Réchauffement climatique : les événements extrêmes s’accélèrent
Les vagues de chaleur, inondations ou tempêtes de ces derniers mois ont tendance à se répéter plus fréquemment depuis quelques années. Elles rappellent la nécessité de planifier l’adaptation au changement climatique, mais d’autres mesures sont nécessaires pour enrayer cette tendance.
La vague de chaleur en Asie du Sud se poursuit. S’il est « prématuré » de l’attribuer uniquement au réchauffement global de la planète, « elle est conforme à ce que nous attendons du changement climatique », a commenté l’Organisation météorologique mondiale (OMM), dans un communiqué publié le 29 avril… comme un écho à un autre communiqué, publié quelques jours plus tôt après les inondations meurtrières qui ont frappé la région de Durban, en Afrique du Sud.
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Les 11 et 12 avril, il y est tombé entre 200 et 400 mm de pluie en l’espace de vingt-quatre heures, soit les précipitations les plus importantes depuis soixante ans. Là encore, il est trop tôt pour lier l’événement au réchauffement, mais celui-ci aussi est « conforme » à ce que pourrait produire l’élévation de la température mondiale, a relevé l’OMM.
Vagues de chaleur, inondations, tempêtes…
Le sixième volet du rapport du Giec, publié en août dernier, a mis en avant l’accroissement du risque posé par ces phénomènes dits « extrêmes », directement causés par le réchauffement climatique. Il est ainsi « quasiment certain » pour les scientifiques que les vagues de chaleur seront plus intenses et dureront plus longtemps que par le passé. « Partout dans le monde, les moyennes de températures augmentent, et les extrêmes aussi, explique Robert Vautard, climatologue et directeur de l’Institut Pierre-Simon-Laplace. Mais les vagues de chaleur ne sont pas la seule conséquence. »
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Puisqu’une atmosphère chaude peut contenir davantage de vapeur d’eau, le réchauffement augmente aussi l’intensité des pluies, et donc le risque d’inondations. C’est ainsi que les deux tempêtes sévères qui ont frappé Madagascar, le Mozambique et le Malawi, en début d’année, ont vu leur intensité accrue par le réchauffement climatique, selon une étude publiée début avril par le World Weather Attribution.
Une fréquence accrue
En parallèle, la fréquence de ces événements augmente. « À 1,5 °C de réchauffement, une canicule comme celle de 2019 en France se produit tous les dix ans, explique Magali Reghezza, géographe et membre du Haut Conseil pour le climat. À 2 °C, il est probable qu’elle se répète tous les quatre ans. »
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Cette multiplication pose des problèmes bien concrets. « Par hypothèse, les inondations à Durban survenaient autrefois tous les cent ans, explique Justin Pringle, ingénieur en mécanique des fluides à l’université de Kwazulu-Natal, située dans cette ville sud-africaine. Si elles deviennent récurrentes, il faudra planifier les nouvelles constructions en conséquence ou encore mettre en place de véritables systèmes d’alerte. »
Cela implique de former des professionnels. « Le problème est celui des échelles de temps : un étudiant entrant à l’université aujourd’hui mettra dix ans à devenir un ingénieur expérimenté ; or le changement climatique s’accélère déjà », poursuit Justin Pringle.
Le poids des facteurs socio-économiques et politiques
Les pays du Sud sont en première ligne face à ces nouveaux extrêmes climatiques. « Beaucoup de zones ont des conditions géographiques défavorables, mais cela se cumule à des facteurs socio-économiques et politiques qui aggravent la vulnérabilité », explique Jasper Knight, professeur de géographie physique à l’université du Witwatersrand (Afrique du Sud). L’habitat informel, la nécessité de travailler malgré les fortes chaleurs, la dépendance économique à l’agriculture rendent les personnes plus sensibles en cas d’aléa.
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Les facteurs politiques peuvent également contribuer à aggraver – ou à limiter – les dégâts causés. En Afrique du Sud, plusieurs chercheurs et organisations environnementales ont pointé du doigt la responsabilité du manque d’infrastructures à Durban – sur le plan du drainage notamment – malgré des inondations à répétition.
La question de l’adaptation se pose également en Inde, après plusieurs vagues de chaleur. « Les communautés locales savent très bien réagir en cas de cyclone, car nous en subissons depuis longtemps, explique Madhav Pai, directeur de programme au World Resources Institute, en Inde. La question est la création de véritables plans canicule, qui aillent au-delà de la simple information. »
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Aux yeux de Magali Reghezza, du Haut Conseil pour le climat, la problématique de l’adaptation se pose aussi sur le continent européen : « En France, les premières victimes des vagues de chaleur sont les personnes sans abri, explique-t-elle. Il y a par exemple urgence à mettre en place un équivalent du plan grand froid lors des canicules. »
Des « limites dures »
Au-delà de l’adaptation, la multiplication de ces événements rend nécessaire la réduction des émissions de gaz à effet de serre. « Il y a des limites dures à l’adaptation, poursuit la géographe. Au-delà de deux degrés, les événements extrêmes deviennent tellement fréquents et intenses dans certaines zones que l’humain ne peut simplement plus y répondre. »
En Inde et au Pakistan, l’inquiétude monte autour du risque posé par l’augmentation des « températures humides », un mélange de chaleur et d’humidité, qui limite la capacité du corps à évacuer la transpiration, et peut s’avérer létal au bout de plusieurs heures. La limite est de 35 °C TW (pour « températures humides » ). Ces dernières semaines, certaines zones de l’Inde et du Pakistan ont atteint les 29 °C TW.
Ces événements remettent également sur la table la promesse faite par les pays développés d’octroyer 100 milliards de dollars par an pour l’adaptation et l’atténuation du changement climatique dans les pays du Sud, non tenue depuis plusieurs années. Dimanche 1er mai, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a enjoint aux pays riches de « passer aux actes ».