TIKONDANE
LES ENFANTS DE LA RUE AU MALAWI



Les enfants dans la rue sont généralement perçus comme étant des enfants difficiles, voleurs, mendiants, vagabonds voire de petits bandits. Dès le départ, ils sont donc très vulnérables et soumis à toutes les formes d’abus et de souffrance alors que leur plus grand besoin serait d’être protégés et pris en soin. Ce sont ces jeunes précisément qui reçoivent l’attention de Tikondane. Le groupe que nous cherchons spécialement à aider ? Les garçons de moins de 14 ans, et les filles qui, vu leur plus grande vulnérabilité, sont gardées même jusqu’à un âge un peu plus avancé.

Nos sœurs du Malawi ayant observé le nombre grandissant d’enfants vivant de et dans la rue, ont été touchées par ce phénomène en pleine crois-sance dans leur ville ; quel avenir possible pour ces enfants ? C’est pour tenter de répondre à cette question qu’en 1997, elles ouvrent le centre de Tidondane. Toute aide débute par la rencontre : il faut d’abord les voir ces enfants, les trouver et les aborder là où ils sont : aller nous-mêmes dans les rues. Ensuite, il s’agit de leur offrir un abri, en attente d’être réintégrés soit dans leur famille, soit dans le système scolaire. La réinsertion des enfants dans leur famille et le fait de leur offrir un soutien psychosocial ainsi qu’à leur famille est pour nous le plus important.

Il y a quelques années, Tikondane a lancé une initiative que nous appelons «programme d’internat». Son objectif est de fournir à l’enfant un foyer temporaire et un environnement protecteur, du moins pendant la période de scolarité. Pendant ce temps, les travailleurs sociaux contactent les familles et essaient de renouer les liens et de créer des avenues qui permettront à l’enfant – dont ils ont été sans nouvelles souvent depuis longtemps – d’être reçu et réintégré de nouveau dans la famille ou dans sa parenté.

Ce programme fonctionne bien pour l’enfant, mais le grand défi c’est que l’environnement social ne change pas aussi vite en sa faveur. Nous réalisons donc que nous devons continuer à soutenir 99% des enfants que nous avons placés dans des internats, sinon ils retourneraient infailliblement à la rue, en raison de l’appui insuffisant reçu de leurs familles. Si nous les soutenons jusqu’à ce qu’ils terminent leurs études secondaires, ayant grandi eux-mêmes, ils ont alors une meilleure chance de pouvoir se prendre en main. C’est avec ces groupes surtout que nous travaillons.

Ces jeunes enfants, filles et garçons, rêvent d’un avenir radieux, certains veulent étudier les sciences politiques, la médecine, le droit, la littérature ; ils désirent se rendre utiles dans la vie, et à leur tour, pouvoir aider d’autres enfants vulnérables. Je vois en eux un grand potentiel ; ils cherchent à donner le meilleur d’eux-mêmes et ne manquent aucune occasion d’apprendre quelque chose quand l’opportunité leur est offerte.

Ils nous accompagnent et ont leur rôle à jouer dans nos tournées éducationnelles portant sur la défense et le soutien à donner aux enfants. Nous leur avons parlé de leurs droits et responsabilités. Nous leur offrons une occasion de participer à différentes activités afin qu’ils puissent contribuer de façon positive à la sensibilisation du public sur les droits des enfants. Avec eux, nous organisons des événements tels que les journées portes ouvertes, un spectacle de talents à l’occasion de Noël ; nous contribuons aussi à la Journée de l’enfant africain, etc., tout ce qui peut les aider à donner le meilleur d’eux-mêmes. Pour la plupart d’entre eux, nous remarquons que ces événements renforcent l’estime de soi et contribuent à donner une bonne base pour toute leur vie.

C’est en leur donnant l’occasion de participer pleinement à la transformation de leur propre vie, dans le présent, que l’avenir de ces jeunes se construit. Le secret de tout ce processus de travail avec les enfants de la rue débute par une relation qui est à construire avec chaque enfant. Elle marque le commencement d’un nouveau cheminement avec cet enfant. Le but de notre travail n’est pas simplement de retirer un enfant de la rue, mais plutôt de lui montrer l’amour et l’intérêt que nous lui portons, en termes de : « Je me soucie, je suis vrai, je suis ici pour t’aider à trouver des alternatives à la difficile situation à laquelle tu fais face. » L’enfant est donc engagé en tant que sujet dans un cheminement qui l’amènera vers une vie nouvelle. La pleine participation de l’enfant ou de l’adolescent dans ce qui lui arrive aujourd’hui est la base pour l’aider à créer un avenir plein d’espoir. À travers ce ministère, je vis pleinement notre charisme SMNDA. La situation de ces enfants est semblable à celle des enfants que nos premières sœurs prenaient en charge. Certes, comme alors, nous leur donnons ce dont ils ont besoin, et en plus, nous abordons la situation avec une lentille spéciale, celle des « droits de l’enfant ».

Nous sommes en réseaux avec d’autres acteurs agissant sur le même terrain ; réseaux au niveau national et international unissant nos forces pour cette même cause.

Réfléchissant sur le thème de notre dernier Chapitre : « ...faire advenir une création réconciliée », je reconnais que c’est en moi comme un feu. Comme je suis en route pour « devenir moi-même une création réconciliée », ce ministère me parle et il me tient à cœur d’aider ces jeunes à se réconcilier avec leur famille, leur histoire ; à se réintégrer dans la communauté des vivants et de nouveau, aujourd’hui, être partie intégrante de la communauté pour un avenir meilleur.

Sr Florence Mwamba Malunga, Lilongwe, Malawi