Eco-franc CFA : et si le pétrole était un obstacle à l’intégration ?

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Mis à jour le 21 mai 2021 à 19h05
 
 

Par  Edgard Gnansounou

Edgard Gnansounou est de nationalités béninoise et suisse. Spécialiste de questions énergétiques et professeur à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, il est également l'auteur de "En finir avec le franc des colonies françaises d'Afrique" (L'harmattan/Études africaines, 2012)

Découvert en 2003, le champ d’Egina se situe dans des profondeurs d’eau entre 1 400 et 1 700 mètres, à 200 kilomètres au large de Port Harcourt.

Découvert en 2003, le champ d'Egina se situe dans des profondeurs d’eau entre 1 400 et 1 700 mètres,
à 200 kilomètres au large de Port Harcourt. © Total.com

[Tribune] En analysant la seule question monétaire, le colloque organisé à la fin de mai à l’université de Lomé risque d’omettre un aspect clé du développement en Afrique de l’Ouest, selon le spécialiste des questions énergétiques Edgard Gnansounou.

L’économiste Kako Nubukpo, nouveau commissaire de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (Uemoa), invite à Lomé du 26 au 28 mai 2021 d’éminentes personnalités de la société civile africaine pour se pencher sur le berceau de la monnaie unique.

Le thème choisi (Quelle monnaie pour quel développement en Afrique de l’Ouest ?) laisse à penser que le développement de cette sous-région sera au centre de ce colloque. Malheureusement, certains facteurs pourraient restreindre cette heureuse initiative à des débats désincarnés sur la question du franc CFA et de l’eco.

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LA SOUS-RÉGION SUBIT DES CYCLES ÉCONOMIQUES INVERSÉS ENTRE LE NIGERIA ET SES VOISINS FRANCOPHONES

Les anglophones absents

D’une part, les personnalités anglophones ne sont pas annoncées. Or, le Nigeria, première puissance africaine, constitue la pierre angulaire du développement économique de la sous-région.

Un autre piège consisterait à placer la question monétaire au cœur des débats sans la soumettre au mode de développement économique que la sous-région s’est choisi.

Enfin, l’ambiguïté entre le projet de monnaie unique de la Cedeao et la transformation du franc CFA en eco n’est pas levée par les organisateurs. Pourtant, le but affiché est de proposer, au terme du colloque, une nouvelle feuille de route aux chefs d’État de la Cedeao. On peut craindre qu’une telle ambition ne permette guère de sortir des sentiers battus. Que de feuilles de route sont tombées en désuétude…

Sortir de l’inégalité des termes de l’échange

L’Afrique de l’Ouest a besoin de s’industrialiser pour sortir de la vulnérabilité et doit, pour ce faire  à l’instar de la plupart des régions du monde – d’abord compter sur son marché intérieur. Or, si les échanges intracommunautaires progressent, ils restent très largement en deçà des attentes.

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LES EFFORTS DE DIVERSIFICATION DU NIGERIA COMMENCENT À PORTER LEURS FRUITS

De nombreuses frictions commerciales persistent malgré l’existence d’un traité de libre circulation des personnes et des biens, et d’un tarif extérieur commun qui auraient dû fluidifier et dynamiser les transactions commerciales entre les pays membres de la Cedeao.

Le développement de la sous-région subit des cycles économiques inversés entre le Nigeria, qui dépend de manière prépondérante des exportations de pétrole, et les autres pays membres de la Cedeao, importateurs nets de produits pétroliers. Les efforts de diversification de la première économie africaine commencent cependant à porter leurs fruits.

Ainsi, le Nigeria a montré une bonne résilience à la double crise liée au Covid-19 et à la baisse drastique des cours du pétrole. Le pays a beau avoir connu une récession économique (baisse du PIB de -4,3 % en 2020), il en est rapidement sorti : sa croissance est attendue à + 1,7 % en 2021.

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L’AFRIQUE DE L’OUEST DOIT CHOISIR SA PROPRE VOIE POUR VIABILISER SON ESPACE ÉCONOMIQUE ET GÉOPOLITIQUE

En revanche, le Bénin, importateur net de produits pétroliers malgré une baisse de -4,6 points de croissance a connu une hausse de son PIB de +2,3 % en 2020 ; le Ghana et la Côte d’Ivoire ont également échappé à la récession économique.

Une double nécessité

Contrairement à une idée répandue, l’intégration économique de la sous-région, si elle doit résulter d’une volonté politique plus ferme que celle montrée à ce jour doit aussi tenir compte d’une double nécessité. Celle de l’industrialisation et celle des efforts en cours au Nigeria et dans les nouveaux pays producteurs de pétrole pour diversifier leurs économies.

Il y a donc une impérieuse nécessité à d’abord trouver la bonne séquence de l’intégration puis à adapter, en conséquence, les étapes d’unification monétaire.

Pour y parvenir, l’Uemoa doit impérativement se libérer de la tutelle de la France car ce contexte parasite toute réflexion stratégique sur l’ensemble de la zone Cedeao.

L’Afrique de l’Ouest doit choisir sa propre voie pour viabiliser son espace économique et géopolitique. Elle doit mettre un terme à la politique des petits bras et au mimétisme stérile. Elle est condamnée à innover en matière de stratégie politique et économique.