Jihadisme au Sahel : l’inexorable descente vers le Golfe de Guinée
Après le Mali et le Burkina Faso, les jihadistes tentent depuis plusieurs mois d’étendre leur zone d’action. Côte d’Ivoire, Bénin et Togo sont désormais confrontés à des incursions de plus en plus régulières. Décryptage.
Le soleil est à peine levé, en ce 26 juin, quand le commissariat béninois de Dassari est assailli par des hommes armés. Deux policiers sont tués, un autre grièvement blessé. Située à 20 km de la frontière burkinabè à la lisière du parc national de la Pendjari, la commune n’a pas été la cible d’un acte isolé. Depuis 2022, plus d’une vingtaine d’attaques terroristes ont été recensées au Bénin. Dix jours plus tôt, à 30 kilomètres de là, c’est au Togo que les jihadistes ont frappé, dans la région des savanes où les forces armées ont repoussé un assaut similaire, un mois seulement après la première attaque jihadiste meurtrière que le pays a subie, lors de laquelle 8 soldats ont été tués. Plus à l’ouest, la Côte d’Ivoire, qui avait déjà été frappée durement en 2016 par les attentats de Grand-Bassam, tente depuis un an de repousser les hommes de la katiba Hamza, venus du Burkina Faso et déjà bien infiltrés dans la région du parc de la Comoé.
Les craintes d’une propagation de la menace jihadiste en Afrique de l’Ouest, redoutée par de nombreux experts et services de renseignements depuis plusieurs années, est aujourd’hui une réalité : le Golfe de Guinée est la nouvelle cible. Les trois pays côtiers sont désormais confrontés aux combattants de ces groupes armés venus du Mali et du Burkina, principalement ceux affiliés au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM).
Inquiétante dynamique
Une dynamique d’autant plus inquiétante qu’elle s’accompagne de la diffusion de plus en plus forte de l’idéologie jihadiste au sein des populations. Partout dans les zones frontalières se développent des « foyers endogènes, composés de recrues locales et qui se nourrissent des fragilités propres aux territoires : tensions d’accès aux ressources, stigmatisation communautaire, existence de réseaux criminels prompts à se radicaliser », souligne Mathieu Pellerin, chercheur à l’Ifri dans un rapport publié en février dernier.
Cette « descente vers le sud » trouve ses racines dans la guerre civile algérienne et la décennie noire de 1991 à 2002. Le mouvement des jihadistes vers le Sahel, d’abord contraint par la répression menée par les autorités algériennes contre les groupes terroristes, s’est accéléré en 2012, à la chute de Kadhafi. Dix ans après, le constat est sans appel : le Sahel est plus que jamais gangréné par le jihadisme. Et le phénomène n’en finit pas de s’étendre. Les différentes opérations militaires qu’elles aient été menées par la France, l’ONU ou les forces militaires régionales, ne sont pas parvenues à éteindre ce feu, qui se propage chaque jour un peu plus vers le Golfe de Guinée.
Du Groupe islamique armé (GIA) au GSIM, de l’Algérie aux confins du Bénin et de la Côte d’Ivoire, quels sont les groupes présents sur le terrain et comment ont-ils évolué ? Comment les alliances et les scissions internes ont influencé la stratégie des différents groupes armés ? Retour en infographie et en vidéo sur deux décennies d’une guerre face à laquelle les États semblent démunis.
Pour réaliser cette carte évolutive, nous nous sommes concentrés sur les groupes terroristes jihadistes qui interviennent aujourd’hui directement dans le Sahel, hors Boko Haram, et en écartant également les attentats revendiqués par Al-Qaïda ou Daech (et non leurs branches locales), notamment ceux de Casablanca (2003), celui de Sousse (2015) ou encore ceux de Marrakech (2011), lesquels ne sont donc pas mentionnées sur la carte.