LETTRE DU RESEAU JUSTICE ET PAIX
des Instituts des religieux
et des religieuses du Burkina Faso
Année 2013, mois de mai
Du 9 au 10 mars 2013, le réseau Justice et Paix des instituts religieux du Burkina Faso a organisé aux Lauriers à Ouagadougou une session de sensibilisation. 3 différents acteurs de la société civile ont présenté leurs activités. Le nouveau secrétaire national de la commission Justice et Paix du Burkina, M. Emile Songre, a fait une présentation du travail de la commission. M. B. Sondo, actuel secrétaire exécutif du REN-LAC a abordé le thème de la corruption au Burkina Faso. M. Hermann Zoungrana, coordinateur des projets de Terre des Hommes, a exposé les différents volets de leur travail en faveur des enfants.
Les 35 religieux et religieuses, représentants de différentes congrégations, ont bien apprécié les interventions. Dans un travail de groupe, les participants ont échangé sur les activités menées au sein de leur congrégations religieuses et au niveau de l’apostolat en faveur de la Justice, de la Paix et de l’Intégrité de la Création.
Cette lettre du réseau JP se focalise principalement sur le thème de la corruption en s’appuyant sur la conférence donnée par M. B. Sondo.
Corruption au Burkina Faso : information sur le thème,
le REN-LAC et ses activités
I.- Définitions et manifestations de la corruption
Phénomène complexe, ancien et croissant, la corruption n’a paradoxalement pas marqué les débats en matière de politique de développement au niveau de l’arène internationale jusqu’à la moitié des années 90. Mais depuis lors, la situation a profondément changé avec le lancement de Transparency International en 1993, le discours de la Banque mondiale en 1996, sur la nécessité de s’attaquer au « cancer de la corruption », l’entrée en vigueur en 1999 de la convention anti-corruption de l’OCDE et la promulgation en 2003 de la convention contre la corruption par les Nations Unies.
D’une manière générale, la corruption désigne une altération : altération d’un langage, altération d’un goût, altération d’un fichier, altération d’une substance en décomposition, etc.
De manière plus précise et directement liée à notre préoccupation du jour, la corruption est souvent appréhendée comme l’utilisation de moyens pour faire agir quelqu’un contrairement à son devoir ou à sa conscience. Les concepts pour mieux saisir le phénomène sont variés. Ainsi, on distingue la petite corruption, la grande corruption et la corruption discrète. Mais que signifient concrètement ces concepts liés à la corruption ?
Petite corruption :
Toute pratique utilisée par des agents publics ou privés pour soutirer de petites sommes d’argent ou d’autres avantages indus auprès des usagers ou vice versa (REN-LAC, 2003).
Grande corruption :
toutes les pratiques conçues dans les milieux politico-administratifs consistant à abuser de l’autorité publique à des fins privées et/ou individuelles. Elle mobilise généralement de grosses sommes d’argent ou d’importants moyens en nature (Op. cit.).
Grande ou petite, la corruption peut être passive où l’agent public dans le cadre de sa prestation de services publics sollicite, se fait promettre ou accepte un avantage indu d’un usager des services ; elle est active lorsque l’usager offre, promet ou octroie un avantage indu à l’agent public.
Corruption discrète :
introduite par la Banque mondiale pour décrire plusieurs types de fautes professionnelles observées parmi les prestataires de première ligne (enseignants, professionnels de santé, autres représentants de l’Etat se trouvant aux avant-postes de la fourniture de services) qui ne donnent pas lieu à des échanges monétaires. Ces agissements incluent aussi bien des écarts de comportement potentiellement observables, comme l’absentéisme, que des comportements moins visibles, tels qu’une assiduité inférieure au niveau escompté ou le contournement délibéré de règlements à des fins personnelles.
Différentes formes de corruption
Un pot-de-vin :
le fait de proposer de l’argent, des services ou d’autres faveurs en échange d’une action en retour. Synonymies : dessous de table, arrosage, gratification, pourboire, « c’est le prix de la bière », « c’est le prix de la cola », « c’est pour madame », etc.
Le paiement accélérateur
est versé pour accélérer les processus ralentis par les formalités administratives, les pénuries de ressources ou par des retards intentionnellement provoqués.
L’extorsion
est la demande ou la réception illicites de biens, d’argent ou d’information sensible par l’usage de la force ou la menace. Expressions similaires : « va pisser » ; « faut parler bon français ». Le chantage est une forme d’extorsion.
L’escroquerie
désigne une déclaration intentionnellement fausse en vue d’obtenir un avantage injuste, en fournissant ou en recevant des informations fausses ou trompeuses. La fraude est une forme d’escroquerie.
Le détournement de fonds
est l’appropriation frauduleuse de fonds légalement confiés à un individu du fait de ses fonctions officielles de gestionnaire ou de tuteur.
L’abus de biens publics
consiste en l’usage non approprié, à des fins privées de ressources publiques, financières, humaines ou d’infrastructures, en vue d’obtenir par cet usage des bénéfices et avantages individuels.
Le népotisme
est une forme de favoritisme par laquelle, une personne fait usage de son autorité ou de son pouvoir pour procurer des avantages, un emploi ou d’autres faveurs à un membre de sa famille.
Le clientélisme
désigne un traitement favorable accordé à des amis ou associés dans l’attribution de ressources ou d’emplois, quelles que soient les qualités et compétences objectives de ces amis et associés.
Le trafic d’influence
consiste de la part d’une personne à demander des avantages personnels en échange de quoi, elle fait usage de son influence pour favoriser injustement une autre personne.
Le délit d’informé
consiste en l’emploi d’information obtenue dans l’exercice de ses fonctions par un agent pour se procurer des avantages personnels.
