Grève de la faim pour les migrants de Calais, la médiation se poursuit
Analyse
Un médiateur, Didier Leschi, a été envoyé à Calais pour discuter avec les trois personnes en grève de la faim pour dénoncer les conditions de vie des migrants. Après un premier échange le 27 octobre, la médiation va se poursuivre jeudi 28 octobre.
Le dialogue est amorcé mais il devra se poursuivre pour « construire des solutions », a déclaréDidier Leschi, le médiateur envoyé à Calais par le gouvernement, au sortir de sa réunion le 27 octobre après-midi, avec Philippe Demeestère, 72 ans, jésuite, Anaïs Vogel, 35 ans, Ludovic Holbein, 38 ans. Ces trois bénévoles à l’Auberge des migrants enchaînaient hier leur 16e jour de grève de la faim pour dénoncer le sort fait aux migrants à Calais.
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Tous trois sont installés depuis le 11 octobre dans l’église Saint-Pierre. Ils demandent la « suspension des expulsions quotidiennes et des démantèlements de campements, durant la trêve hivernale », l’« arrêt sans condition de toute confiscation des tentes et effets personnels des personnes exilées » durant la même période, et l’« ouverture d’un dialogue citoyen raisonné entre autorités publiques et associations non mandatées par l’État, sur l’ouverture et la localisation de points de distribution de tous biens nécessaires au maintien de la santé des personnes exilées ».
« Nous ne réclamons pas l’ouverture des frontières mais juste que l’État respecte la loi et cesse les traitements dégradants », avait résumé Anaïs Vogel au commencement de l’action.
Une première prise de contact
Didier Leschi, par ailleurs directeur général de l’office français de l’immigration et de l’intégration, ne s’est pas pour l’instant prononcé sur ces revendications. « C’est une première prise de contact, qui a duré plus d’une heure trente, et qui va se poursuivre demain », a-t-il précisé, avant de se rendre à la préfecture.
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Pour ce haut fonctionnaire, qui avait été un des acteurs du démantèlement de la « lande » de Calais, en 2016, « il faut arriver à construire des solutions entre deux pôles : d’une part, améliorer la mise en hébergement [des migrants], et d’autre part éviter la reconstitution d’une lande à Calais ». Les grévistes ne s’étaient pas prononcés à l’heure où nous bouclions cette édition.
Le 25 octobre, interpellé sur la grève de la faim de Calais lors d’un déplacement à Montbrison (Loire), Emmanuel Macron avait semblé découvrir le sujet, sur lequel le Secours catholique l’avait pourtant interpellé par un courrier en date du 13 octobre. Après s’être fait préciser à quelle association appartenaient les trois militants, le président avait alors assuré : « S’il y a trois personnes qui sont en grève de la faim, je vais le faire regarder dès ce soir. Je vous le garantis. » Le lendemain, le ministère de l’intérieur dépêchait Didier Leschi sur place.
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Né en 1959, ce haut fonctionnaire, compagnon de route de Jean-Pierre Chevènement, expert reconnu sur la laïcité, a été préfet délégué pour l’égalité des chances en Seine-Saint-Denis avant de prendre en 2013 la direction de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). À la tête de cet organisme qui s’occupe notamment des conditions matérielles d’accueil (droit à hébergement et allocation) des demandeurs d’asile, il se retrouve fréquemment dans le collimateur des associations nationales d’aide aux migrants.
Évacuations quasi quotidiennes
Il lui faudra user de toute son expérience pour trouver une solution, qui préserve l’exigence d’humanité demandée par les grévistes et la fermeté mise en œuvre sous le mandat d’Emmanuel Macron.
En 2016, sous François Hollande, le gouvernement avait réussi à démanteler un campement géant de plus de 8 000 migrants en leur permettant de demander l’asile en France, y compris pour ceux qui relevaient d’un autre État européen, grâce à l’utilisation d’une clause permise par le règlement de Dublin. Mais depuis, d’autres migrants sont arrivés et les forces de l’ordre ont eu pour consigne de ne pas les laisser se réinstaller.
Sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, qui avait souhaité qu’aucun migrant ne soit laissé à la rue, ces évacuations se sont accélérées, devenant quasi quotidiennes. Les tentes et effets personnels saisis sont emmenés dans des bennes, jusqu’à une ressourcerie où les migrants, s’ils sont accompagnés par une association, peuvent théoriquement les récupérer en fin de journée. En 2020, selon Human Rights Observers, sur le peu de personnes ayant eu accès à la Ressourcerie, 73 % n’ont pas retrouvé leurs effets personnels saisis durant les opérations d’expulsion.
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À la suite de la grève de la faim, le préfet du Pas-de-Calais Louis Le Franc avait annoncé la semaine dernière sa décision d’établir un « nouveau protocole de restitution des effets personnels que les migrants auraient pu perdre lors des opérations d’évacuation ». Il a aussi été annoncé que les réunions avec les associations seraient plus nombreuses.
La préfecture communique également sur le fait qu’« un dispositif humanitaire de proximité, unique en France, est mis en œuvre à Calais », comprenant des mises à l’abri dans des centres éloignés de Calais, la distribution de repas et la mise à disposition d’eau et de sanitaires par une association agréée. Il avait fallu un bras de fer juridique avec les associations pour que l’État soit contraint à fournir ces prestations.