Le contexte
Il y a actuellement un millier d'enfants vivant dans la rue à Ouagadougou. Dont 300 filles, vivant pour la plupart de la prostitution.
Il semblerait qu'il y en a bien plus, car lorsqu'on se promène en ville, on en voit des centaines vendant des « lotus », des cartes de téléphone, des chewing-gums... C'est la nuit qu'on peut se rendre compte de ceux qui vivent réellement dans la rue, car beaucoup des enfants qu'on rencontre dans la journée retournent le soir dans leur famille.
Les « vrais » enfants vivant dans la rue sont ceux qui y dorment. Parce qu'ils n'ont pas de famille, ou parce qu'ils ont fait le choix d'en partir.
D'où viennent-ils ? Et pourquoi sont-ils venus ?
Ils peuvent venir de loin, comme de près. Des villages ou des villes lointaines, comme des zones « non loties » de Ouagadougou : où il n'y a pas d'eau ni d'électricité, ni de services, et où les parcelles de terrain sur lesquelles on vit sont très provisoires. De zones qui vont en s'élargissant de par l'afflux des familles vers la ville, ou à cause de projets du genre « Projet Z.A.C.A. » - Zone d'Activité Commerciale et Administrative - qui a rasé de nombreux quartiers anciens du centre ville où vivaient des familles à revenu modeste, pour y construire (quand ? car on ne voit encore rien vraiment pousser) des bureaux, des banques, des hôtels... repoussant les populations humbles vers la périphérie de la capitale.
Ils peuvent venir, la plupart, de familles pauvres.
Mais il y a aussi des parents qui ne sont pas pauvres et ne s'occupent pas de leurs enfants.
Il y a surtout, et on le constate de plus en plus, des enfants issus de familles où la mésentente entre les parents, le divorce, le décès d'un ou des deux parents, fait que les enfants ne se sentent pas aimés, ni désirés. Il arrive même qu'on les encourage à partir chercher du travail ailleurs qu'au village.
Il y a aussi des cas de maltraitance.
Nombreux sont ceux qui ont été placés dans des écoles coraniques parce que les parents n'avaient pas assez de moyens, et qui ont fui du fait de l'exploitation dont ils étaient les victimes.
Il y a aussi l'illusion, le rêve qui fait que des enfants, regardant des films dans les vidéoclubs de leurs villages, ou voyant certains revenir de la ville bien habillés, pensent que la vie « moderne » est ce qu'il y a de mieux, et qui rêvent de cinéma, d'habits, de bonne nourriture, et qui bien entendu ont tôt fait de déchanter une fois rendus à Ouagadougou. Mais il est alors souvent trop tard.
Nous avons ainsi parmi ceux qui cheminent avec nous un jeune qui a quitté son village il y a 10 ans, et qui en a maintenant 17. Il y est retourné pour la première fois au mois de juin 2005. Il ne reconnaissait même pas les lieux... Plus grave, il ne reconnaissait pas la maman non plus, et réciproquement. Il a fallu procéder a certains recoupements grâce à un des anciens du village pour qu'on puisse enfin situer ce jeune ayant tellement changé : en effet, quelle éducation a-t-il reçu depuis l'âge de sept ans et pendant dix ans, sinon celle de la rue, qui est simplement une éducation à la survie, combien nécessaire il est vrai, mais où l'écoute de l'autre, le service, la délicatesse, la régularité, la discipline personnelle, ne sont pas parmi les priorités.
De nombreuses associations travaillent avec ces enfants. Il reste beaucoup à faire pour coordonner les activités et avoir ainsi plus d'activités. Il y a aussi un grand besoin de prévention pour réduire le flux des enfants, et des familles, vers la ville.
Une prochaine fois, nous parlerons de l'Association Taab Yinga, où les Missionnaires d'Afrique travaillent aux côtés de laïcs burkinabè depuis plusieurs années pour aider à la réinsertion des enfants actuellement dans la rue à Ouagadougou. « TAAB YINGA » se traduit littéralement par « les uns pour les autres », ou autrement dit « Solidaires ».