colonies victimes de la Première Guerre mondiale est remis en cause par l’extrême droite à l’Assemblée nationale française, le souvenir de leurs sacrifices doit rester un puissant leitmotiv dans le combat pour l’égalité et la justice.

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Gageons que si le député du Rassemblement national Grégoire de Fournas, qui a hurlé « Qu’il(s) retourne(nt) en Afrique » à son collègue Carlos Martens Bilongo dans l’hémicycle, connaissait l’histoire de France, et plus précisément celle du département qu’il a l’honneur de représenter, il y réfléchirait à deux fois avant de briser les hypocrites efforts de « dédiabolisation » du parti de Jean-Marie, puis de Marine Le Pen.

Lieu de vigilance

C’est ici, en Nouvelle-Aquitaine, dans cette Gironde où le Front devenu Rassemblement national fait ses meilleurs scores, que se sont écrites des pages tragiques. Le port de Bordeaux, porte d’entrée de la Gironde, convoie dés le XVIe siècle les navires qui s’en vont arracher des centaines de milliers d’Africains à leurs terres, pour les déporter et les exploiter dans ces Antilles françaises où l’esclavage est pratiqué à grande échelle. C’est  tout naturellement que les infrastructures héritées de l’Ancien régime serviront ensuite à impliquer cette terre girondine dans l’exploitation coloniale.

L’installation du gouvernement français à Bordeaux, en 1914, le débarquement des Américains sur le port de la Lune, le Camp d’hivernage du Courneau sur le bassin d’Arcachon où gisent 940 tirailleurs sénégalais décimés par un bacille, et surtout les centaines de soldats des colonies enterrés dans plusieurs cimetières bordelais font de notre territoire un lieu de mémoire remarquable qui doit aussi être un lieu de vigilance antiraciste.

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Dans l’hommage qui sera rendu ce 11 Novembre 2022, cent quatre ans après la fin de la Première Guerre mondiale, aux 593 tirailleurs issus des anciennes colonies gisant dans trois cimetières bordelais – 302 tirailleurs sénégalais, 252 Indochinois, 31 Malgaches, trois Marocains, deux travailleurs coloniaux, un Algérien, un Tunisien et un Soudanais – il y a une exigence de justice. La célébration de l’armistice en 2022 vise à sortir de l’oubli ces soldats gisants en Gironde, associés pour le pire au destin d’une patrie lointaine, chimérique, et de plus en plus tentée par la haine et l’oubli.

Histoire glorieuse

Que des descendants de ces Africains investissent la citoyenneté et la représentation nationale pour servir avec honneur leur patrie d’adoption sans oublier les valeurs républicaines de fraternité qui ont fait de ce pays un creuset multiculturel exceptionnel, est bien l’arête qui restera à jamais en travers de la gorge d’un parti incapable de célébrer les apports de cette diversité au modèle démocratique hexagonal. L’omniprésence dans l’espace public des héritiers de ces anciens soldats des colonies, déterminés à assurer la transmission de cette histoire tragique mais glorieuse aux générations actuelles, est un des facteurs les plus remarquables de l’approfondissement de la démocratie française.

Nous devons continuer à renforcer la législation antiraciste et progressiste sur l’égalité. C’est la condition nécessaire d’un changement de culture pour démanteler le racisme structurel et dénoncer ceux qui utilisent les guerres culturelles comme prétexte pour maintenir leur suprématie.