L’Afrique subsaharienne s’enlise dans une croissance faible
et des inégalités persistantes

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Guerres commerciales, incertitudes géopolitiques, baisse des prix des matières premières et ralentissement des réformes affaiblissent la croissance en Afrique subsaharienne, alerte la Banque mondiale.

Dans son rapport Africa’s Pulse qu’elle publie ce 9 octobre, la Banque mondiale dresse un tableau mitigé de la conjoncture subsaharienne. Certes, elle s’attend à une croissance de 2,6 % en 2019, contre 2,5 % en 2018, mais cette performance est inférieure de 0,2 point de pourcentage aux prévisions d’avril. Une accélération à 3,1 % serait possible en 2020, mais là encore en retrait de 0,2 point par rapport aux prévisions antérieures.

« Les économies africaines subissent, elles aussi, les contrecoups de la conjoncture internationale, ce qui se traduit par une croissance modérée dans l’ensemble de la région », indique Albert Zeufack, économiste en chef de la Banque mondiale pour l’Afrique.

Les guerres commerciales déclenchées par les États-Unis et le ralentissement du commerce international qui en résulte provoquent une baisse de la demande pour les matières premières – hormis pour les métaux précieux – et donc un recul de leurs prix, ce qui réduit les recettes d’exportation et le dynamisme économique.

Une croissance plombée par l’aléa politique

Ces incertitudes croissantes découragent les investissements en Afrique et l’afflux de capitaux étrangers ralentit.

La mollesse des économies nigériane (+2 % cette année et +2 ,1 % en 2020), sud-africaine (+0,8 % et +1 %) et angolaise (+0,3 % et +2,2 %) n’est pas vraiment compensée par le dynamisme des dix pays qui dépassent les 5 % de croissance : Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Éthiopie, Ghana, Guinée, Kenya, Rwanda, Sénégal, Tanzanie et Ouganda.

L’extrême pauvreté va devenir un phénomène presque exclusivement africain à l’horizon 2030

« La faiblesse de la croissance dans les pays d’Afrique est clairement corrélée à la faiblesse de gouvernance et les responsables publics et les citoyens doivent placer la transparence et l’efficacité des institutions au cœur de leurs priorités », poursuit M. Zeufack.

Insuffisante lutte contre la pauvreté

La montée des déficits budgétaires et commerciaux se traduit par un endettement croissant au point que le nombre des pays plus ou moins en difficulté de ce point de vue a presque doublé.

Le rapport accorde une grande place à la lutte contre la pauvreté en Afrique, qu’il juge insuffisante : « En 2015, quatre Africains sur dix, soit plus de 316 millions d’individus, survivaient avec moins de 1,90 dollar par jour », y est-il souligné. « Fautes d’initiatives d’envergure pour créer des débouchés économiques et atténuer les risques encourus par les pauvres, l’extrême pauvreté va devenir un phénomène presque exclusivement africain à l’horizon 2030 », peut-on encore y lire.

Le rapport note que les pauvres sont majoritairement ruraux (82 %) et jeunes (50 % ont moins de 15 ans).

Les inégalités entre les sexes pointées du doigt par la Banque mondiale

Pour lutter contre les causes de cette paupérisation, la Banque recommande de réduire la fécondité (5,1 enfants par femme en 2010-2015), d’accroître la productivité des cultures vivrières de base pour répondre à la demande en hausse des zones urbaines, d’inciter les pouvoirs publics à consacrer une part plus grande de leurs budgets aux moins favorisés et, surtout, de combattre les inégalités entre les sexes qui privent l’Afrique d’un atout de développement irremplaçable.

Les cheffes d’entreprise gagnent 34 % de moins que leurs homologues masculins

« L’Afrique subsaharienne est la seule région du monde à pouvoir se targuer d’avoir plus de femmes au profil entrepreneurial que d’hommes, sachant que les Africaines jouent un rôle clé dans l’agriculture sur le continent », note le rapport.

Mais les écarts de rémunération importants et persistants effacent cette singularité : les agricultrices produisent 33 % de moins par hectare que les agriculteurs et les cheffes d’entreprise gagnent 34 % de moins que leurs homologues masculins ».

Selon la Banque, l’autonomisation économique des femmes passent par l’emploi de six « leviers politiques » : un renforcement de leurs compétences, un meilleur accès aux financements, un plus grand respect de leurs droits fonciers, un accès plus facile au monde du travail, une modernisation des normes sociales qui entravent leurs perspectives professionnelles et une protection accrue des adolescentes.