L’étrange Europe de Viktor Orban
Editorial du « Monde » Depuis qu’il est revenu au pouvoir en 2010, le premier ministre hongrois, Viktor Orban, sait très habilement jouer des faiblesses européennes. Il alterne provocations et reculs calculés, tout en avançant sur le principe efficace du « deux pas en avant, un pas en arrière ». Reprise en main de la justice et des médias, attaques sur les investissements européens en Hongrie, menace de rétablissement de la peine de mort. A chaque fois, M. Orban questionne les valeurs de l’Union européenne, même s’il finit par renoncer, comme dans le cas de la peine capitale.
Avec la crise des réfugiés, le premier ministre hongrois multiplie diatribes et raccourcis à l’encontre de migrants qui menaceraient l’Europe chrétienne : « Ils nous submergent. Ils ne frappent pas à notre porte, ils l’enfoncent sur nous. » Le tout-puissant dirigeant hongrois ne se contente pas de paroles. Ses nouvelles lois criminalisent l’entrée illégale en Hongrie et le Parlement vient d’autoriser l’armée à utiliser des armes non létales contre des gens qui, pour une très large majorité, fuient un pays, leur pays, la Syrie, où ils sont la cible d’attaques de leur propre gouvernement : barils de TNT lancés depuis des hélicoptères, roquettes, obus de tous calibres.
Le Pape et les migrants mexicains
…Les propos récurrents du pape François en faveur des droits des migrants trouvent un fort écho au Mexique, pays que traversent chaque année 140 000 migrants dans l’espoir d’atteindre l’Eldorado américain. Le pape avait d’ailleurs songé à se rendre aux États-Unis à partir du Mexique en traversant à pied la frontière. Il a toutefois changé d’avis, estimant qu’il ne pouvait se rendre au Mexique sans rendre visite à la Vierge de Guadalupe, la sainte patronne des Amériques.
Mercredi 23 septembre, le pape a amorcé sa tournée américaine en se présentant comme « un fils de famille d’immigrants ». Des paroles appréciées par le P. Alejandro Solalinde, un prêtre mexicain, défenseur des droits de l’homme et directeur d’une auberge qui vient en aide aux migrants dans l’État de Oaxaca, dans le sud-ouest du pays. « Le pape a fait exactement la même chose que Jésus qui s’identifiait lui aussi aux migrants. Les États-Unis, c’est un pays de migrants, fondé par des migrants et qui recevra des migrants dans le futur. Les choses ne peuvent être autrement », estime-t-il.
Depuis New York, où il se trouve actuellement pour coordonner des rencontres entre le pape et des Mexicains victimes d’injustice, le P. Solalinde exprime ses craintes que le discours du pape devant le Congrès américain n’ait un effet limité dans le pays. « Les Républicains et les personnes les plus conservatrices des États-Unis ne perçoivent pas le pape comme un leader moral. Je crois que ce discours aura plutôt des répercussions ailleurs dans le monde », soutient-il. (Source: La Croix/25.09.15/ Nancy Caouette)
L’Europe chrétienne à l’heure des migrants
Une opinion d’Arthur Ghins, juriste et diplômé en philosophie. Doctorant en philosophie politique à l’université de Cambridge. Depuis le refus de l’Europe, en 2004, de toute référence explicite à son héritage chrétien dans le projet finalement avorté de Constitution européenne, on aurait été tenté de croire que la question de la place du christianisme dans la vie politique du Vieux Continent était définitivement enterrée. Les récentes sorties de certains responsables politiques se revendiquant du christianisme dans leur réponse à la crise des migrants montrent qu’il n’en est rien. Aux déclarations de Viktor Orban sur le danger que représente le flot de réfugiés musulmans pour l’identité chrétienne de l’Europe, a notamment succédé, le 3 septembre, celle de Donald Tusk sur la solidarité à laquelle nous invite le christianisme face à ceux qui sont dans la détresse. Tout se passe comme si, face à une situation limite, les Etats européens ressentaient le besoin de revenir à un cadre de référence commun que l’on croyait être irrémédiablement passé à l’arrière-plan. Voilà que différents partis tirent à eux la couverture du christianisme pour légitimer des lignes de conduite diamétralement opposées. Si ces déclarations ont le mérite de reposer la question de l’héritage chrétien de l’Europe, il n’est pas certain que la manière dont certains politiques la réintroduisent soit des plus heureuses. (Source: La Libre Belgique/24.09.15/)
Du Congrès à l’ONU, d’un discours du Pape François à l’autre
Entre deux grands discours, celui devant le Congrès à Washington et celui au siège des Nations unies à New York, vendredi 25 septembre, le pape François a prononcé d’autres allocutions, cette fois pastorales. Et devant des auditoires très différents.
À Washington, à peine sorti du Capitole, où l’avaient applaudi les élus américains, le pape a retrouvé des sans-abri dans l’église Saint-Patrick, au centre de la capitale fédérale. L’occasion d’une brève méditation, lue cette fois dans son espagnol natal – traduit en simultané – devant une assistance où siégeaient beaucoup de Noirs américains. Le « pape des pauvres » a cherché à soutenir leur foi et leur courage, comparant leur sort à celui de Joseph qui n’avait nul endroit où amener Marie lorsqu’elle devait enfanter. Avec eux, il a prié le Notre Père.
Mais ses propos ont eu aussi une forte tonalité sociale. « Nous ne pouvons trouver aucune justification sociale ou morale, aucune justification quelle qu’elle soit, pour le manque de logement », a-t-il déclaré : « Il y a beaucoup de situations injustes ».
En sortant de l’église, le pape a béni le repas offert aux démunis et souhaité un « bon appétit » avant de prendre congé pour gagner New York par avion. Là, il s’est retrouvé d’emblée au cœur de Manhattan, où une foule l’attendait – et un dispositif impressionnant de forces de police –, impatiente qu’il troque sa petite Fiat 500 pour une papamobile et les salue. Brièvement toutefois, pour des raisons de sécurité….
Sur la 5e avenue, le pape a été accueilli par le maire Bill DeBlasio devant un autre Saint-Patrick’s, plus connu : la cathédrale de New York. Un tout autre public l’y attendait. L’archevêque de New York, le cardinal Timothy Dolan, avait convié les riches donateurs de la toute récente restauration de ce qui est considéré comme l’église-mère des catholiques américains. Les prêtres et religieux du diocèse étaient aussi présents en nombre. C’est à eux que le pape François s’est adressé durant un office des vêpres très musical. En particulier aux religieuses américaines. « Femmes fortes, combatives ; armées de cet esprit de courage qui vous place en première ligne dans l’annonce de l’Évangile »…
Autre parole de réconfort, celle survenue après les crimes de pédophilie qui ont éclaboussé l’Église outre-Atlantique. « Vous avez beaucoup souffert dans un passé récent, en prenant sur vous la honte de certains de vos frères qui ont porté préjudice à l’Église et l’ont scandalisée dans les plus vulnérables de ses membres »…
Au début de l’office, le pape s’est aussi associé en prière à la souffrance de la communauté musulmane, endeuillée en pleine fête du sacrifice après la tragédie survenue plus tôt à La Mecque, qui a fait plus de 700 morts. (Source:la Croix/25.09.15/Sébastien Maillard)