Médicaments : quatre chiffres qui illustrent l’énorme potentiel africain
La pandémie a mis en évidence la dépendance de l’Afrique à l’égard de l’étranger : 90 % des médicaments du continent sont importés. Ce qui laisse un boulevard pour développer l’industrie pharmaceutique locale.
Dans un contexte où seulement 4,4 % de la population du continent est entièrement vaccinée contre le coronavirus, les gouvernements africains, soutenus par les entreprises locales et les militants de la santé, soulignent la nécessité de développer la production de médicaments sur place.
Au regard de la situation actuelle, cela ouvre des opportunités d’investissement de plusieurs milliards de dollars pour l’industrie pharmaceutique. La preuve en quatre chiffres :
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5,9 % de croissance par an
Les dernières estimations de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), dirigée par Vera Songwe, montrent que le continent importe chaque année pour plus de 16 milliards de dollars de produits médicaux. Or, le développement d’une industrie pharmaceutique locale permet de soutenir les économies nationales, en créant des emplois, encourageant la recherche et facilitant l’accès aux médicaments en cas d’épidémie.
S’appuyant sur ce constat, les investisseurs, chinois mais pas aussi européens et américains, entre autres, indiquent vouloir tirer profit de la demande, en renforçant les capacités de fabrication de médicaments sur le continent, ce qui devrait concurrencer les sociétés pharmaceutiques asiatiques qui exportent aujourd’hui principalement des médicaments génériques bon marché.
Ainsi, selon les estimations, le marché pharmaceutique africain devrait croître à un taux annuel de 5,9 % entre 2018 et 2022 pour atteindre une valeur totale de plus de 25 milliards de dollars.
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415 millions de doses de vaccins
Cette semaine, le fabricant sud-africain de médicaments Aspen Pharmacare a dévoilé une chaîne de production d’anesthésiques généraux dans son usine phare de Gqeberha, au Cap-Oriental. Il s’agit de la plus grande usine de produits d’anesthésie générale de l’hémisphère sud, qui fait partie d’une opération plus large d’Aspen. En 2019, ce dernier a commencé à produire des doses du vaccin Covid-19 de Johnson & Johnson.
L’AFRIQUE EST PEUT-ÊTRE LE SEUL MARCHÉ PHARMACEUTIQUE OÙ UNE CROISSANCE ÉLEVÉE EST ENCORE RÉALISABLE
Lors de la mise en service de l’usine, le ministre sud-africain du Commerce, de l’Industrie et de la Concurrence, Ebrahim Patel, l’a qualifiée d’étape majeure, étant donné qu’elle peut être rééquipée pour produire jusqu’à 415 millions de doses de vaccin anti Covid-19 par an.
En début d’année, Aspen a toutefois suscité la colère de membres de la société civile lorsqu’il est apparu qu’un pourcentage important de sa capacité de production (220 millions de doses de vaccin anti Covid-19) était destiné à l’Europe. Une action rapide des dirigeants européens et de l’Union africaine a permis de réorienter ces vaccins vers l’Afrique.
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375 fabricants de médicaments
Le pic d’investissements dans l’industrie pharmaceutique africaine n’est pas un hasard. Selon McKinsey & Company, « l’Afrique est peut-être le seul marché pharmaceutique où une croissance véritablement élevée est encore réalisable ».
Même son de cloche de la part d’IFC, filiale privée de la Banque mondiale, qui souligne que l’Afrique compte encore très peu d’entreprises de fabrication de produits pharmaceutiques locales ou régionales. Selon les données de l’institution, il existe environ 375 fabricants de médicaments – principalement en Afrique du Nord – qui desservent une population d’un peu plus de 1,1 milliard de personnes. À titre de comparaison, la Chine et l’Inde, qui comptent chacune environ 1,4 milliard d’habitants, comptent respectivement 5 000 et 10 500 fabricants de médicaments.
« Les fabricants subsahariens sont largement regroupés dans neuf des 46 pays de la zone », notait McKinsey dans un rapport de 2019.
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500 millions de dollars d’investissement
Les « Big Pharma » ont donc désormais les yeux rivés sur le continent. La société de biotechnologie Moderna a déjà dévoilé en octobre son intention de dépenser jusqu’à 500 millions de dollars pour construire une nouvelle usine en Afrique, aussi bien pour fabriquer des doses de son vaccin contre le Covid-19 que pour y produire d’autres types de vaccins.
Pfizer et BioNTech ont également conclu un accord avec l’Institut Biovac d’Afrique du Sud pour aider à la fabrication d’environ 100 millions de doses par an de leur vaccin à destination de l’Union Africaine. Il est à noter que BioNTech a déjà conclu un accord avec la Fondation Bill et Melinda Gates pour développer des programmes de lutte contre le VIH et la tuberculose en Afrique.
Les sociétés pharmaceutiques de plus petite taille mais aussi les distributeurs devraient également chercher à se développer tandis que les gouvernements se sont engagés à augmenter les financements des installations publiques de recherche médicale.