Comment Conakry a mis en échec une tentative de saisie d’un avion d’Air Côte d’Ivoire  

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 30 novembre 2021 à 12:54
 


Un Airbus A319 de la compagnie Air Côte d’Ivoire. © DR

S’appuyant sur une décision de justice de la Cedeao, l’homme d’affaires Oumar Diawara avait obtenu en Guinée l’immobilisation d’un nouvel appareil de la compagnie nationale ivoirienne. Mais les autorités locales l’ont empêché de mener à bien son opération.

Selon les informations de Jeune Afrique, l’homme d’affaires congolo-malien Oumar Diawara a tenté de saisir, le 29 novembre, un Airbus A319 d’Air Côte d’Ivoire lors de son escale à Conakry. Et ce, en vertu d’un arrêt rendu en sa faveur le 22 octobre par la Cour de justice de la Cedeao.

Si la formule exécutoire de cette décision, obtenue auprès de la Cour suprême de Guinée, a bien été produite auprès du représentant de la société de gestion et d’exploitation de l’aéroport de Conakry Gbessia (Sogeac), comme l’atteste un document que nous avons consulté, c’est le lieutenant-colonel Kalidou Diallo, commandant de la gendarmerie des transports aériens, qui a ensuite refusé de retenir l’appareil au sol.

« État d’exception »

Le militaire a indiqué que le pays connaissait actuellement un état d’exception et qu’il ne pouvait agir sans une autorisation expresse du ministre de la Défense.

Cette tentative de saisie fait suite à une première immobilisation d’un A319 de la compagnie ivoirienne, obtenue le 22 novembre à Bamako. L’avion avait finalement redécollé, quasiment sans retard, après des tractations avec la direction d’Air Côte d’Ivoire et le gouvernement malien. Toujours selon nos informations, les autorités du Niger, du Sénégal et du Ghana auraient également été impliquées dans ces négociations.

Conakry a ainsi souhaité éviter un incident diplomatique, alors que les chefs d’État de la Cedeao devraient décider de nouvelles sanctions à l’égard des juntes au pouvoir en Guinée et au Mali, lors du sommet prévu le 12 décembre.

Excuses

À Bamako, Mahamadou Kassogué, le ministre de la Justice a lui aussi, après coup, souhaité prendre ses distances avec l’opération montée par Oumar Diawara en demandant le 26 novembre au procureur général près la Cour d’appel d’ouvrir une enquête pour faire la lumière sur cette affaire. Le gouvernement malien a également présenté ses excuses aux autorités ivoiriennes.

La veille, Amadou Coulibaly, ministre de la Communication de Côte d’Ivoire et porte-parole du gouvernement, avait fait lire un communiqué lors du journal télévisé de la chaîne publique RTI dans lequel il assurait que toutes les dispositions avaient été prises pour préserver les intérêts de l’État et éviter que de nouvelles saisies ne se reproduisent.

Abidjan, qui juge que l’arrêt de la Cedeao a été pris en violation de ses droits, a réaffirmé par la voix d’Amadou Coulibaly vouloir user de toutes les voies de droit pour le contester, dans le respect des institutions communautaires et de ses engagements internationaux.

Gain de cause

Oumar Diawara est soupçonné par la juge ivoirienne Blanche Essoh Abanet d’avoir irrégulièrement acquis en 2017 Perl Invest, l’ex-filiale immobilière de BNI Gestion. Début 2021, la magistrate avait décidé de réattribuer l’ensemble des actifs de cette dernière à son ancienne maison mère.

Dans la foulée, l’homme d’affaires a saisi la Cour de justice de la Cedeao et finalement obtenu gain de cause le 22 octobre, l’État de Côte d’Ivoire devant, sans délai, lui rendre les 50 hectares de terres confisqués et lui payer 1,3 milliard de F CFA (près de 2 millions d’euros) de dommages et intérêts.

En dépit de cette décision, la justice ivoirienne a décidé de maintenir les poursuites engagées contre Oumar Diawara, dont le procès devant le pôle pénal économique et financier du tribunal de première instance d’Abidjan, après avoir été ajourné le 25 novembre, doit se tenir le 2 décembre.