Burkina : vaincre les terroristes avec des abeilles, des pythons et des caïmans ?

Au Faso, un expert en stratégie territoriale et en développement local préconise le recours à des animaux sacrés pour lutter contre les jihadistes.

Mis à jour le 31 août 2022 à 17:45
 
Damien Glez
 

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

V

 abeilles

 

@DamienGlez

 

La junte burkinabè est confiante. Proclamant, depuis des mois, sa « montée en puissance » et l’« acculement » des terroristes, le régime militarisé entend renverser l’hydre jihadiste presque aussi facilement que le pouvoir de Roch Kaboré. Ces derniers jours, le président de la transition, Paul-Henri Damiba, évoquait tout à la fois le redéploiement des soldats et le renforcement du dispositif sécuritaire, avec notamment de nouveaux hélicoptères de combat. N’a-t-il pas oublié une composante de la lutte ?

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Le 27 août à Ouagadougou, lors d’une conférence publique sur la sécurité au Sahel, un expert en stratégie territoriale et en développement local souhaitait que l’on fasse appel à des techniques ancestrales de lutte « abandonnées », des « valeurs » traditionnelles en rapport avec le monde animalier. Pour Kalifara Séré, les combattants contre les groupes armés pourraient avantageusement recourir à « des abeilles de guerre, des pythons et des caïmans sacrés ». Des insectes, serpents et crocodiliens qu’il affirme « dix fois plus puissants que les VDP », ces Volontaires pour la défense de la patrie engagés aux côtés des forces armées professionnelles.

Biodiversité combattante

L’idée d’envoyer des animaux au front n’est pas incongrue, les hommes ayant « engagé », en temps de guerre et à des époques très différentes, des pigeons, des chats, des dauphins, des éléphants ou des chiens. Spécialisé dans la détection d’explosifs, un canidé de la race Jack Russel était décoré, le 8 mai dernier, de la médaille du courage par le président Volodymyr Zelensky, pour avoir repéré 236 engins dangereux depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le public de la conférence de Ouagadougou attend que Kalifara Séré évoque les ressorts logistiques du dispositif, qu’ils soient en rapport avec un dressage pavlovien ou avec une programmation mystique.

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La perspective est alléchante : pas de grève d’abeilles pour cause de solde impayée, pas de ravitaillement citadin via des ponts endommagés, pas de procédures judiciaires en cas d’exactions, pas d’accusation de survol illégitime d’espace aérien… Les abeilles tueuses de terroristes seraient même les drones les plus écologiquement corrects de l’arsenal sahélien.

Quelle rémunération, alors, pour ces animaux soldats ? Le gage d’une sauvegarde de la biodiversité. Au Burkina Faso, les terroristes menacent les animaux tout autant que le font les braconniers. Dans la forêt classée de Maro, où passent des éléphants, et à la Mare aux hippopotames de Bala, les mammifères « sacrés » sont menacés d’extinction. Les réserves servent de refuge aux jihadistes pour préparer et lancer des attaques. Les conservateurs ne peuvent plus faire leur métier correctement…