Joe Biden, un président qui veut taxer les plus riches et verdir l’économie

Analyse 

Le nouveau président américain prévoit d’investir massivement dans les infrastructures et d’augmenter les impôts des plus riches. La future secrétaire au Trésor Janet Yellen a estimé pour sa part que la taxe internationale sur les géants du numérique, en discussion dans le cadre de l’OCDE, permettrait aux États-Unis de récolter une « juste part » auprès des entreprises.

  • Alain Guillemoles, 

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Joe Biden, un président qui veut taxer les plus riches et verdir l’économie
   
Joe Biden prévoit d’investir massivement dans les infrastructures et d’augmenter les impôts des plus riches.YTEMHA/ADOBESTOC

Au fil de ses discours, le nouveau président américain Joe Biden dessine une ambition de transformer l’économie des États-Unis. Il s’agit de sortir le pays de la récession actuelle, mais surtout de lui faire prendre un virage pour aller vers la réduction des inégalités et la transition énergétique.

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En présentant le 14 janvier dernier le premier acte de sa présidence, un « plan de sauvetage » de 1 900 milliards de dollars (1 570 Md €), il a esquissé ses priorités : « Durant cette pandémie, des millions d’Américains ont perdu la dignité qui va avec leur travail ; des millions font la queue durant des heures à la porte de banques alimentaires », a-t-il dit. Or « depuis le début de cette pandémie, la fortune des 1 % les plus riches s’est accrue de 1 500 milliards de dollars, soit 4 fois ce que gagnent les 50 % de la population ayant les revenus les plus bas ».

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« Nous devons agir et nous devons le faire maintenant », a-t-il martelé. L’analyse de Joe Biden, confirmée dans une note diffusée à la presse par son directeur de cabinet Ron Klain, c’est que les États-Unis font face à une quadruple crise, à la fois sanitaire, économique, interraciale et climatique. Et la nouvelle administration entend traiter chacun de ces aspects.

Des vaccins et des chèques

La réponse à la crise sanitaire, c’est le vaccin. La nouvelle administration veut mettre des moyens pour vacciner en 100 jours 100 millions d’Américains. La réponse à la crise économique, elle, se fera en deux temps. Le premier est ce « plan de sauvetage » qui doit permettre l’envoi de chèques de 1 400 dollars (1 160 €) à 80 % des Américains. Il prévoit aussi d’augmenter les allocations de chômage, d’annuler des prêts étudiants, de fournir des aides au logement et des bons alimentaires pour les plus pauvres.

Puis Joe Biden s’est engagé à présenter d’ici un mois un deuxième volet de ce plan consacré au « rétablissement » de l’économie. Il devrait se traduire par un investissement supplémentaire de 2000 milliards de dollars (1 655 Md €) qui iront dans les infrastructures, le soutien aux énergies vertes et au véhicule électrique, l’isolation des bâtiments. Joe Biden a promis de créer « 18 millions d’emplois bien payés », pour l’essentiel en lien avec la transition écologique.

Une ligne de train à grande vitesse d’est en ouest

Durant sa campagne, Joe Biden a pris de nombreux engagements en ce sens. Il veut amener le pays, aujourd’hui deuxième émetteur au monde de gaz à effet de serre au monde (derrière la Chine) sur une trajectoire compatible avec les accords de Paris, dans lesquels il va revenir dès mercredi 20 janvier. Le gouvernement américain pourrait ensuite financer l’installation de 500 000 bornes de recharges pour voitures électriques sur les routes américaines ou commencer à construire une ligne de train à grande vitesse allant d’est en ouest des États-Unis.

Il prévoit aussi d’augmenter le salaire minimum de 7,25 à 15 dollars (12,4 €) par heure et d’alourdir l’impôt pour les 5 % de foyers fiscaux les plus riches, ceux ayant des revenus supérieurs à 400 000 dollars par an (331 000 €). L’impôt sur les sociétés serait également relevé de 21 % à 28 %. Enfin, il entend réserver le bénéfice de certaines mesures sociales aux minorités : les noirs, les hispaniques et les Amérindiens.

Taxer les géants du numérique

Autre mesure innovante par rapport à l’administration précédente : la future secrétaire au Trésor Janet Yellen a estimé mardi 19 janvier que la taxe internationale sur les géants du numérique, en discussion dans le cadre de l’OCDE, permettrait aux États-Unis de récolter une «juste part» auprès des entreprises. Un projet combattu jusque-là par l’administration Trump.

Joe Biden va devoir négocier avec le Sénat

Pour mettre en œuvre ces ambitieux projets, il existe cependant un obstacle. La nouvelle administration va devoir obtenir le soutien du Sénat. « La moitié des dépenses proposées dans le plan de soutien peut être votée avec une majorité simple (51 voix) ; le Parti démocrate en dispose. L’autre moitié nécessite vraisemblablement une majorité qualifiée de 60 voix », relève Hervé Goulletquer, économiste de La Banque postale Asset Management.

Le camp républicain devrait soutenir facilement les mesures d’urgence, comme l’envoi de chèques aux contribuables. Mais ils seront beaucoup plus durs à convaincre pour voter le relèvement du salaire minimum. L’administration Biden peut toujours faire passer certaines mesures dans le budget, qui est voté à la majorité simple. Pour le reste, Joe Biden, qui a longtemps siégé au Sénat, devra négocier pour arracher des voix, une à une. Il est donc difficile de dire ce qui pourra être mis en œuvre, par rapport à son ambition de départ.