Pour le FMI, « un retour à la normale en Afrique subsaharienne sera loin d’être évident »
Le Fonds monétaire international estime que les dégâts considérables liés aux effets de la crise de Covid-19, le faible taux de vaccination et l’aggravation du surendettement vont entraver durablement la relance des économies.
Le Fonds monétaire international (FMI) n’est pas optimiste pour la convalescence des 45 États d’Afrique subsaharienne. Certes, ses prévisions publiées le 21 octobre confirment que la reprise est là : après une récession de 1,7 % en 2020, la région devrait connaître une croissance de 3,7 % en 2021 et de 3,8 % en 2022.
Les déficits budgétaires et courants, tout comme les pics d’inflation et d’endettement vont refluer après une forte poussée due à la lutte contre le coronavirus et au soutien des économies mises à mal par les mesures de protection sanitaire.
LA REPRISE DANS LA RÉGION EST LA PLUS LENTE DU MONDE
De même, plusieurs autres indicateurs vont dans le bon sens. Le tourisme a redémarré. Les récoltes ont été plutôt bonnes. Les exportations et les prix des matières premières renouent avec la hausse. Et les envois de fonds des émigrés ont repris.
Regain « encourageant mais relativement modéré »
Le dynamisme affiché par bien des économies semble donc vigoureux. Le Botswana caracole en tête avec une croissance de 9,2 %. Il est suivi des Seychelles (+6,9 %), du Burkina Faso (+6,7 %), de la Côte d’Ivoire (+6 %), du Kenya (+5,6 %), du Bénin (+5,5 %), du Niger (+5,4 %), du Soudan du Sud (+5,3 %), de la Guinée (+5,2 %), du Rwanda et du Zimbabwe (+5,1 %). Seuls demeurent en négatif l’Angola (-0,7 %), la République du Congo (-0,2 %) et la Centrafrique (-0,1 %).
Malgré cela, il faut raison garder. Comme le note le FMI, ce regain est « encourageant mais relativement modéré ». Abebe Aemro Selassie, directeur du département Afrique du Fonds, estime même qu’un « retour à la normale sera loin d’être évident » dans la région dont la reprise est la plus lente du monde.
30 MILLIONS D’AFRICAINS ONT BASCULÉ DANS L’EXTRÊME PAUVRETÉ
Car les dégâts sont là. La crise « a aggravé les facteurs de vulnérabilité et les inégalités qui préexistaient dans chaque pays ». La baisse réelle de la production par habitant due aux mesures de confinement restera durablement de 5,6 %. Jusqu’en 2025, la dette rapportée au produit intérieur brut demeurera supérieure à son niveau d’avant-crise de 4,4 points de pourcentage.
Le temps de travail s’est contracté de plus de 7 %, supprimant 22 millions d’emplois équivalent temps plein. L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes s’est aggravé. Trente millions d’Africains ont basculé dans l’extrême pauvreté.
Des décennies de progrès social anéanties
La pandémie a réduit à néant des décennies de progrès social pour deux raisons. La première est que, au début d’octobre, 2,5 % des populations d’Afrique subsaharienne seulement avaient reçu une vaccination complète, ce qui a eu pour effet d’entraver l’activité économique.
TROIS ENJEUX : RÉPONDRE AUX BESOINS DE DÉVELOPPEMENT, MAÎTRISER LA DETTE PUBLIQUE, AUGMENTER LES RECETTES FISCALES
La seconde est que la région n’a pas les moyens de relancer son économie comme l’ont fait les pays développés. « La moitié des pays à faible revenu d’Afrique subsaharienne connaissent une situation de surendettement ou présentent un risque élevé de surendettement, a rappelé Abebe Aemro Selassie. Davantage de pays pourraient rencontrer des difficultés à l’avenir puisque les paiements au titre du service de la dette absorbent une part grandissante des ressources de l’État. »
« Les dirigeants sont confrontés à trois enjeux budgétaires majeurs, a-t-il poursuivi. Répondre aux besoins de développement ; maîtriser la dette publique ; augmenter les recettes fiscales dans un contexte où cela est peu apprécié. » Une gageure en l’état de leurs moyens.
Des efforts réels mais pas à la hauteur de l’enjeu
Le FMI (24 milliards de dollars en 2021) mais aussi la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, la Banque islamique de développement et beaucoup de pays riches ont apporté des secours d’urgence à l’Afrique.
UNE ACTION MULTILATÉRALE COORDONNÉE ET DURABLE EST CAPITALE
L’augmentation des droits de tirage spéciaux du Fonds a permis, en août, d’injecter dans les caisses africaines 23 milliards de dollars. La suspension en 2020 et 2021 du service de la dette a allégé le fardeau de trente pays pour 6,2 milliards.
Mais ces efforts réels ne sont pas à la hauteur de l’enjeu, quand on sait qu’il faudrait à la région entre 30 et 50 milliards de dollars chaque année pour adapter ses villes, son agriculture et son mode de vie au changement climatique en cours.
« Une action multilatérale coordonnée et durable est capitale pour aider les pays à surmonter les effets de la pandémie et retrouver la convergence des revenus avec ceux des pays avancés d’avant la pandémie », conclut le Fonds.