[Tribune] Agribusiness : l’impératif du « made in Africa »

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Par  Rabah Arezki

Économiste en chef et vice-président chargé de la gouvernance économique et de la gestion des connaissances de la BAD

Unité de transformation de cacao de l’usine Choco Ivoire à San Pedro (Côte d’Ivoire) en mars 2016.

Unité de transformation de cacao de l'usine Choco Ivoire à San Pedro (Côte d'Ivoire) en mars 2016. © Jacques Torregano pour JA

 

Mettre en œuvre des politiques proactives de transformation des produits agricoles est le seul moyen de répondre au défi de la création d’emplois, souligne le chef économiste de la BAD, Rabah Arezki.

Le continent s’est engagé dans une ambitieuse zone de libre-échange (Zlecaf) pour stimuler le commerce. Cet accord devrait tirer parti de la demande croissante des consommateurs du continent pour stimuler les investissements en Afrique afin de répondre à cette demande.

Approfondir l’accord conclu en se concentrant sur la transformation des produits agricoles est la meilleure façon de commencer. L’agrobusiness est en effet crucial pour le continent – plus que pour tout autre – en ce qu’il participe à la sécurité alimentaire et à la création d’emplois.

C’est aussi un levier capital pour accélérer la transformation de l’Afrique. Par transformation, on entend ici le traitement physique des matières premières (dont le continent dispose en abondance) qui ajoute de la valeur. Et on évoque souvent la nécessité de remonter la chaîne de valeur pour atténuer les aléas provoqués par la fluctuation des prix des matières premières.

Absence de transformation généralisée

Or, qu’il s’agisse de cacao, pétrole, métaux ou bois, l’absence de transformation est aujourd’hui généralisée et elle a nui à la capacité du continent à créer de bons emplois. Dans le secteur primaire, ces derniers sont trop peu nombreux et beaucoup sont mal payés.

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LE CONTINENT CONTINUE D’IMPORTER DES MILLIARDS DE DOLLARS D’ALIMENTS TRANSFORMÉS ET DE PRODUITS RAFFINÉS

Résultat, malgré de forts taux de croissance au cours des dernières décennies, l’Afrique abrite aujourd’hui 60 % des pauvres du monde. En 1990, ce chiffre était de 15 % seulement. A titre de comparaison, cet indicateur pour l’Asie de l’Est est passé de plus de 50 % des pauvres du monde en 1990 à seulement 5 % aujourd’hui.

En outre, malgré l’abondance des ressources, le continent continue à importer chaque année des milliards de dollars d’aliments transformés et de produits raffinés. Les producteurs de produits de base ont essayé plusieurs approches pour y remédier et maximiser les recettes liées à l’exploitation de leurs ressources naturelles.

On pense en particulier au cartel, dont l’exemple le plus évident est l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Certes, la constitution d’un cartel permet d’obtenir des prix plus élevés pour le produit primaire et donc d’accroître les revenus atterrissant dans les coffres des gouvernements.

Cartels vs fournisseurs alternatifs

Mais, dans la pratique, les acheteurs, c’est-à-dire les économies avancées, finissent toujours par trouver des fournisseurs alternatifs (par exemple des producteurs non-membres de l’OPEP) ou par développer des produits alternatifs (tels que le biocarburant synthétique ou l’huile de schiste).

De plus, le cartel ne résout pas le problème de l’exposition d’un producteur aux flambées des prix des matières premières ni celui de la nécessité de créer un grand nombre de bons emplois.

Après les indépendances, de nombreux pays en développement ont tenté de sortir de cette impasse en adoptant des politiques de substitution des importations. Mais ces dernières ont largement échoué, en partie à cause du manque d’avantages comparatifs et de l’inefficacité des entreprises publiques.

Depuis, le paradigme est passé de la substitution des importations à la promotion des exportations. Là encore, cette stratégie a rencontré peu de succès malgré les efforts des gouvernements, notamment via la création de zones spéciales prévoyant des avantages fiscaux, entre autres, pour les entreprises exportatrices.

Favoriser le secteur privé et la concurrence

Une politique centrée sur la transformation, en permettant qu’une plus grande part de la valeur ultime des matières premières reste sur le continent, apparaît donc comme la meilleure approche. Elle consiste à favoriser le secteur privé afin qu’il crée de bons emplois avec des salaires décents tout établissant une réglementation pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles.

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LE « MADE IN AFRICA » EST LA RÉPONSE À L’URGENCE DE LA CRÉATION D’EMPLOIS

Une concurrence loyale au sein du secteur privé permet de stimuler l’innovation et l’investissement d’une manière efficace, le secteur public restant à la manœuvre dans les domaines stratégiques, de monopoles naturels ou encore en présence d’externalités.

Les politiques proactives visant à favoriser le contenu local, comme celle du Gabon dans la transformation du bois, du Botswana dans la taille du diamant et du Nigéria dans l’extraction du pétrole, montrent qu’il est possible de progresser dans cette voie. Le « made in Africa » est la réponse à l’urgence de la création d’emplois.