"I Feel Good", un film sur un village Emmaüs
où on se sent bien !
(Article pris sur le site de la revue "Le Pèlerin")
I Feel Good, film qui vient de sortir avec Jean Dujardin, s'inspire du village Emmaüs de Lescar-Pau (Pyrénées-Atlantiques), fondé en 1982. Visite de ce lieu qui réinsère les plus exclus par le travail et propose un nouveau modèle de société.
À propos de l'article
- Créé le 25/09/2018
- Publié par :Texte : Félicité de Maupéou / photos : Ulrich Lebeuf /MYOP
- Édité par :Sabine Harreau
- Publié dans Pèlerin
n°7087 du 27 septembre 2018
Plus grande communauté Emmaüs de France, le village compte 130 compagnons
et une quinzaine de salariés. Il s'étend sur plus de 11 hectares à la périphérie de Pau.
Ses aires de jeux, restaurant, bar, épicerie attirent tous les jours des gens de la région.
Germain Sahry (à g.) a créé ce lieu en 1982, avec l'idée de mêler à la mission
traditionnelle de solidarité d'Emmaüs un projet politique. Écologiste et altermondialiste,
il soutient également le mouvement pro-palestinien et la Bolivie d'Evo Morales,
via des partenariats économiques et culturels.
Outre l'activité de récupération et de revente de meubles, vêtements,
livres… Le village a développé de nouveaux secteurs, comme la ferme.
Ici, tout le monde est accueilli sans condition. Les seules règles sont de travailler et
de ne pas être violent. Les arrivants sont souvent isolés affectivement, il y a aussi de
plus en plus de personnes sans papiers. Logés, nourris, blanchis, les compagnons
reçoivent entre 400 et 500 euros tous les mois.
Divorce, chômage, alcool… « La reconstruction d'une personne profondément
blessée est difficile. Elle passe par le fait de bien se nourrir, de vivre dans un
bel endroit… », explique Germain Sahry. Il se définit comme le « porteur du projet »,
mais le village compte aussi un maire et sept conseillers municipaux élus.
Les décisions sont discutées et votées au réfectoire.
À leur arrivée, les compagnons sont logés dans des chambres individuelles ;
puis, après deux ou trois mois, dans des mobile homes ; enfin, après un an,
dans l'une des quarante maisons bariolées, au style éclectique, du village.
Les branches de l'arbre du climat accueillent les espoirs des passants
inscrits sur un tissu. Donné par le village mondial des Alternatives de
la COP21, il trône à l'entrée. Ici, les maisons sont construites en
matériaux écologiques et l'agriculture est bio.
Le village fait son propre miel. Après des années de galère,
beaucoup apprennent un métier à la ferme, à la menuiserie
ou à l'atelier de mécanique. Le village pourrait accueillir bien
plus de monde, mais la vie en communauté, dans cet endroit
un peu isolé, s'avère parfois difficile. Cela en rebute certains.
D'autres aimeraient partir mais ne savent pas où aller.
À la ferme, le travail ne manque pas. « Nous ne sommes pas une
structure humanitaire qui assiste », prévient Germain Sarhy, critiquant
la politique sociale du RSA (revenu de solidarité active), « un revenu
instauré pour avoir la paix sociale mais qui condamne les gens à
l'inutilité et les désociabilise. Avant, on venait ici car on n'avait pas
le choix économiquement ; aujourd'hui, c'est davantage en raison
d'une dégradation sociale et affective », constate-t-il.
Tous les jours, 1 500 personnes arpentent les allées de l'immense
brocante Emmaüs. Les fins connaisseurs accourent même vers les
bonnes affaires dès l'ouverture. Refusant les subventions, le village
est aussi une vraie réussite économique, avec un chiffre d'affaires
de 3,5 millions d'euros par an !
A propos du film I Feel Good Elle, c'est Monique (Yolande Moreau), alter ego féminin de Germain, |
« Ébloui par cet endroit, où l'on voit qu'un autre système est possible »,
le photographe Ulrich Lebeuf, membre de l'agence MYOP et directeur
artistique du festival de photo MAP, est rentré du village,
un sac rempli de produits bio de la ferme.