Les paysans sont-ils les plus malheureux des hommes ? Dans nos pays du Nord, on les montre du doigt à cause de leurs manières de cultiver : irrigations excessives, productions intensives, pollutions des sols. Au Sud, les problèmes sont différents. Là, il s’agit de l’accès à la terre, à l’eau et bientôt le libre accès aux semences. Les paysans sont-ils complices ou victimes de l’évolution de l’agriculture depuis un demi-siècle ? Ou sont-ils coupables de n’avoir su dire non quand ils pouvaient le faire encore ? Ne faut-il pas chercher d’autres responsabilités du côté des industriels comme des législateurs ?
Mais les paysans du Sud et du Nord souffrent d’un même mal : la mainmise des semenciers sur la biodiversité, aidés en cela par une législation complaisante. Pour défendre le droit d’accès aux semences, il est essentiel de soutenir une vision radicalement différente de celle de l’agro-industrie considérant les semences comme propriété exclusive.
Partout dans le monde et depuis toujours, les paysans sèment, récoltent, sélectionnent et ressèment pour la prochaine saison. Ils savent que par l’échange de leurs semences, ils les améliorent et diversifient leurs cultures. En Afrique aussi, dans les sociétés paysannes, la semence est restée un élément culturel, social, voire spirituel. Elle ne se vend pas, elle s’échange, se transmet. Les variétés voyagent. Cette autonomie dans l’action permet aux paysans d’assurer, bon an mal an, la nourriture de leur famille.
Certes, pour une bonne production, il faut de bonnes semences ! Souvent, dans le Sud, prix et disponibilité limitent l’accès des agriculteurs à des semences de qualité. De nombreux paysans recourent au secteur informel pour trouver des semences, et ils les stockent d’une année sur l’autre. Le commerce officiel, qui commercialise des semences améliorées, certifiées par les autorités réglementaires, n’est pas toujours adapté aux paysans pauvres.
Des chercheurs de l’Institut international pour l’environnement et le développement (IIED) signalent la menace que fait peser sur la biodiversité le contrôle croissant des entreprises sur ce secteur. Les variétés traditionnelles « sont remplacées par une gamme plus restreinte de semences modernes, fortement promues par les firmes et subventionnées par les gouvernements ». Ils ajoutent : « L’utilisation de ces semences a un coût car celles-ci exigent plus d’intrants et sont plus sensibles aux parasites et maladies. » La semence est entrée dans une logique de privatisation, avec des règles imposées au niveau international — via l’OMC — mais aussi avec des règles qui sont en train d’être imposées au niveau de la région Ouest Africaine. Cela se transforme d’ailleurs en une question de souveraineté nationale, sous régionale, continentale. Le risque est présent tant que les lois criminalisent l’utilisation des semences traditionnelles, donnent la propriété des semences aux multinationales.
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