Nigeria : un présidentiable marié à une fillette de 13 ans
Sani Yerima, ancien gouverneur de Zamfara qui vient de se lancer dans la course à la magistrature suprême, a justifié son union avec une enfant sur Channels TV cette semaine.
Dans la perspective du scrutin pour la magistrature suprême de 2023, c’est la foire d’empoigne avant la foire d’empoigne, le dévoilement des ambitions – ou des renoncements, comme celui de Goodluck Jonathan – avant la campagne électorale. Avant que les partis politiques puis les autorités ne se prononcent sur la validité de chaque candidature, les parcours professionnels et les vies privées des « candidables » sont passés à la moulinette des médias et de l’opinion. Début mai, Sani Yerima informait de son ambition présidentielle le chef de l’État sortant, Muhammadu Buhari, auquel il avait concédé, en 2007, le flambeau de leur formation, le All Nigeria Peoples Party (ANPP).
Promoteur de la charia
Aujourd’hui âgé de 61 ans, l’ancien gouverneur de l’État nordiste de Zamfara remet le couvert après douze ans passés au Sénat. Resté célèbre pour avoir été le premier à promouvoir le système de la charia dans la zone qu’il gouverna entre 1999 à 2007, il est interrogé en particulier sur son expérience dans l’application du droit musulman. Lors d’une émission diffusée la semaine dernière sur Channels TV, le candidat à la candidature a eu à s’expliquer sur son choix d’épouser, en 2009, une Égyptienne de 13 ans.
Pas déstabilisé pour deux sous, le politicien est resté droit dans les bottes qu’il avait enfilées il y a bien des années. Lui qui considérait, en 2013 sur la même chaîne de télévision, que « la maturité pour le mariage était déterminée par les parents de la fille », s’est cette fois arc-bouté sur des considérations légales. « Il n’y a pas de loi au Nigeria qui détermine quand et comment vous vous mariez. Les musulmans ont la charia. Les chrétiens, je ne sais pas. » Et d’ajouter, stoïque : « Si j’avais fait quelque chose de mal, j’aurais été traduit en justice. »
Mariage avec des enfants légitimés
Certes, les militants des droits de l’enfant s’étaient insurgés lors de son mariage. Certes, le comité sénatorial chargé de la révision de la Constitution avait suggéré, en 2013, que soit supprimé un article indiquant que « toute femme mariée est réputée être majeure », entorse au fait que « le terme majeur désigne l’âge de 18 ans et plus ». Mais la recommandation n’avait pas obtenu le nombre de voix requis par la Constitution pour être validée…
Si l’article incriminé concerne la renonciation à la citoyenneté et non la définition formelle de l’âge minimum du mariage, les féministes considèrent que les unions avec des enfants sont implicitement légitimées au Nigeria. Le hashtag #ChildNotBride (« enfant pas mariée ») a été lancé, ainsi qu’une pétition en ligne, à l’ONU, qui a recueilli plus de 20 000 signatures. Sans succès majeur : seuls 23 des 36 États du Nigeria ont adopté la loi de 2003 sur les droits de l’enfant qui fixe l’âge du mariage à 18 ans.
Sani Yerima a pu profiter de cette faille légale pour épouser une fille de 13 ans. Reste à savoir si sa réputation l’empêchera d’obtenir l’investiture de son parti pour la présidentielle…