Candidature
de Ouattara à un 3e mandat : quand des cadres du RHDP affirmaient que c’était impossible
20 à 15h11
Alassane Ouattara, lors de sa prestation de serment pour son second mandat à la tête de la Côte d'Ivoire, le 3 novembre 2015. © Sevi Herve Gbekide/AP/SIPA
Si le RHDP estime aujourd’hui que la Constitution permet au chef de l’État d’être candidat à la présidentielle, certains de ses cadres n’ont pas toujours tenu le même discours.
L‘opposition estime que sa candidature est « illégale », mais pour Alassane Ouattara, il n’y a aucun doute : la Constitution promulguée en novembre 2016 l’autorise à briguer deux mandats supplémentaires à partir de 2020, donc à se représenter en octobre prochain. Les stratèges du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) expliquent notamment que le texte consacre un nouvel ordre juridique.
À ceux qui argumentent que l’article 183 – qui stipule que « la législation actuellement en vigueur en Côte d’Ivoire reste applicable, sauf l’intervention de textes nouveaux, en ce qu’elle n’a rien de contraire à la présente Constitution » – maintient la limitation de deux mandats consécutifs, ils répondent qu’il s’agit d’une lecture erronée.
Pour les opposants à une nouvelle candidature du chef de l’État, cela signifie que la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels doit s’appliquer. Et que la promulgation de la Constitution de 2016 n’est pas synonyme de « remise des compteurs à zéro » sur ce point. Au contraire, ceux qui estiment qu’Alassane Ouattara peut briguer un nouveau mandat considère que le changement de loi fondamentale en 2016 lui en donne le droit.
Pourtant, certains cadres du parti au pouvoir n’ont pas toujours tenu le même discours, notamment au moment de l’adoption de cette Constitution. À cette époque, le chef de l’État ne laissait planer à l’époque aucun doute sur sa volonté de se retirer à la fin de son deuxième mandat et plusieurs membres du camp présidentiel prirent eux les devants pour « rassurer » l’opinion publique.
Sansan Kambilé
Fin 2016, le ministre de la Justice, Sansan Kambilé, se présente devant les parlementaires, à l’Assemblée nationale, accompagné du ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, et de Jeannot Ahoussou Kouadio, en charge du dialogue politique et des relations avec les institutions. Les débats s’étendent de 10 h à 19 h.
La question de la limitation des mandats est évoquée par plusieurs députés, notamment du PDCI. Certains expriment leur inquiétude et proposent un amendement qui stipulerait que le président en exercice au moment de l’adoption de la nouvelle Constitution soit interdit de se représenter.
https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">UN SIMPLE ARGUMENT POUR FAIRE PASSER LE TEXTE
Le ministre de la Justice s’y oppose, pour ne pas personnaliser le texte, mais se veut rassurant. « Le président de la République a toujours dit qu’il ne sera pas candidat en 2020. C’est un homme de parole », explique-t-il, avant d’ajouter : « Je pourrais vous démontrer comment il lui sera impossible de l’être. Tous les pays où les chefs d’État ont entendu se maintenir au pouvoir ont fait sauter le verrou avant les élections, pas après. »
Contacté par Jeune Afrique, Sansan Kambilé n’a pas souhaité s’exprimer. Un de ses proches précise que « ces propos ont été tenus dans un contexte particulier, après plusieurs heures de débats », et qu’il s’agissait « d’un simple argument pour faire passer le texte ».
Bruno Koné
Lorsqu’il s’exprime sur le sujet en juin 2016, Bruno Koné est ministre de la Communication, de l’Économie et de la Poste, et porte-parole du gouvernement. Il assure alors qu’Alassane Ouattara n’a pas l’intention de toucher à la limitation des mandats. « La nouvelle Constitution indiquera que le président est élu au suffrage universel pour 5 ans et rééligible une fois. Le chef de l’État a décidé de clarifier le jeu pour éviter toute interprétation. Il a déjà fait deux mandats, il n’a pas de raison de s’appliquer à lui-même la nouvelle Constitution », déclare-t-il.
Joint par JA, il explique aujourd’hui ne s’être « jamais prononcé sur l’aspect juridique de cette candidature ». « J’avais seulement exprimé un avis résultant de ma compréhension politique et de l’état d’esprit du président. Et si j’ai dit qu’il ne s’appliquerait pas cette Constitution, ça veut bien dire qu’il a le droit de le faire », précise-t-il.
Ibrahim Cissé Bacongo
Architecte du projet constitutionnel, Ibrahim Cissé Bacongo avait lui pris une position plus tranchée. En novembre 2016, il est invité sur le plateau d’Africa 24. « Cette Constitution donne-t-elle la possibilité à Alassane Ouattara de faire un 3e mandat ? », lui demande le journaliste Babylas Boton. « Non », répond celui qui est alors conseiller juridique d’ADO, évoquant le fameux article 183.
https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">QUE VALENT MA MAIN ET MON CŒUR FACE À LA MAIN ET LE CŒUR DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ?
Le journaliste le relance : « Pouvez-vous dire la main sur le coeur que le président Ouattara ne se représentera pas en 2020 ? » Réponse de Cissé Bacongo : « Que valent ma main et mon cœur face à la main et le cœur du président de la République ? Il a pris toute la classe politique internationale à témoin de sa volonté de ne pas de présenter en 2020. L’article 183 de la nouvelle Constitution cristallise cette position. »
Il n’a pas donné suite à nos sollicitations, mais il était revenu sur ces propos, fin juillet, dans un post Facebook, expliquant qu’il s’agissait « ni plus, ni moins qu’un avis susceptible d’avis contraires ».