COP 26 : cinq leviers pour limiter le réchauffement climatique
Analyse
Les moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre ont été discutés lors des deux semaines de la COP26, du 31 octobre au 12 novembre à Glasgow (Écosse). Passage en revue des principaux leviers d’action.
Désinvestir les énergies fossiles
Les deux tiers des émissions de gaz à effet de serre ont pour origine la combustion d’énergies fossiles, estime le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) dans son rapport d’août 2021. Toutes n’ont pas le même impact : une centrale électrique à charbon émet 2,2 fois plus de CO2 qu’une centrale à gaz. Mais rester sous la barre des 1,5 °C nécessite la diminution immédiate de leur production : de 11 % chaque année pour le charbon, 4 % pour le gaz et 3 % pour le pétrole, calcule l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans un scénario pour atteindre la neutralité carbone, publié en mai 2021.
Même si certains s’en détournent (les banques multilatérales de développement ont diminué leurs investissements ces dernières années), la tendance reste pour l’heure à la poursuite des investissements. D’après un rapport des Nations unies pour l’environnement, la plupart des pays producteurs de pétrole et de gaz prévoient d’augmenter leur production, même après 2030. Le même rapport estime que les politiques actuelles des États conduiraient en 2030 à une production de charbon supérieure de 240 % à la limite nécessaire pour rester sous 1,5 °C (57 % pour le pétrole et 71 % pour le gaz).
Principaux freins : les pays hésitent à arrêter les subventions aux énergies fossiles face au risque d’instabilité sociale ; investisseurs et entreprises privées poursuivent l’exploitation des ressources et la demande de certains secteurs – à l’image du transport – reste orientée vers les fossiles. Quant au gaz, il est considéré comme une énergie de transition par de nombreux pays.
À la COP26. La présidence britannique souhaite rallier un maximum de pays à un objectif de sortie du charbon en 2030 (pour les pays développés) et en 2040 (pour les pays en développement). Elle pousse aussi les pays et les entreprises à cesser la vente de véhicules thermiques dès 2035.
Promouvoir les énergies renouvelables
Réduire le recours aux énergies fossiles se traduirait par un usage accru de l’électricité, notamment dans les secteurs du transport, du bâtiment ou de l’industrie. L’AIE estime qu’elle devra compter pour la moitié du mix énergétique en 2050 contre 20 % aujourd’hui. Encore faut-il que cette électricité soit elle-même décarbonée. Il faudrait, selon l’agence, multiplier par 5 notre production solaire et éolienne d’ici à 2030 et par quasiment 10 d’ici à 2050 pour atteindre la neutralité carbone.
→ À LIRE. Climat : la transition énergétique est « trop lente », alerte l’Agence internationale de l’énergie
Les freins au développement des énergies renouvelables sont régulièrement cités : manque d’ambition politique, opposition locale, tensions entre différents usages des sols. Surtout, investir coûte cher. Alors que 750 milliards de dollars ont été dépensés dans les énergies renouvelables et les technologies « propres » en 2021, il en faudrait trois fois plus pour atteindre l’objectif de neutralité en 2050, pointe l’AIE. L’accès à ces financements est encore plus difficile dans les pays en développement où l’accès au prêt reste onéreux.
Face à cela, le prix de ces énergies a longtemps freiné les investisseurs. La donne change : en 2020, un autre rapport de l’Agence internationale de l’énergie concluait que les coûts des renouvelables devenaient de plus en plus inférieurs aux coûts de la production conventionnelle, malgré de grosses variations entre pays (en Inde ou aux États-Unis, le charbon reste encore le plus compétitif). Certains verrous technologiques doivent aussi être levés, à l’instar des systèmes de stockage de l’électricité produite.
À la COP26. Comme les énergies fossiles, les renouvelables ne font pas l’objet de négociations formelles. Mais en coulisses, un Conseil de la transition énergétique lancé par 21 pays en 2020 espère rallier d’autres acteurs à son engagement de doubler les investissements dans les renouvelables d’ici à 2030.
Limiter la consommation de viande et transformer l’élevage
L’élevage, en particulier intensif, est à l’origine d’une part importante des émissions de gaz à effet de serre. De fait, la production annuelle de viande est massive – 325 millions de tonnes en 2020, selon la FAO, qui, toutes filières de production confondues, estime que l’élevage représente 14,5 % des émissions anthropiques.
→ LES FAITS. Climat : la planète bat un nouveau record de concentration de gaz à effet de serre
Elles proviennent de quatre sources : la fermentation entérique ; la gestion du fumier ; la production d’aliments pour le bétail (et la déforestation qu’elle entraîne) ; la consommation énergétique pour la transformation et le transport de la viande.
