“Petites bonnes” en Afrique
« L’ampleur du phénomène des enfants domestiques
est aujourd’hui dévoilée »
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Les ‘petites bonnes’ en ville
A l’arrivée chez leur employeur, cela se passe rarement comme prévu. Les horaires de travail dépassent les dix, douze heures, il n’y a pas de week-end, de vacances ni de temps de repos, le salaire, quand il existe, est aléatoire, etc.
Être ‘bonne’, au Maroc, c’est prendre le risque de subir, un jour ou l’autre, des violences de ses employeurs. Il ne se passe pas un jour, sans que les médias ne relaient le cas de domestiques maltraitées dans les familles pour lesquelles elles travaillent. Dans ce pays, 30 000 fillettes sont employées comme domestiques dans des familles aisées. Tout ceci bien que le travail des enfants de moins de 15 ans soit proscrit par la loi.
Les tâches des ‘petites bonnes’ sont multiples et varient selon qu’elles sont au village ou en ville. Au village, ce sont principalement les travaux domestiques. En ville par contre, elles sont aussi souvent utilisées dans des activités génératrices de revenus : vendre des beignets, de la farine, de l’eau, de la glace ou de la bière. Les enfants à qui l’on verse une rémunération sont plus exploités que ceux qui ne reçoivent rien.
Les risques les plus courants auxquels ces enfants sont affrontés dans le travail domestique sont, outre les longues et laborieuses journées de travail, l’utilisation de produits chimiques toxiques, les lourdes charges à porter, la manipulation d’objets dangereux, tels que couteaux, haches et casseroles chaudes, la nourriture et le logement insuffisants ou inadéquats, et les traitements humiliants ou dégradants, y compris la violence physique et verbale, et la violence sexuelle.
Le manque de repos fait partie de la maltraitance que subissent ces petites travailleuses. Elles manquent cruellement d’affection et vivent très mal l’isolement, ce qui développe chez elles des inhibitions, la méfiance. Les injures que toute la famille déverse sur elles à longueur de journée, ne sont pas de nature à les sécuriser.
Les fillettes qui doivent faire le petit commerce, livrées à elles-mêmes et à la rue, se prostituent de façon occasionnelle, par nécessité, pour compléter leur ration alimentaire, pourvoir à leur habillement, souvent négligé par les employeurs et échapper aux diverses brimades.
La rue donne aussi des idées de consommation anarchique, un «appétit d’immédiateté», de « tout posséder tout de suite », renforcé par le mythe social de l’enrichissement à tout prix, dans une société caractérisée par des conditions économiques défavorables qui se traduit au niveau du comportement des fillettes, sous l’effet d’une forte suggestibilité, par un désir de consommation matérielle : pagnes, chaussures, denrées alimentaires.
Pourquoi devenir ‘petite bonne’ ?
Dans la culture africaine, l’enfant n’appartient pas seulement à ses parents mais à un groupe d’une même lignée. Son éducation n’incombe donc pas uniquement à ses parents mais aux membres de ce groupe. Il est alors courant que l’enfant soit confié, en gage de solidarité, pour sceller des alliances ou pour maintenir des liens sociaux, à un membre de ce groupe. Ce peut- être la tante veuve et sans enfant, l’oncle qui vit en ville ou le cousin qui possède un négoce. Il y a pour les familles rurales comme une double chance : leurs fillettes pourront rejoindre la ville, et aussi apprendre des tâches auxquelles elles seront confrontées plus tard.
La demande se fait souvent entre femmes. Une fois convenue, la proposition est faite au père. Celui-ci ne tarde pas à céder pour, entre autres raisons, sauvegarder les liens familiaux avec la famille demandeuse. Le moindre refus occasionne parfois de graves détériorations des relations dans le clan. Mais les petites bonnes sont également des enfants sacrifiés par leur famille pour seconder les mères de famille dans leurs travaux ménagers.
Dans les villages, nombreux sont les ménages qui croient encore que la première fille n’a pas le droit d’aller à l’école. À sa naissance, la mère se sent soulagée de trouver une assistante valable.
Ce phénomène est du essentiellement à la pauvreté, l’analphabétisme et la précarité des infrastructures au niveau des zones rurales.
Les disparités sociales et économiques croissantes, la perception selon laquelle l’employeur représente tout simplement une ‘famille’ élargie et un environnement protégé pour l’enfant, la né-cessité croissante pour les femmes au foyer d’avoir une ‘remplaçan-te’ à domicile qui permettra à de plus en plus d’entre elles d’entrer dans le marché du travail et l’illusion que le travail domestique offre à l’enfant travailleur une perspective d’instruction, sont quelques-uns de ses ‘facteurs d’attraction’.
Responsabilité des autorités
Le Maroc a une loi qui interdit l’exploitation des jeunes filles de moins de quinze ans. Non seulement personne ne la respecte mais, en plus, elle ne couvre pas les travaux domestiques des petites filles. En clair, tous ceux qui sont employés à domicile ne sont pas pris en compte ni couvert par cette loi.
Même les réseaux qui proposent du travail aux petites filles en ville sont légalisés. Or, la plupart du temps, ce sont des trafiquants qui assurent que les filles seront bien traitées et rémunérées par leurs employeurs alors que c’est faux.
Il n’en reste pas moins que dans beaucoup de pays les structures gouvernementales ont déployé de grands efforts pour amorcer la dynamique de transformation de la situation des ‘petites bonnes’.
L’État doit s’impliquer pour :
* mieux faire appliquer les lois interdisant l’emploi d’enfants de moins de 15 ans et créer un système efficace de contrôle ;
* sanctionner les employeurs qui engagent sciemment des enfants en dessous de l’âge minimum ;
* veiller à ce que les filles de plus de 15 ans bénéficient de conditions de travail décentes avec une rémunération normale.
Quelles autres solutions encore ?
Pour contribuer à atténuer ce fléau à défaut de pouvoir l’éradiquer, il est nécessaire de renforcer la sensibilisation et l’éducation aux droits de la personne pour tous les acteurs impliqués dans la chaîne : parents, tuteurs, employeurs, petites filles, autorités et institutions de promotion, de défense et de protection des droits de la petite fille.
La meilleure pratique d’utilisation des enfants travailleurs domestiques aura les effets positifs dès lors qu’on pourra :
* agir sur la cellule familiale pour réduire la demande ;
* procéder à une meilleure intégration des enfants dans les ménages ;
* impliquer à fond les Médias pour informer les populations ;
* travailler à la vulgarisation des lois protégeant les enfants.
Tout cela permettra de mieux soutenir la lutte contre cette pratique dégradante très voisine de l’esclavage que vivent les petites filles utilisées comme ‘bonnes’ à tout faire en ville contre un salaire de misère attendu du reste par leur famille au village, en contribution à la lutte contre la pauvreté.
De sources diverses
Voix d’Afrique