- Dix questions pour les parlementaires et membres de la Commission Européenne
Bonjour Père Jacques!
Je… vais rencontrer quelques parlementaires et des membres de la Commission Européenne (Développement- Gestion durable des ressources naturelles) les 7 et 8 mai prochains. Vous avez peut-être des questions ou interpellations que nous pourrions apporter dans ces entretiens : au sujet de l’agriculture, de l’eau ou des minerais, des agrocarburants, du marché du carbone, du transfert de technologie. Que pensez-vous du soutien de l’UE aux projets de ‘développement’ en Afrique de l’ouest ? Est-ce que les choix de l’UE répondent aux priorités des habitants ? Quelles sont les urgences des prochaines années, au Burkina, et dans les autres pays d’Afrique de l’ouest ?
Mes questions sont volontairement un peu vastes pour ouvrir le champ des réflexions. Vos questions peuvent être pointues/précises.
Merci pour votre contribution. Je sais que votre charge est importante. Je sais aussi que ces entretiens sont importants car ils peuvent être les premiers d’une série si nous réussissons un bon contact ; et qu’à terme, cela pourra porter du fruit pour le quotidien des africains. C’est l’objectif.
A bientôt
(Les noms ont été supprimés)
Question 1 : l’aide détournée
Comment, quelles procédures envisagez vous pour qu’une aide arrive à celles et ceux à qui elle est destinée ?
Qu’elle ne se transforme pas en 4x4, séminaires avec per diem, bâtiments inutiles, fonctionnaires désoeuvrés, détournements par les autorités et administrations (déguisés ou pas) ?
En particulier l’aide destinée aux paysans et agriculteurs.
(Au Burkina, même les tracteurs donnés par l’Inde sont détournés au profit des barons du régime, puis le dossier est confié à la justice et enterré.)
Question 2 : l’agriculture familiale
Pourquoi avez-vous si longtemps méprisé l’agriculture familiale – avec la complicité des dirigeants africains --
Qui pourtant seule peut freiner l’exode rural, le grossissement des villes sous-équipées et l’émigration vers l’Europe
Qui seule peut permettre la souveraineté alimentaire (et l’auto suffisance alimentaire) ?
Qui seule peut permettre un réel décollage économique (transformation, distribution, mécanisation progressive, etc…)
Dans la crise alimentaire qui se prépare, renforcée par la spéculation – partie intégrante du système économique que vous prônez – que comptez vous faire pour l’aider à se développer ?
Question 3 : les produits africains d’exportation
Pourquoi avez-vous toujours encouragé de la part de l’Afrique les seules exportations de produits bruts sans valeur ajoutée, sans lui donner aucune chance réelle pour des produits transformés (sauf quand ils passent par les multinationales du Nord) ?
Question 4 : la libéralisation des services (et les privatisations)
Pourquoi, dans le cadre des APE, vouliez vous libéraliser les services ? Quels intérêts l’Europe défend elle dans ce contexte : le seul enrichissement des multinationales du Nord avec asservissement des services de l’eau, de l’énergie…, ou bien le « développement durable » de l’Afrique (qui puisse enfin décoller) ?
Question 5 : La « politique africaine » de l’Europe
L’Europe a-t-elle une préférence pour les « dirigeants durables et enrichis » ou pour les peuples d’Afrique ? La Françafrique et les réseaux (Bolloré, Roussin, Total, Bongo…) quels rôles jouent-ils (leur capacité de lobbying et de corruption) pour déterminer les politiques européennes en matière de développement ?
Question 6 : A propos des APE
Dans le cadre des APE, les dirigeants européens eux-mêmes reconnaissent que les précédents accords (Lomé, Cotonou) ont failli ; des accords commerciaux asymétriques et la dimension développement en faisaient pourtant partie… Qu’en sera-t-il d’accords réciproques et sans définition d’une quelconque dimension développement ?
Souhaitez vous vraiment une catastrophe pour l’Afrique ?
Question 7 : à propos des OMD
Les OMD deviennent chaque jour de plus en plus un phantasme, une illusion, un effet d’annonce. Que comptez vous faire pour que la santé (prévention… paludisme, tuberculose et autres…) l’éducation (scolarisation massive…pour définitivement faire reculer l’ignorance) l’accès à l’eau et à la nourriture, les droits économiques et sociaux soient réellement mis en œuvre (sachant que ces questions n’intéressent les dirigeants locaux que dans la mesure où leur pouvoir s’en trouve menacé) ?
Question 8 : les agrocarburants
L’Europe voulait développer les agrocarburants et visait des terres en Afrique par l’intermédiaire de sociétés pas toujours « claires ». Où en est elle a présent ? Mesure t elle l’enjeu des conséquences de cette politique ?
Question 9 : les OGM
De grandes sociétés multinationales ont convaincu (comment ?) les dirigeants du Burkina d’hypothéquer le pays par le coton Bt (OGM). Etes vous prêts à faire le même effort pour nous aider à développer le « coton bio » ?
Question 10 : politique l’eau pour la « bande sahélienne »
Pour « sauver le Sahel », il s’agit d’abord d’y sauver les bas-fonds par de multiples retenues d’eau ? (fixer les populations, cultures de contre saison et promotion de l’élevage) Etes vous prêts à faire un effort en ce sens ?
Question subsidiaire (pas d’obligation d’y répondre) : motivations politiques
Aimez vous assez l’Afrique pour vouloir son développement propre ; ou est ce la peur de l’arrivée de la Chine et des US qui vous motive éventuellement aujourd’hui ?
Demande de pardon : Il m’a toujours été dit que j’aurais pu faire à peu près tous les métiers sauf diplomate ! Merci de pardonner mon langage trop direct mais d’y lire les questions de fond que j’essaie de soulever.
Koudougou, le 25-4-2008
Père Jacques LACOUR
Article paru le 13 mai 2008
dans le Journal "Le Pays" (édition papier)
rubrique: droit dans les yeux
et repris sur lefaso.net, le même jour