Unir ses forces et ses énergies
pour les périphéries
(Petit Echo n° 1083)
La famille Lavigerie unit
ses forces et ses énergies
pour les périphéries
Le pape François appelle constamment l’Église à aller dans les périphéries et invite les hommes et les femmes consacrés à revenir aux racines de leur charisme et expérience fondatrice. Cela fait surgir les souvenirs de l’action audacieuse et courageuse de notre fondateur pour lutter contre l’esclavage en Afrique. En affrontant l’horreur de l’esclavage, il a crié : «Je suis un homme et rien d’humain ne m’échappe. Je suis homme et l’injustice envers d’autres hommes révolte mon cœur. Je suis homme, l’oppression indigne ma nature. Je suis homme, et ce que je voudrais que l’on fit pour me rendre la liberté, l’honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire, pour rendre aux fils de cette race infortunée la famille, l’honneur et la liberté » (Lavigerie, Chiesa del Gesù, Rome, le 23 décembre 1888). Etant ses enfants, nous ne pouvons pas être indifférents face à l’esclavage moderne, où les personnes sont victimes de la traite et de l’esclavage dans le travail forcé, la prostitution, la mendicité, l’enlèvement d’organes pour des sacrifices rituels et comme incubateurs de bébés. Lorsqu’ils ne sont plus utiles pour aucun de ces services, ils sont éliminés. Si nous restons silencieux face à ce traitement inhumain qui ne respecte pas leur dignité, les pierres, elles, crieront (Lc 19, 39-40).
Avant l’appel du pape François, nous avons célébré le 125e anniversaire de la campagne anti-esclavagiste du cardinal Lavigerie. Cela nous a rappelé un élément fondamental de notre charisme : la liberté et la libération des enfants de Dieu encore esclaves. Pour traduire cette célébration en une action concrète, nos coordinateurs et animateurs de JPIC-ED ont choisi de faire une action commune contre la traite des êtres humains en choisissant le 20 février comme jour commun de prière contre la traite. Plus tard, le pape François a déclaré le 8 février comme une journée internationale de prière et de réflexion contre la traite des êtres humains. Plutôt que de nous en tenir à notre date, nous nous joignons à cette journée internationale de prière.
D’autres événements familiaux importants ont eu lieu et se déroulent dans le cadre de la célébration du 150e anniversaire de la fondation de nos deux Instituts, du Chapitre général des missionnaires d’Afrique et de la réunion du Conseil élargi des SMNDA. Ce sont toutes des occasions qui nous ramènent à nos racines. Les deux derniers événements ont été des moments importants où nos deux Instituts ont fait des choix apostoliques : des migrants, des personnes déplacées, rencontre, soin de la planète, lutte contre l’esclavage moderne et la traite des êtres humains, tout ceci exprime notre souci commun d’être présent aux périphéries.
Conscient de la complexité de l’esclavage moderne qu’un groupe ne peut traiter tout seul, nous avons besoin de collaborer les uns avec les autres et de mobiliser des groupes laïcs associés à nos Instituts et d’autres groupes qui collaborent déjà et coopèrent avec nous dans cette entreprise. Par conséquent, lors de la réunion de nos deux Conseils généraux du 28 novembre 2016, nous avons décidé de faire un pas supplémentaire en avant. Conscient de notre connaissance limitée dans ce domaine, nous avons invité Sr Gabriella Bottani CMS, coordinatrice de Talitha Kum (un réseau de réseaux contre la traite des êtres humains) de l’UISG en collaboration avec l’USG, pour nous parler de ce sujet.
Ces réalités ont conduit la famille Lavigerie à une journée historique le 15 février 2017, lorsque les deux Conseils généraux, les provinciaux et les leaders canoniques d’entités de nos deux Instituts ont passé une journée fructueuse à la Maison généralice des missionnaires d’Afrique. L’apport de Sr Gabriella nous a aidés à réfléchir sur la façon d’envisager ce ministère ensemble. Nous sommes devenus plus conscients de la situation alarmante de l’esclavage dans notre monde d’aujourd’hui, il touche même les enfants, et plonge encore plus de personnes dans l’esclavage plus que jamais dans l’histoire, et cela ne cesse d’empirer. Il existe un lien entre l’exploitation de la nature et l’exploitation de la vie humaine. Il existe également une corrélation directe entre la migration et le trafic humain car 44 à 50% des personnes sont induits dans la traite des êtres humains pendant le processus de migration. Le pourcentage le plus élevé de victimes de la traite se situe dans le pays même ou dans les pays voisins, en comparaison avec ceux qui sont victimes de la traite transnationale ou intercontinentale. C’est un secteur en plein essor pour les criminels, avec des bénéfices énormes et sans risques ou très peu. Il importe non seulement de poursuivre les trafiquants, mais aussi de prévenir la traite elle-même.
Pour lutter contre le trafic, nous devons nous engager dans la mise en réseau, le plaidoyer, la prévention et la protection. En effet, nous avons réfléchi en groupes sur les défis et les appels à travailler dans ces quatre domaines, ils ont ensuite été énoncés dans la lettre envoyée par nos deux Supérieurs généraux. En fait, la mise en réseau est un moyen nécessaire qui aide les groupes et les organisations à réunir leurs ressources, leurs forces, leurs idées, leurs compétences et leurs énergies afin de fournir une protection, un plaidoyer et une prévention aux personnes à risque et à ceux qui sont pris dans ce cercle de souffrance inhumaine. Comme étape suivante, nos leaders ont ensuite travaillé dans des groupes géographiques afin d’élaborer des plans d’action conformes à leurs contextes, pour aider nos communautés à travailler ensemble à leur mise en œuvre.
Cette réunion a également été l’occasion d’adapter aux différents contextes de nos Instituts, les propositions du Comité de coordination pour le 150e anniversaire de la fondation de nos Instituts. On a vu que cette célébration est un appel à vivre notre charisme avec passion en luttant contre la traite dans le monde d’aujourd’hui.
Le fait de choisir de lutter contre la traite des êtres humains qui est l’esclavage moderne signifie que nous sommes entrés dans la peau de notre fondateur qui a risqué sa vie en s’opposant à l’esclavage de son temps. Il a mis fin à l’esclavage en collaborant et en établissant des réseaux avec d’autres. Ainsi, si nous voulons réussir dans notre lutte pour mettre fin à la traite des êtres humains, nous devons collaborer et nous mettre en réseau avec d’autres, car les trafiquants des humains eux-mêmes piègent leurs victimes grâce à un réseau sophistiqué.
Maamalifar M. Poreku, Soeur Missionnaire de ND d'Afrique