Les enfants des rues ? Ils n’aiment pas qu’on les appelle ainsi, ces gamins, souvent petits, qui vivent, ou plutôt survivent, en rupture totale avec leur famille sur les décharges publiques, les terrains vagues, dans les gares routières de la plupart des grandes villes d’Afrique. Ils ont fui l’indifférence, la négligence, les mauvais traitements, parfois les abus sexuels de leurs familles pour se retrouver, faute de mieux, dans la rue. Ils y trouvent là leur refuge et leur bande, une nouvelle famille. Leurs conditions de vie sont rudes et les menaces, nombreuses, qui compromettent leur survie à chaque instant. Si certains survivent grâce à de petits boulots, livrés à eux-mêmes, beaucoup tombent dans la délinquance, la prostitution ou la drogue. Cette drogue - quelle drogue ?- les « aident » à surmonter le quotidien. La plupart ne dépasseront pas les 25 ans.
Ces enfants de la rue, qui sont-ils ?
Nairobi, Kinshasa, Ouagadougou ou Abidjan, chaque grande ville des pays d’Afrique connaît ces bandes de gamins vêtus de loques, sales, pieds nus, traînant et mendiant. Ils viennent dans la rue pour bien des raisons : la pauvreté est une des causes principales. Il faut remédier à la misère de la famille. Puis viennent les conflits familiaux ainsi que les sévices physiques, émotionnels et sexuels infligés par les parents, et souvent par les beaux-parents. Beaucoup d’enfants viennent aussi de la campagne. Ils pensent qu’ils pourront facilement gagner leur vie dans la ville. Enfin, dans bien des pays, les orphelins du SIDA et les rescapés des enfants soldats vont dans les rues pour survivre. L’enfant part vivre dans la rue parce qu’il n’a pas d’autre alternative face aux problèmes qu’il rencontre dans sa famille. Ce départ se fait rarement avant l’âge de 7 ans.
« Une fois à la rue et livrés à eux-mêmes, ces enfants doivent survivre à la misère et à la violence quotidienne. Ils dorment à même le trottoir ou dans des abris en carton. Pour trouver de quoi subsister, ils mendient ou exercent une multitude de petits métiers : porteur, livreur, cireur de chaussures, gardiens de motos ou de véhicules, apprentis mécaniciens, porteurs de paniers... Mais beaucoup aussi empruntent la voie de la criminalité. Libérés de toutes contraintes sociales, rejetant lois et institutions, de véritables gangs d’enfants vivent de cambriolages et d’agressions et deviennent de véritables fléaux sociaux.
Sans défense, malgré leur dérive délinquante, les enfants sont aussi victimes d’abus de toutes sortes. Ils doivent affronter coups et insultes des commerçants, mais aussi des forces de l’ordre qui les rackettent sous prétexte d’assurer leur protection. Beaucoup tombent dans la prostitution. Quoiqu’illégale, la prostitution infantile est une industrie florissante qui se banalise sur le continent africain. Les petites filles des rues sont sollicitées très jeunes, parfois enlevées pour être placées dans des bordels. » (Le Magazine.Info)
Une vie centrée sur le groupe
Dans la rue l’enfant ne vit pas seul ; il intègre une bande qui rassemble d’autres enfants et des jeunes plus âgés. Le groupe permet d’affronter plus facilement les difficultés quotidiennes et de répondre aux besoins de base. Le groupe va aussi compenser les énormes carences affectives dont souffre la majorité. Il comble un vide et devient une véritable fa-mille de substitution. Pour marquer ces liens quasi fraternels qui s’instaurent entre eux, chacun se voit attribuer un surnom sous lequel il sera désormais connu.
Tous ces enfants ne s’adonnent pas à la prostitution ou au vol. Ces dérives ne viennent que si la conjoncture est favorable : proximité d’une zone de prostitution ou bien contrainte venue des plus grands du groupe. Il faut dire aussi que plus l’enfant grandit, plus son corps change et la pitié qu’il provoque fait place à la méfiance, à la crainte, voire au rejet. La population se montre moins généreuse dans ses dons et il est obligé de chercher de nouveaux moyens pour survivre.
Souffrant de malnutrition, de maladies de peau ou pulmonaires ou encore de maladies sexuel-lement transmissibles, les enfants des rues risquent aussi des accidents, soit qu’ils les provoquent eux-mêmes par des paris insensés, soit que l’insalubrité des lieux d’habitation et la consommation de drogues viennent diminuer leur vigilance et leurs réflexes.
Autre grave menace pour l’enfant : l’homme. La rue est souvent un milieu violent où il est nécessaire de démontrer sa force en permanence. Mal vu par la société et repéré pour sa vulnérabilité, l’enfant de la rue est exposé à toutes sortes d’exactions qu’il doit affronter seul sans espoir de protection. Qui s’inquiétera de son arrestation, de sa disparition et, s’il est retrouvé battu à mort, qui s’indignera ? C’est donc avec ses copains de bande qu’il doit lutter pour sa survie, protéger son lieu d’habitation, se défendre lors d’agressions, échapper aux rafles de la police, etc.
Tout enfant, pour grandir et se développer harmonieusement, doit pouvoir se nourrir d’affection et de reconnaissance. Dans la rue, l’image de lui-même qui lui est renvoyée est négative, dévalorisante. Aussi, pour tous, le niveau d’estime de soi est extrêmement bas, et leur carence affective énorme.
Cependant, malgré tous ces handicaps, les enfants de la rue manifestent des qualités extraordinaires : capacité d’adaptation, résistance à l’hostilité, débrouillardise, sens du réel, ingéniosité, capacité d’initiative, sens de la solidarité, du partage, grande générosité, sens de l’honneur et de la parole donnée, loyauté avec leurs pairs, volonté de vivre envers et contre tout.
Il n’en reste pas moins que les enfants de la rue sont la honte des nantis, mais ceux-là s’en débarrassent sans état d’âme d’un geste de la main ou grâce à quelques pièces de monnaie. La honte n’atteint pas leur propre satisfaction, la misère ne salit pas leurs beaux costumes, la boue ne colle pas aux roues de leurs luxueuses voitures.
Comment arrivent-ils à survivre ?
Survivre ! c’est le problème quotidien des enfants de la rue. Pour eux, « être un enfant de la rue, c’est ne pas manger à sa faim, dormir dans des lieux insalubres, affronter la violence des plus grands ou le fouet des forces de l’ordre et quelquefois devenir une victime expiatoire, c’est grandir sans être accompagné, aimé ni protégé, c’est ne pas avoir accès à l’éducation ni aux services de santé, c’est perdre toute dignité et devenir adulte avant même d’avoir été un enfant. »
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