Ressources naturelles : comment éviter une nouvelle « ruée vers l’Afrique »
Une nouvelle course vers les ressources naturelles du continent s’annonce, à l’orée des transitions énergétiques et numériques en cours. Aussi, un autre mode de gouvernance mondiale s’impose.
Les ressources naturelles, qu’elles proviennent de l’eau, de la terre, du sous-sol ou de l’air, doivent être considérées comme des biens communs, destinés à être partagés par tous. Cela signifie que leurs mécanismes de gouvernance doivent être harmonisés à tous les niveaux – local, national, régional et mondial – pour garantir une exploitation durable, respectueuse de l’environnement et des personnes qui en dépendent. Mais cela s’est avéré très complexe.
Des transitions simultanées
La course aux ressources naturelles pour alimenter les transitions énergétiques et numériques simultanées que connaît le monde fait rage parmi les grandes puissances. Ces deux transitions reposent fortement sur des technologies qui nécessitent des ressources telles que les terres rares pour les semi-conducteurs, le cobalt pour les batteries et l’uranium pour l’énergie nucléaire.
Mais ces évolutions signifient également que les ressources naturelles historiquement précieuses et leurs investissements associés – principalement liés au pétrole et à d’autres combustibles fossiles – finiront par se retrouver bloquées avec de graves conséquences pour les pays qui dépendent presque totalement de ces actifs, en particulier ceux dans lesquels les capacités de l’État sont faibles.
https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">UNE GOUVERNANCE TRANSNATIONALE EST ESSENTIELLE POUR PARVENIR À UNE EXPLOITATION ORDONNÉE, DURABLE ET INCLUSIVE
Le dernier « super-cycle » des prix du pétrole pourrait déjà être en cours, dont la fin pourrait annoncer une augmentation du nombre d’États en faillite.
Cette course s’est intensifiée à mesure que les grandes puissances sont entrées dans des rivalités stratégiques – en particulier entre les États-Unis et la Chine, mais aussi entre cette dernière et l’Europe. Cette fois, une gouvernance transnationale appropriée des ressources naturelles s’avère essentielle pour parvenir à une exploitation ordonnée, durable et inclusive afin que ces transitions ne laissent pas les gens de côté, en particulier ceux des pays en développement.
La volatilité, la perte de compétitivité, l’endettement excessif et même les conflits internes et externes sur l’accès aux ressources se sont révélés être à l’origine de la baisse de performance des pays qui en possèdent en abondance. La recherche a montré que les bonnes institutions, sans surprise, modèrent cette malédiction.
Il s’agit, d’une part, des politiques et des institutions qui régissent l’ouverture du secteur pour attirer les investissements et donc générer des revenus pour l’État. Et, d’autre part, des institutions de redistribution qui régissent la manière dont les produits de l’exploitation de ces ressources sont utilisés et profitent aux populations, y compris en matière de capital humain.
L’échec des réglementations nationales
Il se trouve que la réglementation au niveau national a souvent échoué à résoudre les problèmes de surexploitation des ressources naturelles ainsi que les problèmes de déplacement, de dégradation de l’environnement et de risque pour la biodiversité, qui sont souvent mieux traités au niveau local.
https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">LES CONSOMMATEURS DES ÉCONOMIES AVANCÉES SEMBLENT MODIFIER LEUR COMPORTEMENT VIS-À-VIS DE L’ENVIRONNEMENT
Certes, un certain nombre d’initiatives internationales axées principalement sur la transparence existent : l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) et la Charte des ressources naturelles. De même, plusieurs organisations non gouvernementales ont été très actives dans ce domaine. Enfin, la législation des États-Unis et de l’Union européenne s’efforce de responsabiliser leurs sociétés multinationales en exigeant qu’elles divulguent leurs pratiques dans leurs pays d’opération.
Les normes environnementales, sociales et de gouvernance d’entreprise (ESG) peuvent permettre aux investisseurs d’évaluer le comportement responsable d’une firme sur le plan environnemental. Mais on ne sait pas si les évaluations ESG sont suffisantes pour forcer les entreprises à internaliser les externalités – complexes à situer à différents niveaux – nécessaires pour parvenir à un comportement durable.
https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">DES TRANSFERTS DE TECHNOLOGIES DES ÉCONOMIES AVANCÉES VERS LES ÉCONOMIES EN DÉVELOPPEMENT SERONT NÉCESSAIRES
De plus, on ne sait pas non plus si et comment elles pourraient être appliquées. Par ailleurs, les consommateurs des économies avancées semblent modifier leur comportement vis-à-vis de l’environnement, ce qui est un signe encourageant.
Le défi de toutes ces initiatives est de surmonter la difficulté de les traduire dans le bon contexte et de favoriser l’appropriation, en particulier aux niveaux local et national. Il faut faire plus pour intégrer les acteurs locaux, nationaux, régionaux et mondiaux afin d’obtenir de meilleurs résultats.
Les interactions entre l’Union européenne, l’Afrique et la Chine sont cruciales
Les relations de l’Union européenne avec l’Afrique et la Chine seront cruciales pour façonner la gouvernance transnationale des ressources naturelles. Pékin devra, entre autres, tenir compte des interdépendances liées à la paix et à la stabilité, à la santé mondiale et aux problèmes climatiques dans un monde de plus en plus organisé en blocs.
https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">IL FAUDRA DES MOYENS POUR GARANTIR QUE LES IDE FOURNISSENT DES CONTENUS LOCAUX ET DES EMPLOIS
Pour autant, si les « externalités doivent être internalisées », il faudra d’une part des transferts de technologies des économies avancées vers les économies en développement pour leur fournir les outils nécessaires face à la menace du changement climatique et pour atteindre les objectifs climatiques. De la même façon, un accès facilité aux marchés internationaux des capitaux pour ces économies sera nécessaire, via, entre autres, des obligations vertes, naturelles ou bleues au lieu de prêts opaques garantis par des ressources avec des créanciers non traditionnels tels que la Chine.
De plus, il faudra des moyens pour garantir que les investissements directs étrangers fournissent des contenus locaux et des emplois pour répondre au mécontentement croissant des jeunes de plus en plus éduqués et terriblement sous-employés dans les pays en développement.
En définitive, l’approfondissement de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) devrait s’accompagner d’arrangements cohérents au niveau régional sur les politiques fiscales, commerciales, de concurrence et financières. L’exemple de l’Union européenne montre l’importance de mettre l’accent sur les secteurs de l’énergie, de l’agriculture et des ressources minérales en tant qu’éléments fondamentaux de cette intégration et de ce partenariat. Cela est nécessaire pour garantir la durabilité de ces investissements pour toutes les parties.