Assassinat de Thomas Sankara : un procès sans Blaise Compaoré ?

| Par Jeune Afrique
Le capitaine Thomas Sankara, président du Burkina Faso, le 7 février 1986 à Paris.
Le capitaine Thomas Sankara, président du Burkina Faso, le 7 février 1986 à Paris. © PASCAL GEORGE / AFP

Le procureur militaire a annoncé l’ouverture du procès des assassins présumés de l’ancien président burkinabè et de ses compagnons, tués en octobre 1987. Parmi les accusés figure Blaise Compaoré, exilé en Côte d’Ivoire depuis sa chute.

Depuis le 14 avril, le procès semblait inéluctable. Ce jour-là, la chambre de contrôle de l’instruction avait renvoyé le dossier de l’assassinat de l’ancien président Thomas Sankara et de ses douze compagnons en jugement devant le tribunal militaire de Ouagadougou.

En annonçant, ce mardi 17 août, qu’une date a finalement été retenue, le procureur militaire vient donc confirmer que justice va être rendue dans ce dossier vieux de trente-quatre ans : ce sera le 11 octobre 2021, à partir de 9 heures. « Cette audience de la chambre de jugement, délocalisée dans la salle des banquets de Ouaga 2000, est publique », est-il précisé dans un communiqué. Les Burkinabè sont invités à suivre les audiences dans cette salle des fêtes transformée pour l’occasion en tribunal.

« Attentat à la sûreté de l’État »

Quatorze personnes vont être jugées pour l’assassinat du père de la révolution burkinabè, le 15 octobre 1987 : l’ancien président Blaise Compaoré ; Gilbert Diendéré, qui est déjà sous le coup d’une condamnation à vingt ans de prison pour le putsch manqué de 2015 ; Hyacinthe Kafando ; Bossobè Traoré ; Nabonswendé Ouédraogo ; Idrissa Sawadogo ; Yamba Elysée Ilboudo ; Tibo Ouédraogo ; Albert Pascal Sibidi Belemlilga ; Diakalia Démé ; Mori Aldjouma Jean-Pierre Palm ; Alidou Jean Christophe Diébré ; Hamado Kafando et Ninda Tondé.

Blaise Compaoré et Gilbert Diendéré sont accusés d’« attentat à la sûreté de l’État » et de « complicité d’assassinat ». L’ex-président et celui qui fut son chef d’état-major particulier sont également poursuivis pour « recel de cadavres ». Les charges d’« assassinat », que l’accusation avait initialement réclamées à l’encontre de Diendéré, n’ont finalement pas été retenues, mais il sera poursuivi pour « subornation de témoins ».

Quatre hommes, qui comptaient parmi les gardes du corps de Blaise Compaoré à l’époque des faits, seront pour leur part jugés pour « assassinat ». Il s’agit de Nabonsouindé Ouedraogo, Idrissa Sawadogo, Yamba Élysée Ilboudo et Hyacinthe Kafando.

Ce dossier politico-judiciaire a été relancé après la chute de Blaise Compaoré en octobre 2014. Si le cas de l’ex-président cristallise l’attention, il y a toutefois peu de chances qu’il assiste à son procès. En exil en Côte d’Ivoire depuis 2014, pays dont il a pris la nationalité, il ne devrait pas être extradé malgré les mandats d’amener délivrés par la justice burkinabè.

Retour au pays compromis

Depuis quelques mois, des discussions ont lieu entre les autorités des deux pays. Alors que Roch Marc Christian Kaboré a placé son second mandat sous le signe de la réconciliation, les partisans de Blaise Compaoré ont fait de son retour l’une des conditions de leur participation à d’éventuelles discussions. Zéphirin Diabré et Kouadio Konan Bertin, ministres de la Réconciliation respectifs des deux pays, ont d’ailleurs échangé sur la question.

L’annonce de l’ouverture prochaine du procès compromet néanmoins l’hypothèse d’un retour. « Cela serait évidemment mieux que Blaise Compaoré soit là, avait confié en mars dernier à Jeune Afrique Me Guy Hervé Kam, avocat de certaines familles de victimes. Mais il y a suffisamment d’éléments et de témoignages dans le dossier qui permettent de montrer qu’il était le cerveau de cette affaire. »