Rapatriement de familles de djihadistes : la France condamnée par la CEDH

Les faits 

La Cour européenne des droits de l’homme a condamné mercredi 14 septembre la France pour ne pas avoir étudié de manière appropriée les demandes de rapatriement de familles de djihadistes en Syrie. Le gouvernement devra reprendre l’examen de ces demandes « dans les plus brefs délais ».

  • Esther Serrajordia (avec AFP), 
Rapatriement de familles de djihadistes : la France condamnée par la CEDH
 
Pour la première fois, la Cour européenne des droits de l’homme se prononce sur le sort des familles de djihadistes français retenus dans des camps en Syrie.DELIL SOULEIMAN/AFP

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné mercredi 14 septembre la France pour ne pas avoir étudié de manière appropriée les demandes de rapatriement de familles de djihadistes en Syrie, des requêtes que Paris va devoir réexaminer au plus vite.

« En exécution de son arrêt, la Cour précise qu’il incombe au gouvernement français de reprendre l’examen des demandes des requérants dans les plus brefs délais en l’entourant des garanties appropriées contre l’arbitraire », a indiqué la Grande Chambre de la CEDH, sa plus haute instance. Celle-ci avait été saisie par les parents de deux jeunes Françaises bloquées dans des camps en Syrie avec leurs enfants.

La Cour a déclaré que la France avait violé les dispositions de l’article 3 de la convention de Strasbourg, disposant que « nul ne peut être privé du droit d’entrer sur le territoire de l’État dont il est le ressortissant ».

Saisie par deux couples de Français

La question centrale était aussi de savoir si la France exerce de façon extraterritoriale sa juridiction sur ces mères et leurs enfants en Syrie. La CEDH a considéré que ce n’était pas le cas. C’est de cette reconnaissance de juridiction que découle l’obligation de l’État de rapatrier les familles. La Cour n’impose donc pas en soi le retour en France des familles détenues en Syrie, mais que l’intérêt des enfants devait être pris en compte.

La CEDH avait été saisie par deux couples de Français qui avaient demandé en vain aux autorités françaises le rapatriement de leurs filles, deux jeunes femmes compagnes de djihadistes, et de leurs trois enfants. Les requérants soutiennent que ce refus viole plusieurs articles de la Convention européenne des droits de l’homme, en exposant notamment leurs filles et petits-enfants à des « traitements inhumains et dégradants ».

Une décision scrutée bien au-delà de la France

La décision va faire jurisprudence et va être scrutée bien au-delà de la France, car elle concerne également les centaines de ressortissants européens actuellement détenus en Syrie. Sept États membres du Conseil (Norvège, Danemark, Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique, Espagne et Suède) sont ainsi intervenus dans la procédure.

Signe de l’importance du sujet, l’affaire, considérée comme prioritaire, a été examinée par la Grande Chambre de la Cour, sa plus haute formation composée de 17 juges et conduite par Robert Spano, président de la juridiction européenne.

Ailleurs en Europe, des pays comme l’Allemagne ou la Belgique ont d’ores et déjà récupéré la plus grande partie de leurs djihadistes. De son côté, au grand dam des familles et des ONG, Paris a longtemps privilégié le « cas par cas », doctrine défendue devant la CEDH par son représentant.

Près de 250 enfants français dans les camps en Syrie

Début juillet, la France a fait revenir 35 mineurs et 16 mères, premier rapatriement massif depuis la chute en 2019 du « califat » de l’organisation armée État islamique (EI). Jusqu’alors, seuls quelques enfants avaient été ramenés.

Selon le coordinateur du renseignement français et de la lutte contre le terrorisme, Laurent Nunez, il restait après cette opération une centaine de femmes et près de 250 enfants français dans des camps en Syrie.