Côte d’Ivoire : les autorités changent de stratégie
dans la lutte contre l’orpaillage clandestin
En Côte d’Ivoire, les autorités s’organisent au mieux pour faire face à l’orpaillage clandestin, un phénomène jadis circonscrit au nord du pays mais qui gagne aujourd'hui presque toutes les régions.
Un contingent de gendarmes missionnés par la Brigade de répression des infractions au code minier (BRICM) prend position dans les encablures du village de Booré Etienkro, dans le centre du pays (Dimbokro), au cœur du pays baoulé, ce mardi 27 août. Ils lancent une offensive contre une mine illégale, créée il y a plusieurs années et jusque-là tolérée. Bilan : sept orpailleurs clandestins présumés sont interpellés, un fusil artisanal de type calibre 12 et 101 boulettes de cannabis sont saisis.
Complicités dans l’administration ?
Quatre jours plus tôt, une opération similaire s’était déroulée dans le Sud-Ouest (Grabo). Si les gendarmes ont réussi à détruire seize dragues érigées, en dehors de toute procédure, sur le fleuve Cavally, ils n’ont pu mettre la main sur aucun orpailleur. Les orpailleurs clandestins avaient eu le temps de fuir, ayant vraisemblablement été prévenus par des complices au sein de l’administration ou des forces de sécurité.
L’échec de cette opération a conduit les autorités à changer leur stratégie. Pour l’opération à Dimbokro, la BRICM a ainsi agi dans la plus grande discrétion. Les gendarmes, partis d’Abidjan, ne savaient pas exactement où ils se rendaient, ni pour quelle opération ils avaient été missionnés, en pleine nuit.
Travail des enfants
Ce n’est qu’à Dimbokro, chef-lieu de la région du N’Zi, où ils sont arrivés au petit matin, qu’ils ont été informés de leur mission exacte : démanteler les mines clandestines de la zone. Le nombre de mines sauvages est imprécis, mais à l’échelle nationale, la Présidence en a dénombré un millier. Plus de 500 000 personnes tireraient leur revenu de ces mines, parmi elles, des enfants travaillant dans des conditions inhumaines. Ainsi, dans cette région du Centre, les services de Jean-Claude Kouassi, ministre des Mines et de la Géologie, ont dénombré plus de 200 enfants travaillant dans des mines artisanales exposées à des éboulements mais aussi à la drogue et la prostitution.
Début juin, Henri Konan Bédié, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), natif de la région de l’Iffou, voisine de celle du N’Zi, et particulièrement touchée par le phénomène, avait maladroitement critiqué l’inaction des autorités face à l’implantation des mines illégales. Il avait accusé le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP au pouvoir) de « hold-up sur la Côte d’Ivoire sous le couvert de l’orpaillage ». L’ex-chef de l’État avait été vivement critiqué par le pouvoir qui l’a accusé de vouloir ressusciter le débat sur l’ivoirité.
Dans le fond, l’orpaillage clandestin pose un vrai problème de santé publique dans le pays. En effet, dans une note transmise aux députés, en vue de la ratification de la Convention de Minamata (Japon) sur le mercure, le président Alassane Ouattara pointait « les effets néfastes du mercure sur les populations vulnérables (femmes et enfants) constamment exposées à ses effets néfastes, en raison de la manipulation et du chauffage de ce métal », précisant que « le mercure est un métal lourd très toxique, dangereux pour la santé et pour l’environnement. Il s’accumule dans l’organisme, où il peut notamment provoquer des troubles des systèmes nerveux, immunitaire ou reproducteur ».
Éradiquer le phénomène
Fin juillet, le président ivoirien avait, à Ouagadougou, mis sur la table des sujets à débattre avec son homologue burkinabé, Roch Marc Christian Kaboré, la question de l’orpaillage illégal, du fait d’une forte présence de ressortissants burkinabé, dans ce milieu, en Côte d’Ivoire.
Depuis, les autorités ivoiriennes multiplient les actions, en vue d’éradiquer le phénomène. Des actions saluées par certains, mais pour lesquelles d’autres restent réservés.
« Il est urgent d’attaquer le problème à la racine. En clair, les autorités doivent aller plus loin dans la répression, en sanctionnant les autorités préfectorales qui tolèrent les mines qui ne se cachent pas pour certaines, les propriétaires terriens qui cèdent leurs propriétés, ainsi que les forces régaliennes qui laissent faire », explique le journaliste Jules Claver Aka, natif de la région du Moronou, au centre du pays, également touchée par le phénomène.
De son côté, le ministre des Mines et de la Géologie entend maintenir le cap de la répression. Son objectif : « obtenir un résultat qui nous honore tous et qui grandisse la Côte d’Ivoire ».