Le sommet de Pau, «une clarification» quant à la présence française au Sahel
Reporté en raison de l’attaque d’Inates survenue le 11 décembre, le sommet consacré à la situation au Sahel se tient ce lundi 13 janvier à Pau cinq semaines après l’invitation d’Emmanuel Macron à ses homologues sahéliens. Après la mort fin novembre de 13 soldats français au Mali, l’Élysée attend de leur part « une clarification » quant à la présence française sur place, à l’heure où le sentiment anti-français semble de plus en plus diffus au Mali et au Burkina Faso.
Une demande de clarification qu’un Emmanuel Macron, visiblement agacé par la montée du sentiment anti-français, formule fermement le 4 décembre à l’adresse des présidents des pays du G5 : « J’attends d’eux qu’ils clarifient et formalisent leur demande à l’égard de la France et de la communauté internationale. Souhaitent-ils notre présence ? Ont-ils besoin de nous ? Je veux des réponses claires et assumées sur ces questions ».
Le ton employé crée la controverse. L’invitation adressée aux présidents sahéliens à participer à un sommet à Pau est rapidement perçue par certains comme une convocation. Le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré ne cache d’ailleurs pas son irritation devant cette façon de faire. « Le partenariat doit être respectueux des uns et des autres et je crois que cela est très important, a-t-il affirmé. J’estime que le ton et les termes utilisés avant l’invitation posent des problèmes, parce que ça, c’est le contenu des débats qu’on doit avoir ensemble. »
Vers un apaisement
Mais les esprits vont s’apaiser dans les chancelleries sahéliennes après que Christophe Bigot, l’envoyé spécial pour le Sahel, ait été dépêché dans les différentes capitales. L’hommage qu’Emmanuel Macron vient rendre le 22 décembre à Niamey aux 71 soldats nigériens tués dans l’attaque d’Inates contribue également à calmer la gronde. Avant cela, le président nigérien Mahamadou Issoufou avait plaidé sur RFI pour une intervention française renforcée dans la région : « Nous avons besoin de plus de Barkhane, nous avons besoin de plus d’alliés. C’est ma conviction, parce que ceux qui critiquent la présence française ou la présence des alliés dans le Sahel oublient que, sans l’intervention Serval, le Mali serait aujourd’hui sous le contrôle des terroristes, peut-être le Niger aussi. Alors, imaginons que Barkhane s’en aille, ça va affaiblir notre lutte, ça va affaiblir notre camp. Au profit de qui ? Au profit des terroristes ».
En écho, plusieurs autres déclarations de soutien à l’intervention française vont suivre de la part des autorités maliennes et burkinabè. Des prises de parole saluées aujourd’hui par Paris. Dans l’entourage du président Macron, on dit se féliciter d’un « rééquilibrage du discours public » et de ces « contre-feux assez robustes allumés par les autorités sahéliennes pour faire face au narratif anti-Français ». La clarification voulue par Paris semble donc bien engagée.
« Il y aura une déclaration commune entre les chefs d’État du G5 Sahel et la France pour réaffirmer la nécessité de poursuivre cette lutte-là en commun et même d’élargir les forces qui devraient participer à cette lutte contre le terrorisme, déclare Kalla Ankourao, le ministre nigérien des Affaires étrangères. D’après tout ce que nous avons fait depuis quatre semaines, les choses ont été bien clarifiées. Nous savons désormais les décisions que nous allons prendre à Pau et, croyez-moi, les choses ne seront plus comme avant. Les difficultés vont être derrière nous, surtout qu’il y a des repères, un agenda. Il y a un tableau de bord pour mettre en œuvre tout cela. »
Un recentrage des opérations militaires
Outre la réaffirmation du soutien à l’intervention française, cette déclaration commune actera également un recentrage des opérations militaires sur des objectifs précis. Dans ce cadre, Barkhane devrait désormais concentrer ses efforts sur la zone dite des 3 frontières, cible récurrente des attaques jihadistes ces derniers mois. En intervenant sur une zone plus restreinte, l’objectif est d’obtenir des résultats plus visibles. Si le départ de Barkhane n’est donc pas à l’ordre du jour, la question de son maintien sera étudiée dans 6 mois, en fonction, explique-t-on à l’Élysée, des résultats obtenus sur le terrain et du respect des engagements pris par les présidents sahéliens.
Les présidents français et sahéliens dîneront ensuite ce lundi 13 janvier au soir avec Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, ainsi qu’avec plusieurs personnalités de l’Union européenne et de l’Union africaine. Au menu des discussions : la mobilisation internationale sur cette question sahélienne, et ce à l’heure où les États-Unis réfléchissent à se désengager militairement de la région.
Dans sa pharmacie, Allaye Bocoum reçoit une commande de médicaments et les répartit sur les présentoirs. C’est dans son bureau à l’arrière que le docteur suivra les conclusions du sommet de Pau.
■ Une journée en trois temps
La journée de ce 13 janvier va se dérouler en trois temps. Première étape : une cérémonie d'hommage en début d’après-midi aux sept soldats du 5e régiment d’hélicoptères de combat (RHC) de Pau tués le 25 novembre au Mali dans un accident d’hélicoptères. Geste fort : les six chefs d’État, rassemblés sur la base du régiment, déposeront ensemble une gerbe en mémoire de ces militaires disparus.
Le véritable temps fort de la journée, le sommet en lui-même aura lieu dans la foulée, à partir de 16h30. Les six présidents s’entretiendront d’abord à huis clos avant que la réunion ne soit élargie aux ministres des Affaires étrangères et de la Défense, aux chefs d’état-major des armées et aux chefs des services de renseignement des différents pays.
La rencontre se clôturera en début de soirée par une conférence de presse commune. À l’issue, les présidents français et sahéliens participeront à un dîner de travail en compagnie d’Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, de Charles Michel, le président du Conseil européen, de Josep Borrell, le haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, de Moussa Faki, le président de la Commission de l’Union africaine et de Louise Mushikiwabo, la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie.