Burkina Faso : le général Simporé, bouc émissaire du président Damiba ?

Huit mois après son putsch, le président burkinabè a décidé de cumuler ses fonctions avec le ministère de la Défense. Il a ainsi écarté l’un des derniers survivants du régime de Roch Marc Christian Kaboré.

Par  - à Ouagadougou
Mis à jour le 19 septembre 2022 à 19:00
 
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Le général Aimé Barthélémy Simporé, ministre de la Défense, a été limogé, lundi 12 septembre 2022 © OLYMPIA DE MAISMONT/AFP

L’image est rarissime. Mercredi 14 septembre, avant le traditionnel conseil des ministres, le général Aimé Barthélemy Simporé reçoit, en guise de cadeau d’au revoir, un tableau des mains du Premier ministre Albert Ouédraogo et du président du Faso, Paul-Henri Sandaogo Damiba.

Le haut gradé est tout sourire. Pourtant, l’avant-veille, il a perdu son portefeuille de la Défense. Par décret, le chef de l’État s’est octroyé cette fonction régalienne. Seul un ministre délégué, Silas Kéïta, jusqu’alors secrétaire général chargé de la Défense et des anciens combattants, l’assistera dans cette tâche.

Alors que le Burkina Faso est englué dans la guerre contre les groupes jihadistes et que les attentes des Burkinabè sont de plus en plus pressantes, c’est un pari risqué que fait le président Damiba. Pour relever ce défi titanesque, il compte sur des hommes de confiance, des militaires qu’il a pris soin de placer à des postes stratégiques depuis sa prise de pouvoir en janvier dernier. Parmi eux, le lieutenant-colonel Yves-Didier Bamouni, qui pilote le Commandement des opérations du théâtre national (COTN), et le colonel-major David Kabré, qui tient les rênes de l’état-major général des armées.

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Expérimenté et respecté

Une réorganisation d’autant plus intrigante que Barthélémy Simporé était un des rares ministres à ne pas avoir perdu son poste lors du renversement de Roch Marc Christian Kaboré. La longévité du général avait d’ailleurs donné lieu a de multiples spéculations, certains y voyant une trahison de l’officier d’infanterie vis-à-vis de son ancien mentor et la preuve irréfutable de la collusion entre les chefs militaires pour débarquer le premier président civil démocratiquement élu du pays.

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Pour d’autres en revanche, il s’agissait d’un choix stratégique du chef de la junte, qui estimait avoir besoin des services du général Simporé, un militaire expérimenté qui a été directeur général du Centre national d’études stratégiques, au cœur de la politique nationale de sécurité du Burkina Faso au cours de ces dernières années. Dans une armée traversée par des fractures, la présence à la tête du département de la Défense d’un homme réputé pour sa tempérance et son management semblait être un atout de taille pour espérer remporter l’adhésion des militaires après le putsch.

Grogne de plus en plus forte

Pourquoi l’évincer désormais ? Selon plusieurs observateurs, ce départ serait lié à la situation sécuritaire, toujours aussi catastrophique, du pays, mais aussi à des incompatibilités d’humeur entre lui et d’autres membres de l’exécutif. « Ils n’ont simplement plus besoin de lui », glisse un ancien diplomate fin connaisseur la scène politique à Ouagadougou. Un représentant de la société civile se réjouit : « Simporé est un ouvrier de la duperie, des illusions et des mensonges d’État sur cette lutte contre le terrorisme. »

Pour le président Damiba, Simporé semble aussi faire office de bouc émissaire face à une opinion publique de plus en plus remontée. Le putschiste avait en effet justifié son coup de force par la persistance de l’insécurité dans le pays, promettant de restaurer l’intégrité territoriale et la paix.

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Reste à savoir si le sacrifice du général Simporé suffira à rebooster le moral des troupes et à redonner confiance aux Burkinabè. Le président, en reprenant les manettes, saura-t-il faire reculer les hordes terroristes qui écument le pays ? Rien n’est moins sûr. Depuis l’éviction du patron de la Défense, les attaques jihadistes se sont poursuivies et aucune décision opérationnelle majeure n’a été annoncée. Seule certitude : Paul-Henri Sandaogo Damiba est attendu au tournant.