Chute d’Alpha Condé en Guinée : un putsch 3.0 ?

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Mis à jour le 09 septembre 2021 à 10h36
 
 

Par  Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Mamady Doumbouya a annoncé avoir pris le pouvoir par le biais des réseaux sociaux. Une première.

Ce dimanche, des treillis guinéens ont produit le remake de nombreux coups d’État africains. Un classicisme peut-être pas si classique, si l’on considère les vecteurs de communication employés…

A-t-on assisté, avec le coup de force du lieutenant-colonel guinéen Mamady Doumbouya, à un basculement dans les procédures communicationnelles putschistes ? Traditionnellement, dès qu’il s’agit d’exécuter des desseins constitutionnellement coupables, les militaires morveux se mouchent en bâillonnant Internet. « Réseaux sociaux » riment davantage avec « suivi des conformités électorales » qu’avec « annonce d’entorse à la Constitution ». Dans les minutes qui suivent une tentative de putsch, priorité est habituellement donnée à un contrôle des médias publics qui vaut presque validation d’une prise de pouvoir… 

Comme pour devancer l’iguane dans l’eau, c’est par une vidéo publiée sur les réseaux sociaux que le chef du Groupement des forces spéciales guinéennes a décidé d’assumer, en toute première instance, l’arrestation du chef de l’État et la dissolution des institutions.

Dans une tenue militaire généralement maladroitement représentée sur la toile et sur des plateformes qui symbolisent la personnalisation à outrance des citoyens lambda, Mamady Doumbouya a stigmatisé la… « personnalisation de la vie politique ». En prime : des lunettes de soleil incongrues pour qui veut parler à son peuple les yeux dans les yeux et l’ouverture, dès lundi, d’un compte Twitter personnel mais « régalien », « @PresidentCNRD », compte inauguré par une citation du « putschiste démocrate » ghanéen John Jerry Rawlings.

Des airs de pastiche

N’était-ce qu’une simple question de timing, la mise en branle des médias publics nécessitant un temps qui permettrait à certains adversaires de couper l’herbe communicationnelle sous le pied des putschistes ? Certes, les générations les moins connectées ont eu droit au classique des classiques : l’allocution télévisée engoncée qui ressemble toujours à une quête du record du nombre de militaires patibulaires dans un petit écran.

Avec des airs de pastiche, la version guinéenne de 2021 n’a dérogé, sur la RTG, ni aux règles de l’outrance –en termes d’équipements militaires intimidants ou d’utilisation désordonnée des couleurs nationales–, ni à l’usage des « tartes à la crème » rhétoriques dont la plus goûteuse est la volonté affichée de ne pas monopoliser longtemps le pouvoir…

Comme pour enfoncer le clou du scoop viral, l’annonce en média traditionnel autorise les chaînes d’information occidentales à se délester du conditionnel.

Alpha Condé : l’autre image virale


Alpha Condé, entouré des militaires des Forces spéciales qui ont procédé à son « arrestation », le dimanche 5 septembre 2021. © DR

 

Ancien légionnaire de l’armée française, le nouvel homme fort de Guinée a certainement remarqué que les puissants du monde occidental descendent de plus en plus dans l’arène numérique, d’un Trump twittos très inspiré pas ses insomnies à un Macron jouant le jeu des YouTubeurs Mcfly et Carlito. Par ailleurs, peut-être le Guinéen était-il convaincu qu’il contenterait cette « masse populaire » dont il faut, d’habitude, ralentir les réactions virales.

L’autre image virale de ce dimanche fut la captation audiovisuelle d’Alpha Condé aux arrêts. Censées valider le respect des droits humains du déchu, les images ont circulé au point d’inspirer rapidement des mèmes au goût de challenge, celui de reconstituer la scène déjà historique. Des acteurs amateurs singent le président renversé avec force de détails : la chemise bariolée débraillée au niveau du ventre ou la posture négligée, dos voûté, main au menton et pied nu sur le canapé. Parce qu’il faut en rire, tant que ne manque aucune raison de pleurer la faillite politique…