Côte d'Ivoire: une cour africaine juge les commissions électorales «déséquilibrées»
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La Cour africaine des droits de l'homme (CADH), qui avait été saisie par l'opposition ivoirienne, a estimé ce mercredi que la mise en place des commissions électorales locales en Côte d'Ivoire était déséquilibrée en faveur du parti au pouvoir, à trois mois de la présidentielle.
La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a rendu un nouvel arrêt au sujet de la Commission électorale indépendante (CEI) ivoirienne. Il est sévère à l'endroit de l'État de Côte d'Ivoire qui n’a pas « pleinement rempli les obligations qui lui incombent de garantir la confiance du public et la transparence dans les affaires publiques », selon la Cour.
Cela ressemble à un nouveau camouflet pour le pouvoir à 100 jours de l'élection. Les juges ont notamment estimé que la mise en place des commissions électorales locales était déséquilibrée en faveur du parti au pouvoir, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP).
Une victoire donc pour le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), parti d’opposition, à l’origine de la requête. Pour l’avocat du PDCI, Me Blessy, cette décision exige une refonte complète de la Commission électorale indépendante. Il appelle les principaux partis à se remettre rapidement autour de la table pour renégocier la composition de la CEI. « Nous avons la force, si les deux partis veulent vraiment s’asseoir pour discuter, de faire cette réforme en moins de 15 jours, en moins de 20 jours puisque tous les points qui sont développés, qui sont récusés, sont connus de l’ensemble des partis, explique-t-il. Et donc, plaise à ces partis-là de vouloir aller à des élections sincères pour des résultats authentiques. Je rêve toujours d’élections en Côte d’Ivoire qui finissent à 18h et à 18h30, le vaincu donne un coup de fil au vainqueur pour dire : "Tu as gagné, je calme mes militants. Dans cinq ans, on se retrouve". Or, avec ce texte, on ne pouvait pas arriver à cela. Il faut qu’on épargne à notre jeunesse toutes ces palabres. »
Dans leur décision, les juges estiment que la grande majorité des commissions électorales implantées localement sont présidées par des membres du parti au pouvoir, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Mais la Cour a également précisé que les partis d’opposition, qui l’ont saisie en août dernier, n’ont pu prouver la partialité et le manque d’indépendance de la CEI. Pour l’État ivoirien, cela ne change pas grand-chose, car il ne reconnaît plus la compétence de la Cour depuis avril dernier. Pour l’avocat de l’État de Côte d’ivoire, Me Abdoulaye Ben Méïté, la décision de Cour africaine ajoute un flou inutile. « Pour faire simple, la Cour a dit que les griefs formulés à l’encontre de la loi n’étaient pas avérés. Elle a dit aussi avoir noté que les présidents des commissions locales penchaient plus en faveur du parti au pouvoir. Mais elle a pris le soin d’indiquer que cela n’est pas du fait de la loi, mais plutôt de son application. C’est pour cela que j’ai dit que cette décision crée un front inutile parce que la Cour avait à répondre à la question de savoir si la loi est conforme ou pas aux instruments internationaux. Et même au-delà, cette décision pour moi est une réponse aux allégations fantaisistes des requérants. »
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