Le blanchiment de fonds
comporte des opérations de dépôt et de transfert d’argent et d’autres produits d’activités illicites, en vue de légitimer ces produits.
La corruption politique :
est l’usage abusif du pouvoir politique à des fins de profit ou d’enrichissement personnels et/ou dans le but de préserver ou de renforcer son pouvoir. L’achat de votes et le trucage électoral, les finances de partis politiques non transparentes et illégales, l’abus des biens publics à des fins politiques sont des diverses formes communes de la corruption politique.
La captation de l’Etat
désigne le fait pour un Etat d’être sous la coupe d’individus, de groupes ou entreprises qui influencent l’élaboration des lois, règles et règlementations pour servir leurs intérêts privés.
II. -Présentation du Réseau national de lutte anticorruption
Création:
Date de création, 1997 : 26 organisations de la société en sont membres ; en plus 3 membres d’honneur et 6 membres observateurs.
Objectif général: Contribuer à l’éradication de la corruption au Burkina Faso.
Base d’action:
D’abord un Plan triennal glissant 1998-2002.
Puis trois plans stratégiques: 2003-2007 ; 2008-2012 ; 2013-2016.
Activités du REN-LAC:
Elles se déclinent
* en production des connaissances fiables en vue d’orienter la lutte anti-corruption.
* en information, sensibilisation et conscientisation des citoyens contre la corruption.
* au plaidoyer et lobbying en vue d’une large coalition citoyenne pour influencer les politiques en faveur de la bonne gouvernance et de l’intégrité.
* au renforcement des capacités du REN-LAC.
Les résultats des activités :
De la production de connaissances
* édition annuelle régulière depuis 2000 d’un Rapport annuel sur l’état de la corruption;
* édition d’ouvrages thématiques ; morale et corruption sociétés anciennes burkinabé, inventaire des textes juridiques, marchés publics;
* édition annuelle régulière d’une Bande Dessinée « Kouka » à l’intention des scolaires
* études thématiques et enquêtes.
De l’information / sensibilisation
* articles de presse;
* conférences publiques;
* émissions radiophoniques et télévisuelles;
* théâtre pour adultes et pour jeunes;
* productions musicales ;
* jeu concours (annexé à la Bande Dessinée Kouka);
* informations du téléphone vert (80 00 11 22); Site web;
* journées nationale de refus de la corruption.
Du plaidoyer/ lobbying
* atelier d’échange d’expérience;
* interpellation du gouvernement sur la corruption;
* saisines administratives et judiciaires;
* prix de Lutte Anticorruption (PLAC), pour la presse écrite;
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* plaidoyer pour l’adoption d’une loi spécifique sur la corruption.
Du renforcement des capacités
Reconnaissance de l’expertise du REN-LAC par les citoyens, les institutions étatiques et par le Gouvernement.
Effets de nos actions ?
La corruption n’est plus un tabou pour personne.
Prise de conscience grandissante d’actions contre la corruption: plaintes, dénonciations, etc.
III. Conclusion en trois questions
Malgré les dénonciations, pourquoi des Burkinabé s’adonnent-ils toujours à la corruption?
A cause de l’IMPUNITE des auteurs d’actes de corruption n’ont pas été sanctionnés et ne risquent aucune sanction pour un acte, un fait ou un comportement pour lesquels ils auraient dû normalement faire l’objet d’une sanction pénale, administrative ou disciplinaire en dépit de l’existence de textes et mécanismes juridiques de sanction. L’impunité encourage à la corruption à grande échelle.
Pourquoi l’impunité est-elle régnante?
D’abord, parce que la justice burkinabé est TROP DEPENDANTE vis-à-vis de la chancellerie à travers le parquet, lequel est au centre de la mise en mouvement de l’action publique. Cette dépendance soumet la poursuite des infractions au contrôle de la chancellerie et donc du pouvoir exécutif. Cette soumission à la chancellerie protège de fait les personnes influentes ou proches du pouvoir et même lorsque des poursuites sont engagées, elles n’aboutissent pas.
Ensuite, en raison de la FORTE POLITISATION DE L’ADMINISTRATION. Le moindre poste de nomination constitue une récompense politique ; on se retrouve ainsi entre camarades de parti. Le réflexe de protection et la défense de l’image du parti rendent alors quasi nulle la possibilité de sanctions administratives de cas dénoncés ou de leurs poursuites devant les juridictions compétentes. En outre, pour maintenir le zèle des militants, les dossiers incriminant des agents sont conservés sans sanction pour servir de moyen de chantage.
Pourquoi la justice est-elle trop dépendante du pouvoir exécutif? Pourquoi une forte politisation de l’administration?
Parce que la corruption est inhérente au système politique qui gouverne le Burkina Faso depuis près d’un quart de siècle comme l’ont déclaré et écrit des diplomates français (Laurent Bigot) et américains (Todd Moss). Le système politique ne peut scier le tronc de l’arbre sur les branches duquel il est haut perché. C’est pour cela qu’il préfère la parole à l’acte.
Pour finir, il faut bien conclure sur une note optimiste. Notre lutte anticorruption engagée il y a seulement moins de deux décennies a profondément transformé les connaissances, attitudes et pratiques des hommes, des femmes et des jeunes du pays sur la corruption tout autant qu’elle a accéléré la mise en place d’institutions étatiques de lutte contre le fléau. Bien que nous soyons loin du but, ces transformations fondent l’espoir d’aller en avant.
Numéro vert du REN-LAC
80 00 11 22
Pour appuyer cet exposé,
veuillez consulter des exemples concrets sur le site web:
www.renlac.org