Il faut donc réduire la consommation, en particulier des pays riches, d’autant que la population mondiale continue de croître. En France, Terra Nova avait ainsi préconisé en 2017 de « diviser par deux notre consommation de chair animale » dans les vingt à trente ans. « Il faut certes agir en ce sens, mais on ne peut pas se contenter d’un message univoque, relève Henri Waisman, à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Dans certains pays du Sud, l’élevage et la viande font partie des trajectoires de développement. »
De même, si la production bovine est l’une des plus émettrices, « ce n’est pas si simple de trouver des alternatives, car nourrir les porcs et les volailles pose des problèmes pour la biodiversité », poursuit l’expert. Il faut donc privilégier les solutions locales, et, au-delà de la consommation, transformer les manières de produire de la viande.
À la COP26. La journée du 6 novembre sera consacrée à la biodiversité (et à l’impact des pratiques agricoles), indissociable de la lutte pour le climat. Le président français Emmanuel Macron pousse à la création de coalitions d’action comme « OP2B », qui depuis 2019 rassemble de grands acteurs de l’agroalimentaire.
Préserver les forêts, précieux puits de carbone
Pour gagner la bataille du climat, il faut réduire nos émissions et préserver les puits de carbone qui captent et stockent le CO2. Les forêts jouent un rôle essentiel : d’après la FAO, elles « emmagasinent de 20 à 100 fois plus de carbone par unité de surface que les terres cultivées ». Pourtant, ces précieux alliés se réduisent de 5,3 millions d’hectares par an, sous l’effet des catastrophes naturelles et de la déforestation (1).
Première cause de celle-ci ? L’extension des terres agricoles, pour nourrir le bétail, produire de l’huile de palme, de la canne à sucre, du maïs, etc. L’exploitation des énergies fossiles et l’urbanisation ont aussi leur part dans ce processus délétère, que le réchauffement climatique vient aggraver dans un inquiétant cercle vicieux. Ainsi, ces dix dernières années, l’Amazonie brésilienne a rejeté plus de carbone qu’elle n’en a absorbé, notamment en raison des sécheresses qui fragilisent la biomasse (2).
Pour limiter ces saignées, la régulation des importations liées à la déforestation est cruciale. À cet égard les projets d’accords commerciaux comme celui négocié entre l’Union européenne et le Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay) sont pointés du doigt. En mars 2021, l’Institut Veblen et l’interprofession bovine Interbev ont aussi proposé l’adoption d’un règlement européen sur les « mesures miroirs », afin que les standards de production du continent s’appliquent aux produits importés.
À la COP26. La présidence britannique va mettre autour de la table exportateurs et importateurs de produits impliqués dans la déforestation. Objectif : trouver, ensemble, des solutions concrètes.
Débloquer des milliards pour les pays du Sud
Le financement est l’un des points de crispation entre pays développés et pays en voie de développement. Depuis les années 1990, les négociations climat reconnaissent une asymétrie entre les pays riches, à l’origine de la majorité des émissions historiques, et les pays les moins avancés, qui en subiront les effets de façon disproportionnée.
→ DÉBAT. Biodiversité, le Nord doit-il financer les aires protégées du Sud ?
À Copenhague, en 2009, les pays développés se sont engagés à mobiliser 100 milliards de dollars de financements publics et privés, chaque année, jusqu’en 2020 pour les pays les moins riches. En 2015, l’accord de Paris a précisé que ces financements devaient être répartis à parts égales entre projets d’atténuation du changement climatique (investir dans un champ de panneaux solaires, par exemple) et projets d’adaptation (construire une digue pour contrer la montée du niveau de la mer).
Le compte n’y est pas. Selon le dernier pointage réalisé par l’OCDE, 79,6 milliards de dollars (68,6 milliards d’euros) ont été mobilisés en 2019. Les financements pour l’adaptation n’en représentent qu’un quart. « Au-delà de la quantité, il y a un problème de qualité, souligne Armelle Le Comte, de l’ONG Oxfam. Les États ont aussi tendance à recourir excessivement aux prêts : ils gonflent leur effort financier réel, puisqu’ils seront remboursés ensuite. » Pour donner un ordre de grandeur, l’adaptation seule coûte déjà 70 milliards de dollars par an aux pays en développement, selon l’agence ONU climat. Ce chiffre devrait atteindre 140 à 300 milliards en 2030.
À la COP26. Mandatés par le Royaume-Uni, le Canada et l’Allemagne ont réussi une semaine avant la COP à collecter des engagements fermes des pays développés permettant de débloquer les 100 milliards promis en 2023. À Glasgow, il s’agira surtout de définir un cadre de négociation pour un nouvel objectif, plus ambitieux (après 2025).
REPÈRES
→ COP26 : à quoi sert une conférence climat ?
→ L’historique de trente années de négociations climatiques
→ Comment sont choisies les villes d’accueil de la conférence climat ?
(1) Selon L’Atlas du climat, de François-Marie Bréon et Gilles Luneau, Autrement.
(2) Étude parue dans la revue Nature Climate Change.