Inflation : vers une rentrée sociale à la sauce « vie chère » ?

La situation économique internationale fait craindre des troubles sociaux dans des pays africains où la hausse des prix des produits alimentaires pèse de plus en plus sur le budget des ménages.

Mis à jour le 24 août 2022 à 14:44
 
Damien Glez
 

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

 

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© Damien Glez

À la mi-août, le Nigeria annonçait que son inflation atteignait son taux le plus élevé depuis dix-sept ans. L’Afrique du Sud, autre moteur économique du continent, publiait également un taux record de hausse des prix de 7,4 %, largement influencé par le renchérissement des transports et des denrées alimentaires. Le Zimbabwe, lui, habitué des records continentaux dans ce domaine, avait établi, en juin, une inflation des prix des denrées alimentaires de… 255 %.

Alors que la période de soudure n’est pas encore un mauvais souvenir, la Banque mondiale anticipe une baisse de 0,6 point de la croissance économique de l’Afrique en 2022. Si le conflit ukrainien ne devrait pas se muer en guerre mondiale, la crise diplomatique concerne bien tous les pays, alignés ou non, de même que les difficultés économiques largement influencées par les blocus et autres sanctions liées audit conflit.

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Le prix du pain, mètre étalon de la grogne

Plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest comme le Bénin, la Gambie, le Sénégal ou le Togo importent plus de la moitié de leur blé d’Ukraine et de Russie. Les citadins biberonnés à la baguette franchouillarde se mettront-ils au pain rural déjà enrichi aux farines à base de millet, de sorgho ou de fonio ? Si des initiatives entrepreneuriales individuelles et des campagnes de sensibilisation publiques tendent à susciter la résilience par une consommation locale, un système d’approvisionnement et des habitudes de consommation ne se modifient pas d’un claquement de doigt. D’ailleurs, les productions locales, comme le manioc ou l’igname, subissent également l’inflation, du fait de l’augmentation des prix des engrais dont la Russie est également l’un des principaux exportateurs mondiaux.

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Le prix du pain étant – avec les carburants –, le mètre étalon de la grogne consommatrice, l’Afrique doit-elle s’attendre à une rentrée sociale troublée à la sauce « vie chère » ? En matière de révoltes (pondérées) du pain, le Sénégal et le Burkina Faso ont déjà anticipé la marche des manifestations, respectivement en avril et en mai.

Spectre des émeutes de la faim

Au moment où le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) indique que dans les pays en développement, en seulement trois mois, 71 millions de personnes auraient basculé dans la pauvreté, nombre d’observateurs alertent effectivement sur les risques de troubles sociaux. Et voilà le spectre d’un acte II des émeutes de la faim qui transparaît dans certains discours, en référence aux mouvements de contestation de 2008 dans une trentaine de pays, et ceci en dépit d’une reprise très progressive des exportations de céréales en provenance d’Ukraine.

Le 10 août, à Freetown, des manifestations contre la vie chère ont entraîné la mort d’au moins douze civils et de quatre membres des forces de sécurité. Rappelons au passage que certains renversements de régimes des Printemps dit « arabe » ont été tout autant motivés par des aspirations de liberté que par l’augmentation de prix de denrées essentielles comme l’huile ou les céréales…