"Mieux vaut prévenir que guérir”, c’est ce que dit un dicton bien connu. Prévenir des maladies, prévenir des pannes, prévenir des accidents, mais aussi prévenir des conflits.
La prévention des conflits, un sujet qui m’est cher, un sujet qui me préoccupe, un sujet que j’aborde maintenant depuis 10 ans. Après des formations reçues à Dublin en Irlande et à Namur en Belgique, je me suis trouvé à Abidjan en Côte d’Ivoire de 2003 à 2008, et ensuite à Koudougou au Burkina Faso. Pendant ces 10 ans, j’ai été souvent confronté à des circonstances particulières : contexte de crise politique, environnement marqué par la violence. J’ai été témoin d’affrontements. Je me suis demandé plus d’une fois : Que faire ? Quelle alternative proposer ? Par où commencer ? Quelle voie privilégier ?
Formation internoviciat sur la gestion des conflits, Ouagadougou, avril 2012
Alors, que prévenir ? Faire en sorte qu’un conflit ne s’aggrave pas par la violence ? Qu’un conflit ne dégénère pas davantage par l’utilisation d’autres formes de violence (physique, armée, etc.) ? Qu’un conflit entre deux personnes ne prolifère pas par l’implication violente d’autres personnes ? Qu’un conflit ne se reproduise pas une deuxième fois ? Ces multiples facettes de la prévention des conflits donnent un grand champ à explorer.
Lors de mes études initiales, j’ai été plutôt outillé d’une façon théorique et livresque, imprégné par des approches généralement développées dans le contexte occidental. Offrir des formations dans les domaines de la gestion et de la prévention des conflits n’était pas si évident. Mes premiers pas, je les ai faits timidement et difficilement.
Entre-temps, en me confrontant à des points de vue variés (des personnes de groupes ethniques différents, de nationalités différentes, de religions différentes, de bords politiques différents, de professions différentes, d’âges différents, etc.) mon expérience s’est bien enrichie. Actuellement, je puise dans ce trésor immense reçu par ceux et celles qui m’entouraient et qui ont participé à mes sessions de formation.
Centre de formation des catéchistes d’Imasgo. Un élève catéchiste s’exerce
à l’animation d’un groupe sur la gestion des conflits.
Quand je donne une session sur la gestion et la prévention des conflits, je m’appuie principalement sur la démarche pédagogique interactive et participative. Grâce à cette approche, tous, y compris moi-même, apprennent les uns des autres. Ceci me permet de découvrir continuellement ce que les gens vivent, en particulier leurs conflits quotidiens : en milieu scolaire, en milieu rural, au milieu des religieux et des religieuses, dans le milieu familial, etc.
Au fur et à mesure, j’ai pu acquérir une bonne expérience et un savoir-faire comme animateur et formateur. Alors, pourquoi les garder pour moi-même ? Pourquoi rendre dépendant de ma présence physique aux sessions de formation ceux et celles qui veulent œuvrer pour la prévention des conflits ?
Mon souci est maintenant de transmettre des compétences sur la prévention des conflits à un public le plus large possible. Ici, à Koudougou, j’ai la chance, car un confrère, le P. Maurice Oudet, a mis en place une petite imprimerie, le SEDELAN (Service d’Éditions en Langues Nationales). Dans ce cadre modeste et efficace, j’arrive à produire des documents pédagogiques sur la gestion et la prévention des conflits. Il s’agit de fascicules qui abordent différents thèmes relatifs à la prévention des conflits. Deux séries sont diffusées. La première est destinée au monde rural pour les agriculteurs et les éleveurs. La seconde, intitulée “L’éducation à la paix”, s’adresse aux jeunes du milieu scolaire et parascolaire. Ces publications sont simples et faciles à manier. Même des personnes non-initiées par une session de formation sont capables de les appliquer. Jusqu’à maintenant, les échos sont très positifs.
Andreas après une session de formation des éleveurs de Po.
Lors des formations, plusieurs signes de transformation s’opèrent visiblement auprès des participants.
Récemment, un confrère de la communauté s’y est lancé pour la première fois. Quand je suis revenu en communauté, il m’a raconté, très enthousiasmé, son expérience vécue avec des étudiants de l’université de Koudougou : Les jeunes étaient accrochés. Les dessins montrés facilitaient la prise de parole de tous. Les thèmes développés dans les fascicules rejoignaient le vécu quotidien des jeunes.
Effectivement, le contenu de chaque fascicule a pour but de toucher personnellement les participants. À travers les formations proposées, un processus de transformation est déclenché. Ceci touche la personne même : son comportement, son attitude et ses points de vue. En même temps, ceci influence le vivre ensemble, l’interaction entre les personnes. Lors des formations, plusieurs signes de transformation s’opèrent visiblement auprès des participants.
En janvier passé, le centre de formation des catéchistes du diocèse de Kaya m’a invité à donner une session sur la gestion et la prévention des conflits. Je me suis trouvé devant une soixantaine de personnes, en grande partie des couples, qui se préparent pendant 4 ans à devenir catéchistes.
Le programme de la session a été réalisé en 3 jours. Chaque matin, j’ai abordé personnellement le contenu de trois fascicules en m’appuyant sur un traducteur. Dans l’après-midi, c’était le tour de quelques participants qui ont pris le rôle de l’animateur. En petits groupes, ils ont repris le contenu de chaque fascicule. Cette fois-ci, tout se passait directement en langue mooré. À l’aide de la pratique, de l’observation et de l’évaluation commune, les participants se sont de plus en plus initiés à l’utilisation de ces documents pédagogiques. Plus encore, tous ont pu mieux assimiler les thèmes sur la prévention des conflits. Le directeur du centre a l’intention de remettre aux élèves sortants tous les fascicules de la collection. Le but est que ces hommes et femmes deviennent à leur tour des animateurs sur la prévention des conflits dans leur propre village et dans les lieux de leur mission.
Ces exemples ne sont que deux cas concrets de ce qui est réalisable dans la prévention des conflits. Beaucoup de personnes et de groupes s’intéressent actuellement à la gestion et à la prévention des conflits. Le champ d’apostolat est immense et vaste. À ma surprise, mon engagement en faveur de la prévention des conflits me met en contact avec beaucoup de personnes d’autres religions et d’autres confessions religieuses. Ensemble, nous œuvrons pour la cohésion sociale et pour la paix.
J’aimerais conclure avec deux convictions qui m’animent dans mon travail actuel et qui me donnent de l’espoir dans ce que je fais. Il s’agit d’abord d’un extrait du préambule de la charte de l’UNESCO : “Les guerres commencent dans le cœur de l’homme, c’est dans le cœur de l’homme que doit commencer la paix”. Et pour terminer une citation qui m’accompagne depuis plusieurs années : “Là où il y a beaucoup de petites gens, dans beaucoup de petits lieux, qui font beaucoup de petites choses, le monde changera !”. Oui, continuons ensemble à œuvrer pour la paix dans ce monde si éprouvé par la violence.
Andreas Göpfert
(Article tiré du "Petit Echo" n° 1040, avril 2013)